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M. G. Servois remarque après Walckenaër que ce nombre de fept mille ans n'eft pas celui de la chronologie vulgaire & orthodoxe. C'est la chronologie des favants, de Suidas, d'Onuphre Panvin & des Tables Alphonfines.

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Toutes les clefs nomment Poncet de la Rivière, confeiller d'État, auteur d'un livre intitulé Confidérations fur les avantages de la Vieillesse, publié en 1677 sous le pseudonyme de Baron de Prelle. Walckenaër a confondu à tort ce magiftrat avec Mathias Poncet de la Rivière, conseiller au parlement, qui était fon fils. Celui-ci fe nommait Pierre & non Mathias. Il mourut en 1681, âgé de quatre-vingt-un ans, doyen des confeillers d'État ordinaires & doyen du Confeil royal des Finances.

Page 103, 1. 9. L'on n'a gueres vû jufques à prefent un chef-d'œuvre d'efprit qui foit l'ouvrage de plufieurs. « Le Dictionnaire de l'Académie. »

Toutes les clefs fignalent ici une allusion au Dictionnaire de l'Académie, dont l'apparition était redoutée par les per

fonnes éminentes de la compagnie, entre autres par Patru & Racine qui difaient : « Où irons-nous nous cacher quand il paroîtra?» (Voir Factums de Furetière.) Pourtant ces mots de « chef-d'œuvre d'esprit » peuvent-ils vraiment s'appliquer à un dictionnaire? Un ouvrage d'érudition tel qu'un dictionnaire peut très-bien être entrepris collectivement fi les auteurs qui y coopèrent font également instruits & capables. D'ailleurs le Dictionnaire de l'Académie ne parut qu'en 1694, c'est-à-dire fix ans après la première édition des Caractères, qui contient ce paragraphe; & La Bruyère, qui n'entra à l'Académie qu'en 1693, ne pouvait être renseigné que par ouï-dire fur l'ouvrage de la compagnie, alors qu'il écrivait cette réflexion. Nous croyons qu'il faut prendre cette pensée de La Bruyère dans un fens général, ainsi que beaucoup d'autres que l'acharnement des faifeurs de clefs a trop fouvent & à tort fpécialisées. La « collaboration » était une grande nouveauté au temps de La Bruyère; du moins n'en connaît-on guère d'exemples dans les temps antérieurs (a moins qu'on ne veuille confidérer comme ouvrages collectifs la Satire Ménippée & quelques autres ouvrages fatiriques). La Bruyère, en écrivant ceci, pouvait avoir moins en vue de critiquer un ouvrage quelconque que de blâmer une innovation dont les effets parlaient assez d'eux-mêmes. Il pouvait penser foit aux romans de Scudéry écrits de moitié, plus que de moitié même, avec sa sœur, aux tragédies des Cinq Autheurs, à la collaboration de Guillaume Colletet & de l'abbé d'Aubignac pour Cyminde ou les Deux Victimes (1642), &c.

Page 105, 1. 1. - On fe nourrit des Anciens.

Les clefs du xvire fiècle ne font nulle application de ce paffage. Au fiècle fuivant on l'appliqua à Fontenelle; Walckenaër ajoute Saint-Évremond.

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Page 107, 1. dernière. Un bel ouvrage.

Quelques clefs portent en regard de ces mots : « Le préfent livre des Caractères. » L'apologie ferait audacieufe & l'on n'y reconnaîtrait pas le ton ordinaire de La Bruyère. Les mêmes clefs font application du Caractère de Zélotes à l'abbé de Dangeau, de l'Académie française, auquel déjà des clefs manufcrites appliquent le Caractère de Théocrine (voir plus loin). L'abbé Dangeau, frère du marquis de Dangeau, auteur du Journal de la cour de Louis XIV, était, felon SaintSimon, un homme d'efprit & de littérature, mais d'un esprit tourné à la frivolité, & très-entiché des « bagatelles de l'orthographe. » Il a laiffé des Lettres fur les voyelles, fur les consonnes, &c., réunies en 1711 fous le titre d'Essais Sur la Grammaire.

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Les premières clefs difent : l'abbé de Choify; les plus récentes : le comte de Tréville, & cette dernière application eft la bonne. Sur ce personnage fingulier, d'un efprit transcendant, oracle de plusieurs sociétés, ambitieux de gloire & dédaigneux de l'action, tour à tour libertin & afcète, qui quitta le monde pour la retraite, revint au monde, redescendit jufqu'à la débauche & mourut enfin dans la pénitence, on peut confulter le fermon de Bourdaloue & la lettre de Mme de Sévigné que nous avons cités plus haut; puis les Mémoires de Saint-Simon qui a donné un portrait de Tréville très-frappant; & les Cauferies de Sainte-Beuve (t. IX, fur Bourdaloue) & même fes poéfies. C'est en effet chez ces efprits « délicats, nés fublimes, » comme parle Joubert, l'un d'entre eux, « nés pour tout concevoir & à qui la force feule & la patience d'exécution ont manqué, » dit Sainte-Beuve, que l'on trouve habituellement ce dédain pour les œuvres & la févérité. Et un retour de févérité se comprend pour de tels efprits de la part d'un artiste habitué à tenir plus de compte des œuvres que des facultés.

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« Boursault » qui avait écrit contre Boileau la Satyre des

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Ce jugement fur Molière a fcandalife beaucoup de gens qui n'admettent pas les restrictions quand il s'agit des écrivains confacrés. Des efprits conciliants, pour relever La Bruyère de l'anathème, ont essayé de prouver que ces mots de « jargon » & de « barbarisme » ne s'appliquaient, dans les œuvres de Molière, qu'au langage patoifé ou barbare des paysans & des étrangers. C'est là, felon moi, une bien petite explication. Le patois de Pierrot & de Mathurine dans le Feftin de Pierre, de Lucette & de Nerine dans Pourceaugnac, le jargon des deux Suiffes & du marchand flamand dans le même ouvrage, font, comme le Phœbus de Cathos & de Madelon, un moyen comique voulu, & il y aurait vraiment injustice à en reprocher l'emploi à un auteur de comédies. Il s'agit évidemment d'un autre jargon & d'une autre barbarie. Fénelon d'ailleurs eft plus explicite dans fa Lettre à l'Académie. Tout en profeffant une fincère admiration pour Molière qu'il appelle « grand,» il lui reproche nettement d'écrire moins bien qu'il ne pense, surtout en vers, de forcer l'expreffion & de prêter à la paffion un langage outré & artificiel. Eft-il befoin d'aller bien loin pour excufer Fénelon? Et la mémoire ne nous rend-elle point des expressions, des vers qui le justifient? N'est-ce point du jargon que les traîtres appâts qui Suivent en tous lieux Célimène; que les indignes fers & les flammes couronnées qui reviennent fréquemment aux endroits les plus pathétiques & dans les œuvres les plus admirées du grand comique? Langage du temps! me dira-t-on. Sans doute, & pour ma part je ne fuis nullement choqué de l'y rencontrer. Un auteur de théâtre eft plus que tout autre sujet à employer le langage courant pour être mieux & plus vite compris de fon public. Molière, nous dit-on, a bien pu

quelquefois trouver Fénelon un peu fubtil & raffiné 1. D'accord; mais de fon côté un écrivain auffi exquis que Fénelon, amoureux de la pureté dans le style, & qui n'employait jamais un mot que dans le fens logique & naturel, avait bien le droit, ce me femble, de relever ces incorrections & ces obfcurités qui, fans doute, gênaient fon admiration & bleffaient sa conscience littéraire. Et La Bruyère, dont Molière eût pu trouver auffi par moments le ftyle un peu maniéré & alambiqué, n'avait pas tant de tort en jugeant barbares des vers tels que ceux-ci, par exemple :

La malpropre fur foi de peu d'attraits chargée
Et mife fous le nom de beauté négligée...

dont on peut fouligner prefque chaque mot comme impropre ou équivoque. Je n'appuie pas; je n'ai voulu que donner mon interprétation d'un jugement qui, fans doute, surprend à distance, mais qui s'explique, il me femble, relativement aux temps & aux hommes.

Page 117, 1. 24. Deux Ecrivains dans leurs ouvrages ont blâmé Montagne... L'un ne penfoit pas assez... L'autre penfe trop fubtilement.

Selon les clefs les plus anciennes, le premier ferait La Mothe-le-Vayer, & le second le P. Malebranche. La clef imprimée de 1699 ajoute même : « Le P. Malebranche, dans fon livre de la Recherche de la Vérité. » Dans d'autres clefs on voit Nicole à la place de La Mothe-le-Vayer; & dans fon Port-Royal Sainte-Beuve propose Balzac à la place de Nicole. Néanmoins, comme il ne paraît pas que Balzac ait été non plus que La Mothe le Vayer un détracteur avoué de Montaigne, l'application demeure plus raisonnablement à Nicole & à Malebranche qui, l'un & l'autre, l'ont ouvertement combattu.

Page 118, 1. 2. Un ftile grave, ferieux.

L'exemplaire de la bibliothèque Mazarine porte en regard

1. M. S. de Sacy, préface de la nouvelle édition des Œuvres choifies de Fénelon. Techener, MDCCCLXX.

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