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l'on y voit enfin des maisons d'éducation véritablement chrétienne, des chefs de famille exemplaires et vigilants, une jeunesse laborieuse et modeste, des vieillards religieux découvrant à tous en silence, avec le terme si prochain de la vie, la couronne d'honneur offerte à ceux qui les auront imités. Oh! surtout, s'il plaît à Dieu de couronner de si grands biens par l'apparition de quelques êtres extraordinaires qui, réfléchissant sur la patrie l'éclat de hautes vertus, la marquent du sceau de la gloire éternelle qu'elles leur ont méritée. Alors, alors, tout ce qui a sur la terre le sentiment du beau s'unit au ciel pour proclamer la ville fidèle et pleine de jugement 1, la Sion du Saint d'Israël et la cité du Seigneur 2, celle que Dieu favorise, à ce point, de sa miséricorde.

Habitants du Blanc, c'est bien volontiers que nous reconnaissons la part qu'il vous est donné d'avoir dans le tableau d'une ville saintement constituée. Nous félicitons en outre un certain nombre d'entre vous d'avoir vu naître et grandir une vertueuse créature, dont le nom, devenu le titre et le symbole d'une vie agréable à Dieu et aux hommes, est aujourd'hui si glorieusement placé dans les annales de l'Église avec le nom de sa patrie. Heureux des souvenirs ¿qu'elle vous a laissés et dépositaires en quelque sorte de son berceau, permettez-nous d'y attacher, en vous le dédiant, le petit ouvrage qui va renouveler et multiplier même ses droits à votre vénération pour

4. Urbs fidelis plena judicii. (Is., 1, 21.)

2 Vocabunt te civitatem Domini, Sion sancti Israel. (Is., LX, 14.)

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elle. Si, pour obéir à de secrètes vues de providence favorables à sa sanctification et à votre gloire, elle › s'éloigna un peu de celle de vos églises où elle avait reçu la première grâce chrétienne, elle ne cessa pas de vous appartenir, par sa naissance, par le bienfait d'une aimable et longue présence au milieu de vous et par l'inclination de son cœur, depuis qu'elle vous eut quittés. Son corps, il est vrai, n'a pas été enseveli dans les crêpes de la patrie, ses cendres ne reposent pas parmi vos tombeaux; mais, par une sorte de reproduction 1 plus noble, plus vaste et plus animée que celle des sculpteurs et des peintres, sa véritable image vous reste, celle de son âme, que vous rendront toujours sensible ses paroles et ses actions.. Combien une si précieuse image ne vous devient-elle pas plus imposante encore, se présentant à vous avec le magnifique cortège de tant de vierges et d'autres fervents fidèles, qui, s'étant heureusement appliqués à en retracer les traits dans leur vie, ont acquis, comme leur modèle, le glorieux privilége de parler de la vertu, même après leur mort !

Vous, anciens de la cité, dites donc avec nous aux générations qui succèdent à la vôtre tout ce que vous avez vu, entendu, admiré, aimé de celle dont nous allons parler. Montrez-leur même du doigt la maison d'où elle ne sortit guère que pour les plus purs motifs et avec les moyens les plus sûrs et les plus naturels de plaire et d'édifier. Que les jeunes filles alors, en la regardant, se disent, avec une sainte joie d'avoir toujours été modestes, et quelques-unes, peut

1 Centum potiore signis munere. (HORAT.)

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être, avec la salutaire confusion de ne l'avoir pas toujours été : « C'est donc là que dormait la pieuse et pudique Élisabeth Bichier, la concitoyenne et l'amie, l'exemple et la consolation de nos mères! Qu'il est donc bien vrai que la grâce est trompeuse et que la beauté est vaine, mais que la femme qui craint le Seigneur est celle qui sera louée 1! » Que les jeunes gens, de leur côté, fassent mouvoir, en faveur de la vertu, tout ce qu'il y a dans leur âme de force et d'énergie, ne fût-ce que parce que la femme vertueuse est le partage de ceux qui craignent le Seigneur et le prix des bonnes actions. Que chacun enfin, reconnaissant dans la vie que nous écrivons toutes les conditions du vrai mérite, des vraies joies, du salut éternel, les juge attachées aussi pour lui au soin d'imiter un si beau modèle. Enfin, vous tous qui que vous soyez, daignez agréer notre livre, non-seulement comme un monument d'honneur pour votre ville, mais encore comme un acte de dévouement à la vérité aussi bien qu'à votre satisfaction, porté jusqu'à l'abnégation de soi-même, puisqu'en travaillant pour l'une et pour l'autre, nous sentons le besoin de demander pardon 3 au siècle de nous montrer si hardis, nous qui sommes si peu de chose sous tous les rapports, que de lui proposer, par votre organe, un ordre de beautés spirituelles et d'exemples de

1 Fallax gratia et vana est pulcritudo: mulier timens Dominum ipsa laudabitur. (Prov., XXXI, 30.)

2 Pars bona, mulier bona, in parte timentium Deum dabitur viro pro factis bonis. (Eccl., XXVI, 3.)

Et mihi nunc veniâ opus fuit, quam non pétissem, nisi cursaturus tam sæva et infesta virtutibus tempora. (TAC)

vertus, d'ailleurs si éloigné de ses mœurs et de son intelligence.

Quel appui peut donc nous soutenir et nous rassurer sur un sujet si élevé que, d'après l'assertion des personnes les mieux informées, « il ne le deviendrait pas davantage, en l'exagérant? » Il ne peut être que celui d'un vif désir de satisfaire nos sentiments particuliers pour la vénérable défunte, de l'affligeant silence de plusieurs, mais plus capables et plus dignes que nous de parler d'elle, enfin de la confiance que, si notre ouvrage ne doit pas être loué, du moins ne sera-t-il pas sans titre à l'indulgence 1, à raison des pieux motifs qui nous l'ont fait composer et de la manière dont il est écrit. Car, désireux de le rendre utile à cette foule de jeunes filles, principalement de celles du peuple, élevées dans nos innombrables écoles, nous avons pu nous oublier nous-mêmes, en négligeant de temps en temps, pour elles, les règles du genre historique, afin de mieux atteindre notre objet, par l'usage accidentel du genre oratoire, qui donne lieu de parler plus abondamment à l'esprit et plus sensiblement au cœur. Que de pieux écrivains ont suivi d'ailleurs cette méthode, pour mieux préparer les âmes à la vérité, par le plaisir nourrissant qu'elle cause, même dans ses seuls entretiens. Cependant, si quelques-uns de la portion lettrée de nos lecteurs se sentaient inclinés à penser que nous avons un peu trop accordé, dans notre ouvrage, aux diversions de l'épisode, ainsi qu'au droit de faire parler les deux in

1 Hic interim liber... professione pietatis, aut laudatus erit, aut excusatus. (TAC.)

téressants personnages qui le dominent nécessairement, en regard l'un de l'autre, nous nous garderions bien de nous justifier, par ce qu'ont fait de semblable à cet égard les premiers historiens de l'antiquité profane : une juste pudeur nous fait reculer bien loin à la seule idée du pius simple rapprochement entre eux et nous. Mais ne pourrions-nous pas découvrir et proposer une excuse dans l'ardent désir de ramener des enfants dégénérés à la foi et à la ferveur des pères, par le souvenir renouvelé de vérités oubliées ou mal comprises, et surtout, par la tradition si puissante d'exemples de piété indigènes et domestiques? Eh! peut-être, sera-ce même, devant Dieu qui tourne les cœurs comme et par quels moyens il lui plaît, un double titre au succès de cette histoire, que d'y préférer l'utilité du plus grand nombre au goût, quoique louable, de plusieurs, et de vouloir honorer le zèle de deux charitables instituteurs des pauvres, en le pratiquant, à leur imitation et même avec leur assistance, sous les auspices de leur mémoire éclatante de lumière et de sainteté. Oh! que nous serions heureux de pouvoir révéler toutes les richesses de la grâce dans leurs habitudes personnelles et de rapporter toujours ce qu'ils ont enseigné de favorable à ses progrès dans les autres, quoique, tout en édifiant les justes, ce que nous devons en citer ne soit que trop capable de nous humilier, ne fût-ce que pour avoir osé, nous pécheurs, raconter les splendeurs ou les justices de Dieu dans ses Saints 1.

1 Peccatori autem dixit Deus : Quare tu enarras justitias meas? (Ps. XLIX, 16.)

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