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nos repas seraient des festins, où l'abondance plairait plus que la délicatesse. La gaieté, les travaux rustiques, les folâtres jeux, sont les premiers cuisiniers du monde, et les ragoûts fins sont bien ridicules à des gens en haleine depuis le lever du soleil.

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Le service n'aurait pas plus d'ordre que d'élégance; la salle à manger serait partout, dans le jardin, dans un bateau, sous un arbre, quelquefois au loin, près d'une source vive, sur l'herbe verdoyante et fraîche, sous des touffes d'aunes et de coudriers; une longue procession de 10 gais convives porterait en chantant l'apprêt du festin; on aurait le gazon pour table et pour chaises; les bords de la fontaine serviraient de buffet, et le dessert pendrait aux arbres. Les mets seraient servis sans ordre, l'appétit dispenserait des façons; chacun, se préférant ouvertement 15 à tout autre, trouverait bon que tout autre se préférât de même à lui: de cette familiarité cordiale et modérée, naîtrait sans grossièreté, sans fausseté, sans contrainte, un conflit badin, plus charmant cent fois que la politesse, et plus fait pour lier les cœurs.

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Point d'importuns laquais épiant nos discours, critiquant tout bas nos maintiens, comptant nos morceaux d'un œil avide, s'amusant à nous faire attendre à boire, et murmurant d'un trop long dîner. Nous serions nos valets, pour être nos maîtres; chacun serait servi par tous; 25 le temps passerait sans le compter, le repas serait le repos, et durerait autant que l'ardeur du jour. S'il passait près de nous quelque paysan retournant au travail, ses outils sur l'épaule, je lui réjouirais le cœur par quelques bons propos, par quelques coups de bon vin qui lui feraient 30 porter plus gaiement sa misère; et moi, j'aurais aussi le plaisir de me sentir émouvoir un peu les entrailles, et de me dire en secret: "Je suis encore homme."

NOTES.

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270.-3. "Tel se croit le maître qui ne laisse pas d'être..." so and so, many a one who believes himself to be master, yet is, in truth is.

5. "Qui en dérive"; en de la force.

271.-31. "Un roi ne vit pas de peu" a king needs a great many things to live on. 272.-4. "Son ministère" ses divers officiers civils et militaires.

8. Allusion aux compagnons d'Ulysse que le cyclope avait pris, et retenait dans son antre pour les dévorer. Homère raconte le fait dans son Odyssée.

14. "Ne fait pas droit" does not give a right.

26. "Que l'enfant ne fasse rien sur parole." The child should never be made to do any thing on the word of another.

27. "Etre tel" c'est-à-dire être bien.

273.-2. "Vous voulez..." vous, c'est-à-dire les maîtres.

10. "De ceux que lui tiendra un visionnaire, un souffleur, etc." of those (speeches) which a visionary, an emptyheaded guide, etc., will address him.

14. "En discours" by mere words.

20. "S'orienter" to take one's bearings.

22. "Quel beau discours!" Tout ceci est ironique.

31. "Montmorency," jolie bourgade non loin de Paris.

274.-3. "Les champeaux"=les champs.

15. "Recrus"-harassés, très las.

27. "En nage" perspiring.

28. "Je n'en puis plus" I am exhausted.

30. "Que je me fisse faute" that I would refrain.

34. "A jeun" fasting. Par conséquent to break the fast, déjeuner. 275.-2. "Que vous devez avoir faim." How hungry you must be !

10. "Si nous pouvions nous passer de la voir" if without seeing it. Se passer de to do without.

25. "De ce côté" in that direction.

276.-3. "Les Tuileries" l'ancien palais des souverains de France, à

Paris, à présent en partie détruit.

13. Une ÉCURIE et une ÉTABLE sont bien a stable, en anglais. La différence en français est que l'écurie est pour les chevaux seulement.-La racine du mot est le latin equus, un cheval.

18. "Espalier" est un arbre fruitier trained flat against a wall.

22. L'abondance des choses et la pauvreté d'argent comptant.

24. "S'y connaissant" able to appreciate it.

26. "La navette" instrument pour tisser. Les femmes alors s'occupaient de tissage.

27. "La ligne" à pêcher.

277.-4. "En haleine"=occupés activement.

15. "Façons"=cérémonies.

10. Quel est le sujet de "naîtrait."

29. "Quelques bons propos"=paroles affectueuses.

30. "Coup de vin" draught of wine.

QUESTIONS.

1. Quelle influence eut J.-J. Rousseau sur la Révolution française? et comment?—2. Citez les principaux incidents de sa vie?— 3. Quelle théorie soutient-il dans son premier écrit?-4. Que ditesvous de la Nouvelle Héloïse et du Contrat Social?-5. Qu'est-ce que l'Emile? et de quelle utilité est encore ce livre?-5. Que dit Rousseau de la liberté?-7. Comment explique-t-il les premières sociétés? 8. Un peuple peut-il aliéner sa liberté?-9. Y gagnerait-il quelque chose?-10. Un homme peut-il renoncer à sa liberté? ou engager celle de ses enfants?-11. Pourquoi est-ce impossible?—12. Pour quelles raisons l'enfant ne doit-il pas agir sur la parole seule de ses maîtres?-13. Que pense Rousseau de la méthode de donner de longues explications?-14. Supposant que Rousseau explique en paroles la manière de s'orienter, son élève écoutera-t-il?-15. De quelle manière pratique lui montre-t-il l'utilité de l'astronomie?— 16. Racontez l'incident préparé par le maître et comment Emile trouve cette utilité lui-même?-17. Que souhaiterait Jean-Jacques pour demeure?-18. Quelle société?-19. Quelles occupations?— 20. Quels divertissements?-21. Quel service des repas?-22. Que se proposerait-il de faire enfin?

CHAPITRE IV.

BEAUMARCHAIS (1733-1799).

LE BARBIER DE SÉVILLE,

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE (1737–1814).

PAUL ET VIRGINIE.

Horloger, musicien, chansonnier, dramaturge, auteur comique, homme de plaisir, homme de cour, homme d'affaires, financier, manufacturier, éditeur, armateur, fournisseur, agent secret négociateur, tribun par occasion, publiciste, homme de paix par goût et cependant plaideur éternel par nécessité, faisant comme Figaro tous les métiers, voilà ce que fut Beaumarchais. Continuant par la comédie l'œuvre de Voltaire et de J.-J. Rousseau, il sonne en vérité dans ses deux pièces les plus connues, le Barbier de Séville, et le Mariage de Figaro, le glas funèbre de la noblesse et de la monarchie; les lazzis de Figaro font pressentir l'avènement de la roture et le règne de l'égalité. C'est ce qui donne un intérêt de plus à des œuvres du reste étincelantes d'esprit, pleines de bons mots, vivantes de bon sens et de fine raillerie.

FRAGMENT DU BARBIER DE SÉVILLE.
ACTE PREMIER, SCÈNE II.

LE COMTE DÉGUISÉ EN ABBÉ, FIGARO.

FIGARO (une guitare sur le dos, attachée en bandoulière avec un large ruban; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main).

Le vin et la paresse

Se partagent mon cœur;
Si l'une est ma maîtresse,
L'autre est mon serviteur.

Hen, hen, quand il y aura des accompagnements làdessous, nous verrons encore, Messieurs de la cabale, si je ne sais ce que je dis... (Il aperçoit le comte). J'ai vu cet abbé-là quelque part.

LE COMTE (à part). Cet homme ne m'est pas inconnu. FIG. Eh non, ce n'est pas un abbé! Cet air allier et noble...

LE COM. Cette tournure grotesque...

FIG. Je ne me trompe point; c'est le comte Almaviva.
LE COM. Je crois que c'est le coquin de Figaro.
FIG. C'est lui-même, Monseigneur.

LE COM. Maraud! si tu dis un mot...

FIG. Oui, je vous reconnais; voilà les bontés familières dont vous m'avez toujours honoré.

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LE COM. Je ne te reconnaissais pas, moi. Te voilà si gros 15 et si gras...

FIG. Que voulez-vous, Monseigneur, c'est la misère.

LE COM. Pauvre petit! Mais que fais-tu à Séville? Je t'avais autrefois recommandé dans les bureaux pour un emploi.

FIG. Je l'ai obtenu, Monseigneur; et ma reconnais

sance...

LE COM. Appelle-moi Lindor. Ne vois-tu pas, à mon déguisement, que je veux être inconnu ?

FIG. Je me retire.

LE COM. Au contraire. J'attends ici quelque chose, et deux hommes qui jasent sont moins suspects qu'un seul qui se promène. Ayons l'air de jaser. Eh bien, cet emploi ?

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FIG. Le ministre, ayant égard à la recommandation de 30 Votre Excellence, me fit nommer sur-le-champ garçon apothicaire.

LE COM. Dans les hôpitaux de l'armée ?

FIG. Non; dans les haras d'Andalousie.

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