Maître JACQUEJ, cuisinier et cocher. i}laquais d'Harpagon. (La scène est à Paris, dans la maison d'Harpagon.) Dans la 1re scène de l'acte 1er, Valère rappelle que par amour pour Elise, il est entré comme intendant chez Harpagon ; il espère gagner son consentement à leur mariage. Dans la scène II Cléante confie à sa sour qu'il s'est épris d'une pauvre jeune fille, Mariane. L'avarice de leur père est un obstacle à son mariage. Sur ce Harpagon arrive. SCÈNE III. HARPAGON, LA FLÈCHE. HARPAGON. Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas. Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence ! 5 LA FLÈCHE, à part. Je n'ai jamais rien vu de si méchaut que ce maudit vieillard ; et je pense, sauf correction, qu'il a le diable au corps. HAR. Tu murmures entre tes dents ! 10 HAR. C'est bien à toi, pendard, à me demander des raisons! Sors vite, que je ne t’assomme. LĄ Fl. Qu'est-ce que je vous ai fait ? La Fl. Mon maître, votre fils, m'a donné ordre de 15 l'attendre. Har. Va-t'en l'attendre dans la rue, et ne sois point dans ma maison, planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe et faire ton profit de tout. Je ne veux point voir sans cesse devant moi un espion de mes affaires, un traître dont les yeux maudits assiègent toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furettent de 5 tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler. La Fl. Comment diantre voulez-vous qu'on fasse pour vous voler ? Etes-vous un homme volable, quand vous renfermez toutes choses et faites sentinelle jour et nuit ? HAR. Je veux renfermer ce que bon me semble, et 10 faire sentinelle comme il me plaît. Ne voilà pas de mes mouchards qui prennent garde à ce qu'on fait ! (Bas, à part.) Je tremble qu'il n'ait soupçonné quelque chose de mon argent. (Haut.) Ne serais-tu point homme à aller faire courir le bruit que j'ai chez moi de l'argent caché ? 15 LA Fl. Vous avez de l'argent caché ? Har. Non, coquin, je ne dis pas cela. (Bas.) J'enrage! (Haut.) Je demande si malicieusement tu n'irais point faire courir le bruit que j'en ai ? La Fl. Eh! que nous importe que vous en ayez ou que 20 vous n'en ayez pas, si c'est pour nous la même chose ? Har., levant la main pour donner un soufflet à La Flèche. Tu fais le raisonneur! Je te baillerai de ce raisonnementci par les oreilles. Sors d'ici, encore une fois. LA FL. Eh bien, je sors. La Fl. Que vous emporterais-je ? HAR., montrant le haut de-chausses de La Flèche. N'as-tu rien mis ici dedans ? La Fl. Voyez vous-même. 10 HAR., tålant le bas du haut-de-chausses de La Flèche. Euh! LA FL, à part. Ah ! qu'un homme comme cela mériterait bien ce qu'il craint! et que j'aurais de joie à le voler ! HAR. Euh! La Fl. Je dis que vous fouilliez bien partout pour voir si je vous ai volé. HAR. C'est ce que je veux faire. (Harpagon fouille dans les poches de La Flèche.) La Fl., à part. La peste soit de l'avarice et des avaricieux ! HAR. Comment ? que dis-tu ? HAR. Qui. Qu'est-ce que tu dis d'avarice et d'ava- 15 ricieux ? LA FL. Je dis que la peste soit de l'avarice et des avaricieux. Har. De qui veux-tu parler ? HAR. Je crois ce que je crois; mais je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela. La Fl. Je parle .. Je parle à mon bonnet. 10 LA Fl. M'empêcherez-vous de maudire les avaricieux ? HAR. Non; mais je t'empêcherai de jaser et d'être insolent. Tais-toi. La Fl. Je ne nomme personne. La Fl., montrant à Harpagon une poche de son justaucorps. Tenez, voilà encore une poche. Êtes-vous satisfait ? Har. Allons, rends le-moi sans te fouiller. 15 SCÈNE IV. 20 HARPAGON, seul, se dit qu'il a bien fait de ne pas enfermer son argent dans un coffre-fort, “franche amorce à voleurs.” SCÈNE V. HARPAGON, ÉLISE et CLÉANTE, parlant ensemble et restant dans le fond du théâtre. 25 HAR., se croyant seul. Cependant je ne sais si j'aurai bien fait d'avoir enterré dans mon jardin dix mille écus qu'on me rendit hier. Dix mille écus en or, chez soi, est 10 15 une somme assez... ' (À part, apercevant Élise et Cléante.) O ciel! Je ne serai trahi moi-même ; la chaleur m'aura emporté ; et je crois que j'ai parlé bant en raisonnant tout seul. (A Cléante et à Élise.) Qu'est-ce ? Cré. Rien, mon père. Clé. Nous n'entrons point dans vos affaires. HAR. Et je ne me plaindrais pas, comme je fais, que le temps est misérable. |