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præbet. Le verbe de la phrase grecque n'admet pas d'autre signification que celle de servir, présenter; l'adverbe que j'ai rendu littéralement, sans prendre haleine, dési

gne ou la hâte avec laquelle il rend ce service, ou l'effet

d'une répugnance naturelle en pareil cas.

(7) D'après M. Coray, il faut traduire : « Il vous dit,

fête des Mystères (4): il lui demande combien de colonnes soutiennent le théâtre de la musique (5), quel est le quantième du mois : il lui dit qu'il a eu la veille une indigestion; et, si cet homme à qui il parle a la patience de l'écouter, il ne partira pas d'auprès de lui, il lui annoncera comme une chose nouvelle que les Mystères (6) se célèbrent dans le mois d'août, les Apatu

« En vérité, vous mangez sans appetit; et il vous sert << ensuite un morceau choisi, en disant, Cela vous fera « du bien: » ce qui rappelle ces vers de Boileau dans la satire du repas : « Qu'avez-vous donc, que vous ne man-ries (7) au mois d'octobre; et à la campagne, << gez point? » et « mangez sur ma parole. »

(8) Ce n'étoit pas, comme La Bruyère paroît l'avoir cru, un valet attaché au théâtre qui distribuoit des coussins; mais les riches les y faisoient porter par leurs esclaves. Ovide conseille aux amants la complaisance que Théophraste semble reprocher aux flatteurs; il dit dans son Art d'aimer : Fuit utile multis Pulvinum facili composuisse manu, etc.

Le savant auteur du Voyage du jeune Anacharsis, qui nous a rendus, pour ainsi dire, concitoyens de Théophraste, a emprunté, dans son chap. xxvIII, plusieurs traits de ce caractère pour faire le portrait du parasite de Philandre.

CHAPITRE III.

De l'impertinent, ou du diseur de riens.

dans le mois de décembre, les Bacchanales (8). Il n'y a, avec de si grands causeurs, qu'un parti à prendre, qui est de fuir (9), si l'on veut du moins éviter la fièvre; car quel moyen de pouvoir tenir contre des gens qui ne savent pas discerner ni votre loisir, ni le temps de vos affaires?

NOTES.

des termes abstraits. On auroit pu intituler ce chapitre (1) Dans le grec, les noms des Caractères sont toujours

du Babil, et traduire la définition plus littéralement : « Le babil est une profusion de discours longs et irré« fléchis. »

M. Barthélemy a inséré ce Caractère presque en entier dans le vingt-huitième chapitre de son Voyage du jeune Anacharsis.

cette denrée étoit taxée, et il y avoit des inspecteurs par

(2) Le grec dit : « Sur le bas prix du blé. » A Athènes,

ticuliers pour en surveiller la vente. On peut voir à ce sujet le chap. xii du Voyage du jeune Anacharsis, auquel je renverrai souvent le lecteur, parceque cet intéressant ouvrage donne des éclaircissements suffisants aux gens du monde, et fournit aux savants des citations pour des recherches ultérieures.

(3) Premières Bacchanales, qui se célébroient dans la ville. (La Bruyère.) La Bruyère appelle cette fête de Bac

gne, dont il sera question plus bas. Elle étoit appelée ordinairement les grandes Dionysiaques, ou bien les Bacchanales par excellence; car elle étoit beaucoup plus brillante que celle de la campagne, où il n'y avoit point

La sotte envie de discourir vient d'une habitude qu'on a contractée de parler beaucoup et sans réflexion (1). Un homme qui veut parler, se trouvant assis proche d'une personne qu'il n'a jamais vue et qu'il ne connoît point, entre d'abord en matière, l'entretient de sa femme, et lui fait son éloge, lui conte son songe, lui fait un long détail d'un repas où il s'est trouvé, sans oublier le moindre mets ni un seul service; il s'échauffe ensuite dans la conversation, de-chus la première, pour la distinguer de celle de la campaclame contre le temps présent, et soutient que les hommes qui vivent présentement ne valent point leurs pères : de là il se jette sur ce qui se débite au marché, sur la cherté du blé (2), sur le grand nombre d'étrangers qui sont dans la ville il dit qu'au printemps, où commencent les Bacchanales (3), la mer devient navigable; qu'un peu de pluie seroit utile aux biens de la terre, et feroit espérer une bonne récolte ; qu'il cultivera son champ l'année prochaine, et qu'il le mettra en valeur; que le siècle est dur, et qu'on a bien de la peine à vivre. Il apprend à cet inconnu que c'est Damippe qui a fait brûler la plus belle torche devant l'autel de Cérès à la

:

d'étrangers, parcequ'elle étoit célébrée en hiver. (Voyez chap. xxiv du Voyage du jeune Anacharsis. )

le scoliaste d'Aristophane ad Acharn., v. 204 et 503, et le

Pendant l'hiver, les vaisseaux des anciens étoient tirés à terre et placés sous des hangars; on les lançoit de nouveau à la mer, au printemps: Trahuntque siccas ma

china carinas, dit Horace en faisant le tableau de cette

saison, liv. I, ode Iv.

(4) Les mystères de Cérès se célébroient la nuit, et il y avoit une émulation entre les Athéniens à qui apporteroit allumées en mémoire de celles dont Cérès éclaira sa course une plus grande torche. (La Bruyère.) Ces torches étoient nocturne en cherchant Proserpine ravie par Pluton. Pau

sauias nous apprend, liv. I, chap. 11, que dans le temple de Cérès à Athènes il y avoit une statue de Bacchus portant une torche; et l'on voit souvent des torches représentées dans les bas-reliefs ou autres monuments anciens qui retracent des cérémonies religieuses. (Voyez le Musée du Capitole, tome IV, planc. 57, et le Musée Pio Clem., tome V, planche 80.) Dans les grandes Dionysiaques d'Athènes, on en plaçoit sur les toits; et, dans les Saturnales de Rome, on en érigeoit devant les maisons : il en étoit peut-être de même dans les mystères de Cérès; car les mots devant l'autel ne sont point dans le texte.

(5) L'Odéon. Il avoit été bâti par Périclès, sur le modèle de la tente de Xerxès: son comble, terminé en pointe, étoit fait des antennes et des mâts enlevés aux vaisseaux des Perses: il fut brûlé au siége d'Athènes par Sylla.

(6) Fête de Cérès. Voyez ci-dessus. (La Bruyère. ) (7) En françois, la fête des Tromperies: son origine ne fait rien aux mœurs de ce chapitre. (La Bruyere.) Elle fut instituée et prit le nom que La Bruyère vient d'expliquer, parceque, dans le combat singulier que Mélanthus livra, au nom des Athéniens, à Xanthus, chef des Béotiens, Bacchus vint au secours du premier en trompant Xanthus. On trouvera quelques détails sur les usages de

cette fête dans le chap. xxvi d'Anacharsis.

(8) Il auroit mieux valu traduire, « Et les Bacchanales « de la campagne dans le mois de décembre.» (Voyez

ci-dessus, note 3.) Elles se célébroient près d'un temple appelé Lenæum, ou le temple du pressoir.

On peut consulter, sur les fêtes d'Athènes en général, et sur les mois dans lesquels elles étoient célébrées, la deuxième table ajoutée à l'ouvrage de l'abbé Barthélemy par son savant et modeste ami M. de Sainte-Croix, qui a éclairci l'histoire et les usages de la Grèce par tant de recherches profondes et utiles.

(9) Littéralement : « Il faut se débarrasser de telles gens,

« et les fuir à toutes jambes. » Aristote dit un jour à un tel causeur : « Ce qui m'étonne, c'est qu'on ait des oreilles « pour t'entendre, quand on a des jambes pour t'é< chapper, »

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se réduire à un ton de voix modéré; ne se pas fier à leurs amis sur les moindres affaires, pendant qu'ils s'en entretiennent avec leurs domestiques, jusqu'à rendre compte à leurs moindres valets (2) de ce qui aura été dit dans une assemblée publique. On les voit assis, leur robe relevée jusqu'aux genoux et d'une manière indécente. Il ne leur arrive pas en toute leur vie de rien admirer, ni de paroître surpris des choses les plus extraordinaires que l'on rencontre sur les chemins (5); mais si c'est un bœuf, un âne ou un vieux bouc, alors ils s'arrêtent et ne se lassent point de les contempler. Si quelquefois ils entrent dans leur cuisine, ils mangent avidement tout ce qu'ils y trouvent, boivent tout d'une haleine une grande tasse de vin pur; ils se cachent pour cela de leurs servantes, avec qui d'ailleurs ils vont au moulin, et entrent dans les plus petits détails du domestique (4). Ils interrompent leur souper, et se lèvent pour donner une poignée d'herbes aux bêtes de charrue (5) qu'ils ont dans leurs étables. Heurtet-on à leur porte pendant qu'ils dînent, ils sont attentifs et curieux. Vous remarquez toujours proche de leur table un gros chien de cour qu'ils appellent à eux, qu'ils empoignent par la gueule, en disant (6): Voilà celui qui garde la place, qui prend soin de la maison et de ceux qui sont dedans. Ces gens, épineux dans les paiements qu'on leur fait, rebutent un grand nombre de pièces qu'ils croient légères, ou qui ne brillent pas assez à leurs yeux, et qu'on est obligé de leur changer. Ils sont occupés pendant la nuit d'une charrue, d'un sac, d'une faux, d'une corbeille, et ils rêvent à qui ils ont prêté ces ustensiles. Et lorsqu'ils marchent par la ville: Combien vaut, demandent-ils aux premiers qu'ils rencontrent, le poisson sale? Les fourrures se vendent-elles bien (7)? N'est-ce pas aujourd'hui que les jeux nous ramènent une nouvelle lune (8)? D'autres fois, ne sachant que dire, ils vous apprennent qu'ils vont se faire raser, et qu'ils ne sortent que pour cela (9). Ce sont ces mêmes personnes que l'on entend chanter dans le bain, qui mettent des clous à leurs souliers, et qui, se trouvant tout portés devant la boutique d'Archias (10), achètent eux-mêmes des viandes salées et les rapportent à la main en pleine rue.

NOTES.

(1) Le texte grec nomme une certaine drogue qui rendoit l'haleine fort mauvaise le jour qu'on l'avoit prise. (La Bruyère.) La traduction est plus juste que la note. (Voyez la note de M. Coray sur ce passage.)

chose dont il doit être sûr avant de se mettre en route, et sur-tout dans ce qui suit.

(9) Au lieu de, « D'autres fois, etc.,» le texte porte, « Et il dit sur-le-champ qu'il va en ville pour se faire ra<< ser. » Il ne fait donc cette toilette que le premier jour de chaque mois, en se rendant au marché. Il y a un trait

(2) Le grec dit : « Aux journaliers qui travaillent dans semblable dans les Acharnéens d'Aristophane, v. 998; et << leur champ. »

(3) Il paroît qu'il y a ici une transposition dans le grec, et qu'il faut traduire : « Ni de paroître surpris des choses <<< les plus extraordinaires ; mais s'ils rencontrent dans leur << chemin un bœuf, etc. »

(4) Le grec dit seulement : « A laquelle ils aident à « moudre les provisions pour leurs gens et pour eux-mê<< mes. » L'expression de La Bruyère, « Ils vont au mou<< lin, » est un anachronisme. Du temps de Théophraste, on n'avoit pas encore des moulins communs; mais on faisoit broyer ou moudre le blé que l'on consommoit dans chaque maison, par un esclave, au moyen d'un pilon ou d'une espèce de moulin à bras. (Voyez Pollux, livre I, segm. 78, et liv. VII, segm. 180.) Les moulins à eau n'ont été inventés que du temps d'Auguste, et l'usage du pilon étoit encore assez général du temps de Pline.

(5) Des bœufs. (La Bruyère.) Le grec dit en général, des bêtes de trait.

(6) Au lieu de, «Heurte-t-on, etc., » le grec dit simplement : « Si quelqu'un frappe à sa porte, il répond lui« même, appelle son chien, et lui prend la gueule, en « disant : Voilà, etc. »

(7) Le grec porte : « Lorsqu'il se rend en ville, il de« mande au premier qu'il rencontre : Combien vaut le

<< poisson salé? et quel est le prix des habits de peaux ? » Ces habits étoient le vêtement ordinaire des påtres, et peut-être des pauvres et des campagnards en général.

(8) Cela est dit rustiquement; un autre diroit que la nouvelle lune ramène les jeux; et d'ailleurs c'est comme si, le jour de Pâques, quelqu'un disoit : N'est-ce pas aujourd'hui Pâques? (La Bruyère.) Quoique la version adoptée par

La Bruyère soit celle de Casaubon, j'observerai que le

mot la néoménie, que ce savant critique traduit par la nouvelle lune, n'est que le simple nom du premier jour du mois, où il y avoit un grand marché à Athènes, et où l'on payoit les intérêts de l'argent. (Voyez Aristoph., Vesp.. 171, et Schol. et Nub., acte IV, scène ш.) Il ne

s'agit pas non plus de jeux, puisqu'il n'y en avoit pas tous

Suidas le cite et l'explique en parlant de la néoménie. Du temps de Théophraste, les Athéniens élégants paroissent avoir porté les cheveux et la barbe d'une longueur moyenne, qui devoit être toujours la même, et on les faisoit par conséquent couper très souvent. (Voyez chap. xxvi, note 6; et le chap. v, ci-après.) C'étoit donc une rusticité de laisser croître les cheveux et la barbe pendant un mois : et cette malpropreté suppose de plus le ridicule, reproché dans le chap. x à l'avare, de se faire raser ensuite jusqu'à la peau, afin que les cheveux ne dépassent pas de sitôt la juste

mesure.

(10) Fameux marchand de chairs salées, nourriture ordinaire du peuple. (La Bruyère.) Il falloit dire, de poisson salé.

CHAPITRE V.

Du complaisant, ou de l'envie de plaire.

Pour faire une définition un peu exacte de cette affectation que quelques uns ont de plaire à tout le monde, il faut dire que c'est une manière de vivre où l'on cherche beaucoup moins ce qui est vertueux et honnête, que ce qui est agréable (1). Celui qui a cette passion, d'aussi loin qu'il aperçoit un homme dans la place, le salue, en s'écriant: Voilà ce qu'on appelle un homme de bien; l'aborde, l'admire sur les moindres choses, le retient avec ses deux mains, de peur qu'il ne lui échappe; et après avoir fait quelques pas avec lui, il lui demande avec empressement quel jour on pourra le voir, et enfin ne s'en sépare qu'en lui donnant mille éloges. Si quelqu'un le choisit pour arbitre dans un procès, il ne doit pas attendre de lui qu'il lui soit plus favorable qu'à son adversaire (2): comme il veut plaire à tous deux, il les ménagera également. C'est dans cette vue que, pour se concilier tous les étrangers qui sont dans la ville, il leur dit quelquefois qu'il leur trouve plus de raison et d'équité que dans ses conci

les premiers du mois. Selon plusieurs głoses anciennes rapportées par Henri Estienne, le même mot a aussi toutes les significations du mot latin forum. Cette phrase peut donc être traduite ainsi : « Le forum célèbre-t-il aujour-toyens. S'il est prié d'un repas, il demande en « d'hui la néoménie? » c'est-à-dire : « Est-ce aujourd'hui << le premier du mois et le jour du marché? » Le ridicule n'est pas dans l'expression, mais en partie dans ce que le campagnard demande à un homme qu'il rencontre une

entrant à celui qui l'a convié où sont ses enfants; et, dès qu'ils paroissent, il se récrie sur la ressemblance qu'ils ont avec leur père, et que

deux figues ne se ressemblent pas mieux : ille simple plaisir de louer, et ne demande que d'être agréa

ble à ceux avec lesquels il vit. Caractère auquel on ne peut faire d'autre reproche que ce que Théophraste a dit quelque part des honneurs et des places, qu'il ne faut point les briguer par un commerce agréable, mais par une conduite vertueuse. Il en est de mème de la véritable

amitié.

chapitre appartenoit à un autre caractère; mais il ne s'y trouve aucun trait qui ne convienne parfaitement à un homme qui veut plaire à tout le monde, en tout et partout autre définition de l'envie de plaire, selon Aristote.

Quelques critiques ont cru que la seconde moitié de ce

(2) Chaque partie étoit représentée ou assistée par un

arbitre : ceux-ci s'adjoignoient un arbitre commun : le complaisant, étant au nombre des premiers, se conduit

comme s'il étoit l'arbitre commun. (Voyez Dėm. c. Neær.,

édit. R., tom. II, pag. 1560, et Anach., chap. xvi.)

(3) Petits jouets que les Grecs pendoient au cou de leurs

enfants. (La Bruyère.) M. Visconti a expliqué, dans le volume III de son Museo Pio Clementino, planche 22, une statue antique d'un petit enfant qui porte une écharpe toute composée de jouets de ce genre, qui paroissent être en partie symboliques. La hache s'y trouve très distinctement, et l'éditeur croit qu'elle est relative au culte des Cabires. Le même savant pense que l'outre dont il est question ici peut être un symbole bachique. Cependant, comme le grec dit seulement, il joue avec eux, en disant outre, hache, il est possible aussi que ce fussent des mots usités dans quelque jeu, dont cependant je ne trouve aucune trace dans les savants traités sur cette matière rassemblés dans le septième volume du Trésor de Gronovius.

les fait approcher de lui, il les baise; et les ayant fait asseoir à ses deux côtés, il badine avec eux: A qui est, dit-il, la petite bouteille? à qui est la jolie cognée (5)? Il les prend ensuite sur lui et les laisse dormir sur son estomac, quoiqu'il en soit incommodé. Celui enfin qui veut plaire se fait raser souvent, a un fort grand soin de ses dents, change tous les jours d'habits et les quitte presque tout neufs : il ne sort point en public qu'il ne soit parfumé (4). On ne le voit guère dans les salles publiques qu'auprès des comptoirs des banquiers (5); et, dans les écoles, qu'aux endroits seulement où s'exercent les jeunes gens (6); ainsi qu'au théâtre, les jours de spectacle, que dans les meilleures places et tout proche des préteurs (7). Ces gens encore n'achètent jamais rien pour eux; mais ils envoient à Byzance toute sorte de bijoux précieux, des chiens de Sparte à Cyzique (8), et à Rhodes l'excellent miel du mont Hymette; et ils prennent soin que toute la ville soit informée qu'ils font ces emplettes. Leur maison est toujours remplie de mille choses curieuses qui font plaisir à voir, ou que l'on peut donner, comme des singes et des satyres (9) qu'ils savent nourrir, des pigeons de Sicile, des dés qu'ils font faire d'os de chèvre (10), des fioles pour des parfums (11), des cannes torses que l'on fait à Sparte, et des tapis de Perse à personnages. Ils ont chez eux jusqu'à un jeu de paume et une arène propre à s'exercer à la lutte (12); et s'ils se promènent par la ville, et qu'ils rencontrent en leur chemin des philosophes, des sophis-servoit, selon l'expression du scoliaste d'Aristophane, ad tes (13), des escrimeurs ou des musiciens, ils leur offrent leur maison (14) pour s'y exercer chacun dans son art indifféremment : ils se trouvent présents à ces exercices; et se mêlant avec ceux qui viennent là pour regarder: A qui croyezvous qu'appartiennent une si belle maison et cette arène si commode? Vous voyez, ajoutentils en leur montrant quelque homme puissant de la ville, celui qui en est le maître, et qui en peut disposer (15).

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(4) Le grec porte: « Il s'oint avec des parfums pré« cieux. » Il paroit qu'on ne se servoit ordinairement que

d'huile pure, ou plus légèrement parfumée que l'espèce dont il est question ici. Cette opération avoit lieu sur-tout au sortir du bain, dont les anciens faisoient, comme on

sait, un usage extrêmement fréquent; elle consistoit à se faire frotter tout le corps avec ces matières grasses, et

Plut., 616, à fermer à l'entrée de l'air les pores ouverts par la chaleur.

(5) C'étoit l'endroit où s'assembloient les plus honnêtes gens de la ville. (La Bruyère. ) Le grec porte : « Dans la << place publique, etc. » Les Athéniens faisoient faire presque toutes leurs affaires par leurs banquiers. (Voyez Saumaise, de Usuris, et Boettiger, dans le Mercure allemand du mois de janvier 1802. )

(6) Pour être connu d'eux et en être regardé, ainsi que de tous ceux qui s'y trouvoient. (La Bruyère.) Théophraste parle des gymnases, qui étoient de vastes édifices entourés de jardins et de bois sacrés, et dont la première cour étoit entourée de portiques et de salles garnies de siéges où les philosophes, les rhéteurs et les sophistes rassembloient leurs disciples. Il paroît que tous les gens bien élevés ne cessoient de fréquenter ces établissements, dont les plus

importants étoient l'Académie, le Lycée et le Cynosarge. (Voyez chap. VIII du Voyage du jeune Anacharsis. )

(7) Le texte grec dit : « Des stratéges, » ou généraux. C'étoient dix magistrats, dont l'un devoit commander les armées en temps de guerre ; mais il paroît que déja, du temps de Démosthène, ils n'avoient presque plus d'autres fonctions que de représenter dans les cérémonies publiques. (Voyez l'ouvrage que je viens de citer, chap. x.)

(8) D'après Aristote, cette race des meilleurs chiens de chasse de la Grèce provenoit de l'accouplement de cet animal et du renard. Byzance, devenue depuis Constantinople, étoit déja une ville importante du temps de Théophraste. Cyzique étoit un port de la Mysie, sur la Pro

pontide.

CHAPITRE VI.

De l'image d'un coquin (1).

Un coquin est celui à qui les choses les plus honteuses ne coûtent rien à dire ou à faire, qui jure volontiers et fait des serments en justice autant qu'on lui en demande : qui est perdu de réputation; que l'on outrage impunément, qui est un chicaneur (2) de profession, un effronté, et qui se mêle de toutes sortes d'affaires. Un homme de ce caractère entre sans masque dans une danse comique (3), et même sans être ivre; mais de sang-froid il se distingue dans la danse

(9) Une espèce de singes. (La Bruyère.) Des singes à la plus obscène (4) par les postures les plus in

courte queue, disent les scoliastes de ce passage.

(10) Vraisemblablement d'os de gazelles de Libye, comme ceux dont parle Lucien. (In amorib., lib. I.) Des dés d'os de chèvre ne vaudroient pas la peine d'être cités.

(11) Littéralement : « Des flacons bombés de Thurium,» ou d'après une autre leçon, « de Tyr, » ou plutôt « de « sable tyrien, » c'est-à-dire de verre, pour la fabrication duquel on se servoit alors de ce sable exclusivement, ce qui donnoit une très grande valeur à cette matière. On ne

connoît aucune fabrique célèbre de vases dans les différentes villes qui portèrent le nom de Thurium. Ce ne fut que du temps des Romains que les ustensiles de verre cessèrent d'être chers, et qu'on put les avoir à un prix très bas. (Voyez Strab., liv. XVI, suivant la correction certaine de Casaubon. Cette note m'a été communiquée par M. Visconti.)

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décentes : c'est lui qui, dans ces lieux où l'on voit des prestiges (5), s'ingère de recueillir l'argent de chacun des spectateurs, et qui fait querelle à ceux qui, étant entrés par billets, croient ne devoir rien payer (6). Il est d'ailleurs de tous métiers; tantôt il tient une taverne, tantôt il est suppôt de quelque lieu infame, une autre fois partisan (7): il n'y a point de si sale commerce où il ne soit capable d'entrer. Vous le verrez aujourd'hui crieur public, demain cuisinier ou brelandier (8): tout lui est propre. S'il a une mère, il la laisse mourir de faim (9) : il est sujet au larcin, et à se voir traîner par la ville dans une prison, sa demeure ordinaire, et où il passe une partie de sa vie. Ce sont ces sortes de gens que l'on voit se faire entourer du peuple, appeler ceux qui passent, et se plaindre à eux avec une voix forte et enrouée, insulter ceux qui les contredisent. Les uns fendent la presse pour les voir, pendant que les autres, contents de les avoir vus, se dégagent et poursuivent leur chemin sans vouloir les écouter; mais ces effrontés continuent de parler : ils disent à celuici le commencement d'un fait, quelque mot à cet autre ; à peine peut-on tirer d'eux la moindre partie de ce dont il s'agit (10); et vous remarquerez qu'ils choisissent pour cela des jours d'assemblée publique, où il y a un grand concours de monde, qui se trouve le témoin de leur insolence. Toujours accablés de procès que l'on intente contre eux, ou qu'ils ont intentés à d'autres, de ceux dont ils se délivrent de par faux serments, comme de ceux qui les obligent de comparoître, ils n'oublient jamais de porter

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