Non, je ne ferai pas ce qu'on veut que je fasse, En dussé-je souffrir ce dont on me menace; Dussent tous mes parents me priver de leur bien : On me veut marier, et je n'en ferai rien. J'estime mon repos plus que mon héritage,

Et.

pour mieux l'assurer, je fuis le mariage. C'est un lien fatal à notre liberté ;

Le plus heureux époux est toujours maltraité :
L'hymen avec la joie a tant d'antipathie,

Qu'on n'a que deux bons jours, l'entrée et la sortie;
Si l'on en trouve plus, c'est par un cas fortuit,
L'on a cent mauvais jours pour une bonne nuit.

La plus grande douceur qu'on trouve au mariage
Ne vient que de l'espoir qu'on conçoit du veuvage;
Et rien ne doit jamais y faire consentir,

Que pour avoir un jour le plaisir d'en sortir.
Quoi! s'attacher toujours à la même personne!
Ne la pouvoir quitter, si la mort ne l'ordonne!
Attendre son bonheur d'un funeste trépas,
Et voir incessamment ce que l'on n'aime pas !
Nourrir mille chagrins, mille remords dans l'ame,
Et mourir de dépit de voir vivre une femme!
J'aime trop mon repos pour vouloir m'exposer
A toutes les douleurs qu'un hymen peut causer.
Un contrat me déplaît, on fait mieux son affaire
Sans l'avis d'un curé ni le seing d'un notaire.
Quand on a prononcé ce malheureux oui,
Le plaisir de l'amour est tout évanoui.

Nous nous lassons bientôt quand une chose est due;
L'on s'empresse bien mieux pour une défendue,
Et quand le nom d'amant se change en nom d'époux,
L'amour perd aussitôt ce qu'il a de plus doux.
Veut-on se faire aimer et se faire caresse,

Qu'on en demeure au nom d'amant et de maîtresse ;
Lorsque l'on fait l'amour, on veut toujours se voir,
Et l'on aime bien plus par choix que par devoir.
Le légitime enfin ne fait point mon affaire,
Et le nom de mari ne peut me satisfaire;
J'estime cent fois mieux vivre sur le commun
Que m'aller enrôler sous un joug importun.

Au moins l'on peut quitter alors que bon nous semble,
Et l'on n'est pas contraint de demeurer ensemble.