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vous m'en avez faite. Vous êtes plus capable d'en juger que personne du monde, j'en demeuré d'accord; mais outre que tout paroît aimable dans ce que l'on a envie d'aimer, le bien que vous m'avez dit du mien m'apprend que vous n'êtes pas toujours sincère. Mon papa est à Bagnolet *), et mon frère le payeur des rentes dine demain chez nous. Si vous y vouliez venir, je pense que vous l'obligeriez fort. Il est aussi gros de vous voir que je l'étois de voir votre maîtresse. Et pour moi vous savez bien que je n'ai point de plaisir égal à celui de vous dire à vous-même que je suis............. Adieu,

4) BABET à BOURSAULT,

Vous demeurez d'accord que j'ai autant de charmes, autant

d'esprit et autant de vertu que l'ingrate qui échappe à votre passion; mais vous ne dites pas que je suis plus juste qu'elle. C'est une vérité que je suis aussi aise de vous apprendre, qu'il m'est doux d'apprendre que vous m'aimez. Vous m'avez mandé que vous parliez sérieusement; je parle de même. La colère que font éclater la plupart de celles à qui l'on apprend ce que vous m'apprenez, est ridicule ou feinte. Qui nous aime, nous honore. Et je vous déclare bonnement, que je rougirois plutôt de vous perdre que je ne rougirois de vous acquérir, Si jusqu'ici je n'ai répondu qu'en jouant aux graces que vous me faisiez, c'est que j'ai cru que ce n'étoit qu'un jeu. Je vous ai rendu des civilités, parce que je vous en dois; je vous ai estimé, parce que vous le méritez. Et toutes les fois que vous m'avez pressée de vous dire si je voulois vous aimer, quoique je ne vous aie jamais répondu oui, si je n'avois pas envie de le faire, il m'eût été aisé de vous répondre non. Bon jour. Brûlez ma lettre quand vous l'aurez luc, et ne manquez pas de me venir voir l'après-dinée. Je crois m'être assez expliquée pour n'avoir pas besoin de vous dire que je serai ravie que vous soyez à moi toute votre vie; comme je veux être toute la mienne à vous.

A vou

5) BABET & BOURSAULT.

voue de bonne foi, que tu es bien désobligeant de ne pas vouloir me donner une copie de la lettre que tu écrivis à ton retour de Chantilly *). Mon oncle le sécrétaire du Roi qui te l'entendit

*) Ein kleiner angenehmer Ort, eine Französische Meile von Paris. **) Ein Flecken, 10 Meilen von Paris, mit einem Schlosse und Lustwalde.

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lire, il y a près de quinze jours, et qui s'imagine que j'ai 'quelque pouvoir sur toi, me presse si fort de la lui faire avoir, que tu m'obligeras infiniment, si tu lui veux faire la grace que tu me refuses. Tout autre en ma place croiroit que tu fais par mépris, ce que je sais bien que tu ne fais que par paresse; mais quelque paresseux que tu puisses être, la vérité est que si tu ne me l'envois avant que la journée se passe, je te jouerai un tour à quoi tu ne t'attends pas. Le Point du tout qui est si naif dans la bouche de la fille de Chantilly, deviendra une malice dans la mienne; toutes les fois que tu me demanderas si je t'aime, toi qui me le demandes aussi souvent que si tu en doutois, Point du tout sera toute ma réponse. Quand tu me diras toi-même que je suis la personne du monde pour qui tu as le plus de passion, et qu'avec la chaleur qui ne t'abandonne point, tu me bredouilleras, qu'il n'est rien dont tu ne t'avisasses pour m'en donner des preuves, je trouverai à point nommé un second Point du tout. Et si je m'avise de t'écrire après l'avoir commandé tout ce qu'il m'aura plu, tu croiras que ma lettre doive finir par la protestation que j'ai coûtume de faire, d'être à toi toute ma vie, POINT DU TOUT.

9) BALET à BOUR SAUST,

Ia lecture des Satyres de Despréaux que tu m'envoyas hier matin, fut mon occupation d'hier au soir. J'y trouvai quantité de choses qui ne sont guère moins spirituelles, que si elles venoient de toi; et son ouvrage, à mon sens, n'en seroit pas moins galant quand il offenseroit un peu moins de monde. Le pauvre Monsieur Quinault*) que j'aime de tout mon cœur, depuis que j'ai vu l'Astrate, y est traité misérablement; et je crois cependant que ceux qui les connoissent l'un et l'autre, et qui leur rendent également justice, ont plus d'estime pour l'injurié, que pour l'injuriant. Perceval de qui j'ai appris le latin que je

* Philippe Quinault hat sich durch seine von Lulli komponirten Opern unsterblich gemacht, Boileau's strenge Kritik mogte er wol durch seine übrigen, grösstentheils in seinen Jünglingsjahren ausgearbeiteten, Schauspiele, worunter blofs das Lustspiel la mère coquette und das Trauerspiel Astrate etwas mehr als mittelmässig sind, verdient haben. Boileau. warf diesen Stücken mit Recht vor, dafs darin alles bis auf je vous hais zärtlich ausgedruckt sei. Spöttereien erlaubte er sich nicht eher, als bis Quinault einen vergeblichen Versuch gemacht hatte, die Obrigkeit gegen ihn zu bewaffnen. Ein mehreres über Quinault siehe im aten Theile dieses Handbuchs.

sais, et qui est l'homme du monde qui épargne le plus la réputation de son prochain, me vient d'apprendre que les ene droits que j'ai trouvés les plus jolis, ne sont qu'un brigandage, et que si Juvenal étoit encore en vie, il lui feroit faire son procès, pour l'avoir pillé depuis la tête jusqu'aux pieds. Il m'a promis de me l'envoyer tantôt, je verrai si ce qu'il m'a dit est véritable: et si l'un de ces jours tu as quelques momens à perdre, et que tu veuilles te venger de l'affront qu'il t'a fait de ne parler de toi qu'en passant*), comme tu n'es qu'un ignorant qui ne sais non plus de latin que moi d'hébreu, je traduirai tous les endroits volés, dont je verrai que tu pourras tirer avantage. J'ai bien du chagrin de ne pouvoir aller voir tantôt les danseurs de corde. Mais puisque tu es si content de mes douceurs, je te prie de m'en apporter des tiennes. Ma tante la religieuse qui est arrivée, et qui est la dévote la plus fatigante qui ait jamais été, ne me perd pas un moment de vue. Quand elle est ici, je n'ai de bon temps que lorsqu'elle prie Dieu; et cela étant, je voudrois qu'elle priât Dieu aussi long-temps, que j'ai envie d'être à toi.

Je v'éparg

7) BABET & BOURSAULT.

t'épargnois hier au soir pour le moins neuf ou dix francs. A peine arrivions nous de chez notre commère l'imprimeuse, que je trouvai notre jardinier de Bagnolet qui m'attendoit avec ́ impatience, pour me prier de te prier, en cas qu'il y eût moyen par mon moyen, que tu fusses le parrain de l'enfant de la maitresse de chez eux. Pour ne pas l'effaroucher d'abord, je lui dis que tu serois ravi de la grace qu'il te faisoit; mais que tu avois fait serment de ne tenir jamais d'enfant si tu ne leur donnois ton propre nom; et ce pauvre homme, m'ayant de

*) Babet spielt hier auf eine Stelle in der siebenten Sa.. tire an, worin es heifst:

Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie?

Mes vers, comme un torrent, coulent sur le papier.
Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,

Pradon, Mauroy, Boursault, Colletet, Titreville... Wegen dieser Beleidigung rächte sich Boursault mit eben so viel Bitterkeit als Witz durch die Komödie: la Satyre des satyres, die unter seinen theatralischen Werken gedruckt, aber auf Boileau's Verwenden nie auf der Bühne erschienen ist. Beide Dichter versöhnten sich gegen das Ende ihres Lebens, worauf Boileau an die Stelle des letzten Verses setztę :

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t

mandé comment tu t'appellois, je lui répondis que tu t'appellois Calvin. Il se donna au diable, qu'il aimeroit mieux que son enfant mourut sans baptême que d'être parpaillot *), et s'en retourna si mécontent de toi, que si cela dépend de lui, je ne pense pas que jamais tu mettes les pieds au logis. N'étoit que je suis sa commère, j'aurois encore aujourd'hui été la tienne; mais ne pouvant tenir deux de ses enfans, j'ai cru que tu aimerois mieux diner à Paris avec mon frère et moi et ne rien payer, que d'aller à Bagnolet payer un prêtre, un vicaire et une sage femme et ne pas diner. Adieu.

Si

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8) BABET à BOURSAULT,

que

je ne t'ai pas mandé qu'il m'est venu un amant de Normandie, c'est que la bonté que j'ai pour toi, n'a pas voulu je t'affligeasse inutilement. Mon. papa, qui l'a fait venir à la sourdine, et qui voulut hier me le faire valoir, m'apprit qu'on l'appelloit Monsieur de Launai, et qu'il étoit Sieur du Mesnil; Item-c'est tout. Le plus grand regret que j'aye, c'est de lui avoir donné un baiser en arrivant, que je lui aurois refusé, n'eût été que mon papa me regardoit, Il soupa hier chez nous et se mit à table sans laver ses mains qui sont toutes pleines de taches de rousseur. Je ne mangeai point de tout ce qu'il toùcha, et cela étant, je ne mangeai pas grand' chose, car il toucha à tout. Il se déboutonna, à mesure que son jabot s'emplissoit; et les huit coups qu'il but, furent tous bus à la santé de toute la compagnie. Tant que le souper dura, il ne dit pas un mot; mais au dessert, il s'avisa de dire, en prenant une pomme de rainette, qu'il en recueilloit pour faire plus de six vingt muids de cidre, et que s'il avoit le bonheur d'être mon mari, toute. la maison ne dépenseroit plus rien en pommes. Après que l'on eut levé la nappe, et que mon papa l'eut prié de s'approcher du feu, il lui demanda si le barbier qui le rasoit avoit la main bien legère; qu'il n'osoit abandonner son visage à la discrétion d'un ignorant, parce qu'il y avoit trois ans qu'il ménageoit sa moustache, pour tâcher à la fin d'avoir des crocs. Il fit cent autres impertinences que je voudrois avoir le temps de dire, pour te faire voir que tu n'as rien à craindre; et quoique mon papa soutienne que c'est ce qu'il me faut, parce qu'il a vingt cinq mille écus de bien, je te proteste que le choix de mon mari est fait. Toi, ou point.* Adieu.

Spottname, den man den Hugenotten oder Reformirten gaḥ,

9) BABAT à BOURSAULT.

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Je te prie de ne m'écrire plus. Je viens de recevoir une lettre de mon amant de Normandie, qui est pour le moins aussi belle que les tiennes. On m'avoit bien dit, que tous les gens qui viennent de ce pays-là ont infiniment de l'esprit. Si tu te souviens d'avoir lu dans Voiture *) une lettre qu'il adresse à Mademoiselle Paulet, qui est peut-être la plus galante qu'il ait jamais faite, c'est justement celle que mon amoureux' a copiée. Oblige-moi quand tu auras vu la réponse que je lui fais, de la cacheter et de la lui rendre. Il loge chez nous quand nous sommes à Paris, car il n'en bouge, et quand nous n'y sommes pas, dans une auberge subalterne, qui est dans la rue des vieux Augustins à l'enseigne de la poule qui pond, chez une fruitière, qui achète de lui tout le cidre, qu'elle vend. Pour lui rendre larcin pour larcin, j'ai dérobé dans le roman Pierre de Provence **) la réponse que je fais à la lettre qu'il a prise dans Voiture. Sollicite-le de m'écrire encore un mot, je t'en conjure; et surtout que ce soit en ta présence. La différence du stile de sa première lettre à la seconde donneroit le plus agréable divertissement que l'on puisse avoir. Pendant que mon papa sera demain dans son bureau, ne manque pas de venir faire un tour à Bagnolet: dusses-tu n'y demeurer qu'un moment, dussé-je n'avoir que le loisir de te dire que je veux toute ma vie être à toi.

* Vincent Voiture, geboren 1598, gestorben 1648, Mitglied der Französischen Akademie, war ein zu seiner Zeit geschützter Dichter und Briefsteller. Seine Briefe sind, so wie die seines Zeitgenossen Balzac, voll schimmernden Witzes und gegenwärtig vergessen. Jeder Brief, selbst der kleinste, soll ihm vierzehn` Tage auszuarbeiten gekostet haben. Es macht dem Leser vielleicht Vergnügen, hier als Probe seines Stils den Anfang des Briefes, auf den Babet warscheinlich anspielt, abgedruckt zu sehen.

et

,,La nuit est passée pour tous les autres hommes, mais elle ne l'est pas encore pour moi, puisque je ne vois goutte dans la chose du monde que je désire le plus de connoître. Jl y a long-temps que mon esprit est couvert de nuages si épais, que le jour n'y sauroit entrer, dans l'obscurité qui y est, je n'y saurois rien voir que des nuages confus et malformés, qui me plaisent quelquefois, et qui le plus souvent m'épouvantent. Dissipez ces ténèbres, vous en qui toutes les clartés du ciel semblent être renfermées, et ne souffrez pas plus longtemps que je sois en doute, si je suis le plus heureux ou le plus malheureux homme de la terre etc

"

**) Histoire de Pierre de Provence et de Maguelonne, Paris 1492, 4. Wir können dies seltene Werk nicht aus eigener Ansicht.

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