SCÈNE III. Félix irrité au plus haut point ordonne la mort de Néarque. Polyeucte sera mené au supplice de son ami; il en sera sans doute intimidé. S'il ne se repent, il mourra aussi. Pauline plaide en vain pour son mari, qui a été conduit en prison: Vouloir son repentir, c'est ordonner qu'il meure. FÉLIX. Sa grâce est en sa main, c'est à lui d'y rêver. PAUL. Faites-la tout entière. FÉLIX. Il la peut achever. PAUL. Ne l'abandonnez pas aux fureurs de sa secte. FÉLIX. Mais il se plaît à l'être. Qui chérit son erreur ne la veut pas connaître. PAUL. Mon père, au nom des dieux... FÉLIX. Ne les réclamez pas Ces dieux dont l'intérêt demande son trépas. PAUL. Au nom de l'empereur dont vous tenez la place.... FELIX. J'ai son pouvoir en main; mais, s'il me l'a commis, C'est pour le déployer contre ses ennemis. PAUL. Polyeucte l'est-il ? FÉLIX. Tous chrétiens sont rebelles. 5 10 15 20 25 PAUL. O de mon songe affreux trop véritable effet! Voyez-vous qu'avec lui vous perdez votre fille ? FÉLIX. Les dieux et l'empereur sont plus que ma famille. Félix clôt l'entretien en disant que Pauline devra, dans une der5 nière entrevue, tâcher de ramener Polyeucte. Dans la scène IV, Félix dévoile à son confident Un penser indigne, bas et lâche que lui suggère son ambition de politicien : si Polyeucte mourait, Pauline pourrait épouser Sévère, et ce mariage affermirait le pou10 voir du gouverneur de l'Arménie. 15 20 25 ACTE QUATRIÈME. SCÈNE I. On annonce à Polyeucte, dans sa prison, que Pauline vient le voir. Il s'écrie: O présence, ô combat que surtout j'appréhende! J'ai ri de ta menace, et t'ai vu sans effroi: Tu prends pour t'en venger de plus puissantes armes. Je craignais beaucoup moins tes bourreaux que ses larmes. Seigneur, qui vois ici les périls que je cours, En ce pressant besoin redouble ton secours; Il envoie un messager à Sévère pour le prier de venir. Resté seul un moment, il donne cours ainsi à ses pensées : Source délicieuse, en misères féconde, Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés? En moins de rien tombe par terre ; Et, comme elle a l'éclat du verre, Tigre altéré de sang, Décie impitoyable, Ce Dieu t'a trop longtemps abandonné les siens : Et la foudre qui va partir, Par l'attente du repentir. Que cependant Félix m'immole à ta colère; Monde, pour moi tu n'as plus rien: Je porte en un cœur tout chrétien Et je ne regarde Pauline Que comme un obstacle à mon bien. POL. SCÈNE III. POLYEUCTE, PAULINE, GARDES. Madame, quel dessein vous fait me demander? Comme mon ennemie ou ma chère moitié ? PAUL. Vous n'avez point ici d'ennemis que vous-même ; Ne veuillez pas vous perdre et vous êtes sauvé. POL. Je considère plus ; je sais mes avantages, vous. Et l'espoir que sur eux forment les grands courages. J'ai de l'ambition, mais plus noble et plus belle : PAUL. Voilà de vos chrétiens les ridicules songes; POL. mensonges: Tout votre sang est peu pour un bonheur si doux! Le jour qui vous la donne en même temps l'engage: 5 Je dois ma vie au peuple, au prince, à sa couronne ; Mais je la dois bien plus au Dieu qui me la donne : 10 Si mourir pour son prince est un illustre sort, Quand on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort ? PAUL. Quel Dieu! POL. Tout beau, Pauline; il entend vos paroles, vôtre : 15 Et la terre et le ciel n'en connaissent point d'autre. 20 PAUL. Adorez-le dans l'âme et n'en témoignez rien. POL. Les bontés de mon Dieu sont bien plus à chérir : 25 25 30 |