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L'un dit que vous faites imprimer des almanachs particuliers, où vous faites doubler les quatre-temps et les vigiles, afin de profiter des jeûnes où vous obligez votre monde. L'autre, que vous avez toujours une querelle toute prête à faire à vos valets dans le temps des étrennes, ou de leur 5 sortie d'avec vous, pour vous trouver une raison de ne leur donner rien. Celui-là conte qu'une fois vous fîtes assigner le chat d'un de vos voisins, pour avoir mangé un reste de gigot de mouton; celui-ci, que l'on vous surprit une nuit en venant dérober vous-même l'avoine de 10 vos chevaux, et que votre cocher, qui était celui d'avant moi, vous donna, dans l'obscurité, je ne sais combien de coups de bâton dont vous ne voulûtes rien dire. Enfin, voulez-vous que je vous dise? Vous êtes la fable et la risée de tout le monde.

HAR., en battant maître Jacques. Vous êtes un sot, un maraud, un coquin et un impudent.

JACQUES. Eh bien, ne l'avais-je pas deviné? Je vous avais bien dit que je vous fâcherais de vous dire la vérité. HAR. Apprenez à parler.

SCÈNE VIL

Maître Jacques irrité de l'intervention de Valère, le menace. Celui-ci le bat à son tour, et maître Jacques jure de se venger.

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SCÈNE VIII.

Marlane explique à Frosine qu'elle aime un jeune homme qui 25 lui a rendu visite, et qu'il lui répugne d'épouser un vieillard. Frosine répond:

Vous moquez-vous? Vous ne l'épousez qu'à condition de vous laisser veuve bientôt ; et ce doit être là un des

articles du contrat. Il serait bien impertinent de ne pas mourir dans trois mois! Le voici en propre persoune. MAR. Ah! Frosine, quelle figure!

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SCÈNE IX.

HARPAGON, MARIANE, FROSINE.

HAR., à Mariane. Ne vous offensez pas, ma belle, si je viens à vous avec des lunettes. Je sais que vos appas frappent assez les yeux, sont assez visibles d'eux-mêmes, et qu'il n'est pas besoin de lunettes pour les apercevoir; mais enfin c'est avec des lunettes qu'on observe les astres; et je maintiens et garantis que vous êtes un astre, mais un astre, le plus bel astre qui soit dans le pays des astres... Frosine, elle ne répond mot, et ne témoigne, ce me semble, aucune joie de me voir.

FROS,, à Harpagon. C'est qu'elle est encore toute surprise; et puis les filles ont toujours honte à témoigner d'abord ce qu'elles ont dans l'âme.

HAR., à Frosine. Tu as raison. (A Mariane.) Voilà, belle mignonne, ma fille qui vient vous saluer. Vous voyez

20 qu'elle est grande; mais mauvaise herbe croît toujours. MAR., bas, à Frosine. O l'homme déplaisant!

HAR., à Frosine. Que dit la belle?

FROS., Qu'elle vous trouve admirable.

HAR.,

C'est trop d'honneur que vous me faites, adorable

25 mignonne.

MAR., à part. Quel animal!

HAR. Je vous suis trop obligé de ces sentiments.

MAR., à part. Je n'y puis plus tenir.

SCÈNE XI.

HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE, BRINDAVOINE.

HAR. Voici mon fils aussi, qui vous vient faire la révérence.

MAR., bas, à Frosine. Ah! Frosine, quelle rencontre! C'est justement celui dont je t'ai parlé.

FROS., à Mariane. L'aventure est merveilleuse.

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HAR. Je vois que vous vous étonnez de me voir de si grands enfants; mais je serai bientôt défait et de l'un et 10 de l'autre.

CLÉ, à Mariane. Madame, à vous dire le vrai, c'est ici une aventure où, sans doute, je ne m'attendais pas ; et mon père ne m'a pas peu surpris lorsqu'il m'a dit tantôt le dessein qu'il avait formé.

MAR. Je puis dire la même chose : c'est une rencontre imprévue qui m'a surprise autant que vous; et je n'étais point préparée à une pareille aventure.

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Les deux jeunes gens expriment assez librement leurs sentiments malgré la présence d'Harpagon qui ne comprend pas claire- 20 ment la situation. Il finit la scène en ordonnant d'atteler.

SCÈNE XII.

HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE,

FROSINE.

HAR., à Mariane. Je vous prie de m'excuser, ma belle, 25 si je n'ai pas songé à vous donner un peu de collation avant que de partir.

CLE. J'y ai pourvu, mon père; et j'ai fait apporter ici quelques bassins d'oranges de la Chine, de citrons doux et de confitures, que j'ai envoyé quérir de votre part.

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vif

HAR, bas, à Valère. Valère ?

VAL, à Harpagon. Il a perdu le sens.

CLE. Avez-vous jamais vu, madame, un diamant plus que celui que vous voyez que mon père a au doigt? MAR. Il est vrai qu'il brille beaucoup.

CLÉ., ôtant du doigt de son père le diamant et le donnant à Mariane. Il faut que vous le voyiez de près.

MAR. Il est fort beau, sans doute, et jette quantité de feux.

CLÉ., se mettant au-devant de Mariane, qui veut rendre le diamant. Non, madame, il est en de trop belles mains; c'est un présent que mon père vous fait.

HAR. Moi?

CLÉ N'est-il pas vrai, mon père, que vous voulez que 15 madame le garde pour l'amour de vous.

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CLE., à Mariane. Belle demande! Il me fait signe de vous le faire accepter..

MAR. Je ne veux point...

CLÉ., à Mariane. Le voilà qui se scandalise de votre refus.

HAR., bas, à son fils. Ah! traître !

CLE., à Mariane. Vous voyez qu'il se désespère.

HAR., bas, à son fils, en le menaçant. Bourreau que tu es! CLE. Mon père, ce n'est pas ma faute : je fais ce que je puis pour l'obliger à le garder; mais elle est obstinée. HAR. bas, à son fils, avec emportement. Pendard !

CLÉ. Vous êtes cause, madame, que mon père me querelle.

FROS., à Mariane. Mon Dieu, que de façons! Gardez ia bague, puisque monsieur le veut.

. MAR.; à Harpagon. Pour ne vous point mettre en colère, je la garde maintenant; et je prendrai un autre temps pour vous la rendre.

SCÈNE XIII.

HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, 5 FROSINE, BRINDAVOINE.

BRIND. Monsieur, il y a là un homme qui veut vous parler.

HAR. Dis-lui que je suis empêché, et qu'il revienne une autre fois.

BRIND. Il dit qu'il vous apporte de l'argent.

HAR., à Mariane. Je vous demande pardon ; je reviens tout à l'heure.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

Cléante, Mariane, Élise et Frosine complotent pour trouver les moyens d'empêcher Harpagon d'épouser Mariane. Harpagon

revient.

SCÈNE IL

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HARPAGON, CLÉANTE, MARIANE, ÉLISE. 20

HAR., à part, sans être aperçu. Ouais! mon fils baise la main de sa prétendue belle-mère, et sa prét

mère ne s'en défend pas fort. Y aurait-il

là-dessous ?

ÉL. Voilà mon père.

venue

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belle

mvstère

HAR. Le carrosse est tout prêt; vous pouvez partir

quand il vous plaira.

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