Page images
PDF
EPUB

Dans ses chansons immortelles,

Comme un aigle audacieux,

Pindare, étendant ses ailes,
Fuit loin des vulgaires yeux.
Mais, ô ma fidèle lyre!

Si, dans l'ardeur qui m'inspire,
Tu peux suivre mes transports,
Les chênes des monts de Thrace
N'ont rien ouï que n'efface
La douceur de tes accords.

Est-ce Apollon et Neptune
Qui, sur ces rocs sourcilleux,
Ont, compagnons de fortune
Bâti ces murs orgueilleux?
De leur enceinte fameuse

La Sambre, unie à la Meuse,
Défend le fatal abord;

Et, par cent bouches horribles,
L'airain sur ces monts terribles
Vomit le fer et la mort.

Dix mille vaillants Alcides, Les bordant de toutes parts, D'éclairs au loin homicides, Font pétiller leurs remparts;

[graphic][subsumed][merged small]

Et, dans son sein infidèle,

Partout la terre y recèle

Un feu prêt à s'élancer,

Qui soudain, perçant son gouffre,
Ouvre un sépulcre de soufre
A quiconque ose avancer.

Namur, devant tes murailles
Jadis la Grèce eût, vingt ans,
Sans fruit vu les funérailles
De ses plus fiers combattants.
Quelle effroyable puissance
Aujourd'hui pourtant s'avance,
Prête à foudroyer tes monts!
Quel bruit, quel feu l'environne!
C'est Jupiter en personne,

Ou c'est le vainqueur de Mons'.

N'en doute point, c'est lui-même;
Tout brille en lui, tout est roi.
Dans Bruxelles Nassau blême 2

Commence à trembler pour toi.

Le roi avait pris la ville de Mons l'année précédente 1691.

2 Le prince d'Orange, Guillaume de Nassau, roi d'Angleterre, commandait

l'armée des alliés.

En vain il voit le Batave,
Désormais docile esclave,
Rangé sous ses étendards :
En vain au lion belgique
Il voit l'aigle germanique
Uni sous les léopards.

Plein de la frayeur nouvelle Dont ses sens sont agités, A son secours il appelle Les peuples les plus vantés : Ceux-là viennent du rivage Où s'enorgueillit le Tage De l'or qui roule en ses eaux; Ceux-ci, des champs où la neige Des marais de la Norwège

Neuf mois couvre les roseaux.

Mais qui fait enfler la Sambre

Sous les Gémeaux effrayés?
Des froids torrents de décembre
Les champs partout sont noyés.
Cérès s'enfuit éplorée

De voir en proie à Borée

« PreviousContinue »