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de l'appui d'un frère, il plaçait ses dernières espérances dans la république; le sénat et le peuple en devaient d'autant plus protéger un prince, seul reste d'une famille née pour le rang suprême. » Ensuite il combla de largesses ses plus intimes amis.

XVIII. On ne manqua pas de censurer ces hommes qui, affichant la gravité, se partageaient, en cette circonstance, des palais, des campagnes comme un butin: d'autres croyaient qu'il y avait eu pour eux nécessité; que le prince avait espéré le pardon du crime qui fatiguait sa conscience, en y liant, par ces largesses, les personnages en crédit. Toutefois aucune munificence ne peut adoucir le ressentiment de sa mère; mais elle presse Octavie dans ses bras; elle réunit souvent et secrètement ses amis; elle ajoute à son avidité ordinaire pour l'argent, et de tous côtés amasse des sommes comme pour des besoins pressans; elle reçoit avec accueil et tribuns et centurions; elle honore les noms et les vertus des nobles qui existaient encore, comme si elle cherchait un chef et un parti. Néron le sait : il ordonne qu'on lui retire les gardes qu'elle avait eus comme épouse et conservés comme mère de l'empereur, ainsi que les Germains accordés par surcroît d'honneur. Pour qu'elle ne soit pas entourée d'une foule de courtisans, il sépare sa maison, et relègue sa mère dans un palais qu'Antonia avait habité. Toutes les fois qu'il y vient lui-même, une garde de centurions l'entoure, et après un léger embrassement il se retire.

XIX. Nihil rerum mortalium tam instabile ac fluxum

est, quam fama potentiæ non sua vi nixa. Statim relictum Agrippinæ limen. Nemo solari, nemo adire, præter paucas feminas, amore an odio incertum. Ex quibus erat Junia Silana, quam matrimonio C. Silii a Messallina depulsam supra retuli, insignis genere, forma, lascivia, et Agrippinæ diu percara; mox occultis inter eas offensionibus, quia Sextium Africanum, nobilem juvenem, a nuptiis Silanæ deterruerat Agrippina, impudicam et vergentem annis dictitans; non ut Africanum sibi seponeret, sed ne opibus et orbitate Silanæ maritus potiretur. Illa, spe ultionis oblata, parat accusatores ex clientibus suis, Iturium et Calvisium, non vetera et sæpius jam audita deferens, quod Britannici mortem lugeret, aut Octaviæ injurias evulgaret; sed destinavisse eam Rubellium Plautum, per maternam originem pari ac Nero gradu a divo Augusto, ad res novas extollere, conjugioque ejus et jam imperio rempublicam rursus invadere. Hæc Iturius et Calvisius Atimeto, Domitiæ, Neronis amitæ, liberto, aperiunt. Qui, lætus oblatis, quippe inter Agrippinam et Domitiam infensa æmulatio exercebatur, Paridem histrionem, libertum et ipsum Domitia, impulit ire propere crimenque atrociter deferre.

XX. Provecta nox erat et Neroni per vinolentiam

XIX. De toutes les choses humaines rien n'est moins stable ni plus fragile que la renommée d'un pouvoir qui ne s'appuie pas sur ses propres forces. Aussitôt le palais d'Agrippine est désert; personne ne la console, personne ne l'aborde, excepté quelques femmes qu'attire l'affection ou la haine. Une d'elles était Junia Silana, chassée du lit de C. Silius par Messaline, comme je l'ai rapporté ; femine célèbre par sa naissance, par sa beauté, par ses galanteries, et long-temps chère à Agrippine. Depuis, des haines secrètes s'étaient élevées entre elles, parce qu'Agrippine avait dégoûté Sextius Africanus, jeune noble, d'épouser Silana, à force de lui répéter qu'elle était débauchée et sur le retour; non qu'elle réservât Africanus pour elle, mais c'était pour qu'un mari ne devînt pas possesseur des richesses de Silana, qui était sans enfans. Cette femme, trouvant l'espoir de se venger, lui suscite des accusateurs parmi ses cliens, Iturius et Calvisius: elle ne dépose pas de faits anciens et déjà souvent rappelés, comme de pleurer la mort de Britannicus, de divulguer les chagrins d'Octavie; mais elle l'accuse du dessein formé d'élever, par une révolution, Rubellius Plautus, issu par le côté maternel du divin Auguste, au même degré que Néron; de partager avec lui son lit et son pouvoir, et de s'emparer une seconde fois de l'empire. Ces faits sont découverts par Iturius et Calvisius à Atimetus, affranchi de Domitia, tante de Néron. Atimetus, ravi de l'occasion, car une rivalité implacable existait entre Agrippine et Domitia, détermine l'histrion Pâris, affranchi comme lui de Domitia, à aller en hâte dénoncer le crime avec les couleurs les plus atroces.

XX. La nuit était avancée, et Néron la prolonge ait

trahebatur, quum ingreditur Paris, solitus alioquin id temporis luxus principis intendere. Sed tunc compositus ad mœstitiam, expositoque indicii ordine, ita audientem exterret, ut non tantum matrem Plautumque interficere, sed Burrum etiam demovere præfectura destinaret, tanquam Agrippinæ gratia provectum et vicem reddentem. Fabius Rusticus auctor est scriptos esse ad Cæcinam Tuscum codicillos, mandata ei prætoriarum cohortium cura; sed ope Senecæ dignationem Burro retentam. Plinius et Cluvius nihil dubitatum de fide præfecti referunt. Sane Fabius inclinat ad laudes Senecæ, cujus amicitia floruit. Nos, consensum auctorum secuti, quæ diversa prodiderint sub nominibus ipsorum trademus. Nero, trepidus et interficiendæ matris avidus, non prius differri potuit quam Burrus necem ejus promitteret, si facinoris coargueretur: «<sed cuicunque, nedum parenti, defensionem tribuendam ; nec accusatores adesse, sed vocem unius ex inimica

domo afferri. Refutare tenebras, et vigilatam convivio noctem, omniaque temeritati et inscitiæ propiora.

XXI. Sic lenito principis metu, et luce orta, itur ad Agrippinam, ut nosceret objecta, dissolveretque vel pœna lueret. Burrus iis mandatis, Seneca coram, fungebatur; aderant et ex libertis, arbitri sermonis. Deinde Burro, postquam crimina et auctores exposuit, mina

dans l'ivresse, lorsque Pâris entra; il avait coutume de paraître à cette heure pour animer les divertissemens du prince. Mais alors la tristesse de ses traits, et l'exposition en détail de l'accusation, épouvantent Néron qui l'écoute, au point que non-seulement il veut qu'on tuc sa mère et Plautus, mais que Burrus soit dépouillé du commandement du prétoire, comme devant son élévation à la faveur d'Agrippine, et pouvant lui en être reconnaissant. Fabius Rusticus a écrit que l'on envoya un brevet à Cécina Tuscus, pour lui confier le commandement des cohortes prétoriennes; mais que le crédit de Sénèque conserva à Burrus sa dignité. Pline et Cluvius rapportent qu'il n'y eut aucun doute sur sa fidélité. Il est vrai que Fabius incline à louer Sénèque, dont l'amitié lui fut utile. Pour nous, nous avons suivi les auteurs tant qu'ils ont été d'accord; dès qu'ils diffèrent, nous rapportons les faits sous leurs noms. Néron, tremblant, avide du sang de sa mère, ne consentit à différer que sur la promesse de Burrus qu'elle mourrait, si elle était convaincue. « On doit, dit-il, accorder à tout accusé et bien plus à une mère, le droit de se défendre des accusateurs ne se sont pas présentés; mais on n'a entendu que la voix d'un seul homme attaché à une maison ennemie. Bien des choses réfutent le crime; les ténèbres, la nuit passée en festins, et tant d'élémens de surprise et d'imposture. »

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XXI. Ainsi se calma la frayeur du prince au point du jour on se rend chez Agrippine, pour qu'elle connût l'accusation, s'en purgeât ou en subît le châtiment. Burrus est chargé de ce mandat, Sénèque est présent; il y avait là aussi des affranchis témoins de l'entretien. Burrus, après avoir fait connaître les imputations et

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