Le désolé vieillard, qui hait la raillerie, On apporte à l'instant ses somptueux habits, D'une longue soutane il endosse la moire, Court, vole, et le premier arrive dans le chœur. O toi, qui, sur ces bords qu'une eau dormante mouille, Vis combattre autrefois le rat et la grenouille '; Qui, par les traits hardis d'un bizarre pinceau, 1 Homère a fait la Guerre des Rats et des Grenouilles. BOILEAU. Prélat, que t'ai-je fait ? quelle rage envieuse O ciel! quoi! sur mon banc une honteuse masse Je ne pourrai donc plus être vu que de Dieu! Et, sans lasser le ciel par des chants superflus, Entraînons, en mourant, les restes divisés. A ces mots, d'une main par la rage affermie, Il saisissoit déjà la machine ennemie, Lorsqu'en ce sacré lieu, par un heureux hasard, Mais ne nous chargeons pas tous seuls de sa ruine; Et que tantôt, aux yeux du chapitre assemblé, Il soit sous trente mains en plein jour accablé. Ces mots des mains du chantre arrachent le pupitre. J'y consens, leur dit-il; assemblons le chapitre. Allez donc de ce pas, par de saints hurlements, Vous-mêmes appeler les chanoines dormants. Partez. Mais ce discours les suprend et les glace. Nous! qu'en ce vain projet, pleins d'une folle audace, Nous allions, dit Girard, la nuit nous engager! De notre complaisance osez-vous l'exiger? Hé! seigneur! quand nos cris pourroient du fond des rues De leurs appartements percer les avenues, Réveiller ces valets autour d'eux étendus, De leur sacré repos ministres assidus, : Que la voix d'un mortel les en puisse arracher? Il dit. Du fond poudreux d'une armoire sacrée Par les mains de Girot la crecelle est tirée. Ils sortent à l'instant, et, par d'heureux efforts, Du lugubre instrument font crier les ressorts. Pour augmenter l'effroi, la Discorde infernale Monte dans le Palais, entre dans la grand salle, Et, du fond de cet antre, au travers de la nuit, Fait sortir le démon du tumulte et du bruit. Le quartier, alarmé, n'a plus d'yeux qui sommeillent; Déjà de toutes parts les chanoines s'éveillent L'un croit que le tonnerre est tombé sur les toits, Et que l'église brûle une seconde fois '; : L'autre, encore agité de vapeurs plus funèbres, En soi-même frémit de n'avoir point dîné. Ainsi, lorsque, tout prêt à briser cent murailles, Louis, la foudre en main, abandonnant Versailles, Au retour du soleil et des zéphyrs nouveaux, Fait dans les champs de Mars déployer ses drapeaux, Au seul bruit répandu de sa marche étonnante, Le Danube s'émeut, le Tage s'épouvante, Bruxelle attend le coup qui la doit foudroyer, Et le Batave encore est prêt à se noyer. Mais en vain dans leurs lits un juste effroi les presse : Aucun ne laisse encor la plume enchanteresse. Pour les en arracher Girot s'inquiétant Va crier qu'au chapitre un repas les attend. Le toit de la Sainte-Chapelle fut brûlé en 1618. BOILEAU. |