5 10 PAUL. Cruel! (car il est temps que ma douleur éclate,) 15 POL. PAUL. Que cet hélas a de peine à sortir! 20 POL. J'en verse, et plût à Dieu qu'à force d'en verser donne ; Et si l'on peut au ciel sentir quelques douleurs, Seigneur, de vos bontés il faut que je l'obtienne : Pour vivre des enfers esclave infortunée Et sous leur triste joug mourir comme elle est née. PAUL. Que dis-tu, malheureux? qu'oses-tu souhaiter? POL. Ce que de tout mon sang je voudrais acheter. PAUL. Que plutôt... POL. C'est en vain qu'on se met en défense : Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense. Ce bienheureux moment n'est pas encor venu; Il viendra, mais le temps ne m'en est pas connu. PAUL. Quittez cette chimère et m'aimez. POL. Je vous aime Beaucoup moins que mon Dieu, mais bien plus que moi même. PAUL. Au nom de cet amour ne m'abandonnez pas. POL. PAUL. Étrange aveuglement. POL. 10 15 Célestes vérités ! 20 Éternelles clartés. PAUL. Tu préfères la mort à l'amour de Pauline! Elle est interrompue par l'arrivée de Sévère que Polyeucte avait envoyé chercher. Polyeucte s'exprime ainsi : Possesseur d'un trésor dont je n'étais pas digne, 25 30 5 10 15 Et laisse la vertu la plus rare à nos yeux homme Qu'ait adoré la terre et qu'ait vu naître Rome. Vivez heureux ensemble, et mourez comme moi. Qu'on me mène à la mort, je n'ai plus rien à dire. Polyeucte parti, Pauline naturellement refuse d'être ainsi transférée à un autre sans être consultée. Elle demande seulement à Sévère qu'il emploie son crédit pour obtenir la grâce de Polyeucte et part sans vouloir plus rien entendre. Sévère se décide à entreprendre de sauver Polyeucte. A cette 20 occasion il explique son opinion des chrétiens: La secte des chrétiens n'est pas ce que l'on pense. On les hait; la raison, je ne la connais point, Et je ne vois Décie injuste qu'en ce point. Par curiosité j'ai voulu les connaître. On les tient pour sorciers dont l'enfer est le maître, Des mystères secrets que nous n'entendons pas. Ont leurs secrets comme eux à Rome et dans la Grèce. Rome. Nos aïeux à leur gré faisaient un dieu d'un homme, tout, De qui le seul vouloir fait tout ce qu'il résout. 5 Les nôtres bien souvent s'accordent mal ensemble; 10 Nous en avons beaucoup pour être de vrais dieux. 15 20 ACTE CINQUIÈME. Dans la scène I, Félix ne voit qu'un piège dans l'intervention de Sévère. Il tâchera à son tour de persuader Polyeucte d'apostasier. 25 Si celui-ci refuse, Félix le livrera au bourreau. SCÈNE II. FÉLIX, POLYEUCTE, ALBIN. FÉLIX. As-tu donc pour la vie une haine si forte, 30 5 10 POL. Je ne hais point la vie et j'en aime l'usage, Mais sans attachement qui sente l'esclavage, Toujours prêt à la rendre au Dieu dont je la tiens : La raison me l'ordonne, et la loi des chrétiens; Et je vous montre à tous par là comme il faut vivre. Si vous avez le cœur assez bon pour me suivre. FÉLIX. Te suivre dans l'abîme où tu te veux jeter? POL. Mais plutôt dans la gloire où je m'en vais monter. FÉLIX. Donne-moi pour le moins le temps de la connaître ; Pour me faire chrétien, sers-moi de guide à l'être ; Et ne dédaigne pas de m'instruire en ta foi, Ou toi-même à ton Dieu tu répondras de moi. En dépit de tous les arguments de Félix Polyeucte refuse de dissimuler sa foi, même pour un jour. L'entrevue se termine par cette 15 déclaration de Félix: 20 Je flattais ta manie, afin de t'arracher Du honteux précipice où tu vas trébucher. Mais j'ai trop fait d'injure à nos dieux tout-puissants: POL. Mon choix n'est 25 Pauline revient en ce moment et un nouvel assaut est donné à la foi du nouveau chrétien, Polyeucte résiste toujours aux prières de sa femme: Je vous l'ai déjà dit, et vous le dis encore, Vivez avec Sévère, ou mourez avec moi. Je ne méprise point vos pleurs ni votre foi; Mais, de quoi que pour vous notre amour m'entre tienne, 30 30 |