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Et signala pour moi sa pompeuse largesse,
L'implacable Discorde, et l'infâme Mollesse,
Foulant aux pieds les lois, l'honneur et le devoir,
Usurpent en mon nom le souverain pouvoir.
Souffriras-tu, ma sœur, une action si noire?
Quoi! ce temple, à ta porte, élevé pour ma gloire,
Où jadis des humains j'attirois tous les vœux,
Sera de leurs complots le théâtre honteux!
Non, non, il faut enfin que ma vengeance éclate :
Assez et trop long-temps l'impunité les flatte.
Prends ton glaive, et, fondant sur ces audacieux,
Viens aux yeux des mortels justifier les cieux.

Ainsi parle à sa sœur cette vierge enflammée :
La grâce est dans ses yeux d'un feu pur allumée.
Thémis sans différer lui promet son secours,
La flatte, la rassure, et lui tient ce discours :

Chère et divine sœur, dont les mains secourables
Ont tant de fois séché les pleurs des misérables,
Pourquoi toi-même, en proie à tes vives douleurs,
Cherches-tu sans raison à grossir tes malheurs?
En vain de tes sujets l'ardeur est ralentie;
D'un ciment éternel ton Église est bâtie,
Et jamais de l'enfer les noirs frémissements
N'en sauroient ébranler les fermes fondements.
Au milieu des combats, des troubles, des querelles,
Ton nom encor chéri vit au sein des fidèles.

Crois-moi, dans ce lieu même où l'on veut t'opprimer,
Le trouble qui t'étonne est facile à calmer :
Et, pour y rappeler la paix tant désirée,

Je vais t'ouvrir, ma sœur, une route assuréc.

Prête-moi donc l'oreille, et retiens tes soupirs.
Vers ce temple fameux, si cher à tes désirs,
Où le ciel fut pour toi si prodigue en miracles,
Non loin de ce palais où je rends mes oracles,
Est un vaste séjour des mortels révéré,

Et de clients soumis à toute heure entouré.

Là, sous le faix pompeux de ma pourpre honorable,
Veille au soin de ma gloire un homme incomparable ',
Ariste, dont le Ciel et Louis ont fait choix

Pour régler ma balance et dispenser mes lois.
Par lui dans le barreau sur mon trône affermie,

Je vois hurler en vain la chicane ennemie :
Par lui la vérité ne craint plus l'imposteur,
Et l'orphelin n'est plus dévoré du tuteur.
Mais pourquoi vainement t'en retracer l'image?
Tu le connois assez; Ariste est ton ouvrage.
C'est toi qui le formas dès ses plus jeunes ans :
Son mérite sans tache est un de tes présents.
Tes divines leçons, avec le lait sucées,
Allumèrent l'ardeur de ses nobles pensées.
Aussi son cœur, pour toi brûlant d'un si beau feu,
N'en fit point dans le monde un lâche désaveu;
Et son zèle hardi, toujours prêt à paroître,
N'alla point se cacher dans les ombres d'un cloître.

Va le trouver, ma sœur à ton auguste nom,
Tout s'ouvrira d'abord en sa sainte maison.

Ton visage est connu de sa noble famille;

Tout y garde tes lois, enfants, sœur, femme, fille.

1 M. de Lamoignon, premier président. BOILEAU.

Tes

yeux d'un seul regard sauront le pénétrer ; Et, pour obtenir tout, tu n'as qu'à te montrer.

Là s'arrête Thémis. La Piété charmée

Sent renaître la joie en son ame calmée.

Elle court chez Ariste; et, s'offrant à ses yeux :

Que me sert, lui dit-elle, Ariste, qu'en tous lieux Tu signales pour moi ton zèle et ton courage, Si la Discorde impie à ta porte m'outrage? Deux puissants ennemis, par elle envenimes, Dans ces murs, autrefois si saints, si renommés, A mes sacrés autels font un profane insulte, Remplissent tout d'effroi, de trouble et de tumulte. De leur crime à leurs yeux va-t'en peindre l'horreur : Sauve-moi, sauve-les de leur propre fureur.

Elle sort à ces mots. Le héros en prière Demeure tout couvert de feux et de lumière. De la céleste fille il reconnoît l'éclat,

Et mande au même instant le chantre et le prélat.

Muse, c'est à ce coup que mon esprit timide

Dans sa course élevée a besoin qu'on le guide,

Pour chanter par quels soins, par quels nobles travaux,

Un mortel sut fléchir ces superbes rivaux.

Mais plutôt, toi, qui fis ce merveilleux ouvrage,

Ariste, c'est à toi d'en instruire notre âge.
Seul tu peux révéler par quel art tout-puissant
Tu rendis tout-à-coup le chantre obéissant.
Tu sais par quel conseil rassemblant le chapitre
Lui-même, de sa main, reporta le pupitre;
Et comment le prélat, de ses respects content,
Le fit du banc fatal enlever à l'instant.

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