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Qu'il doit être la pierre fondamentale et pré- | donner des lois à ce peuple, graver ces lois dans cieuse (Is., 28, 16); leur cœur, s'offrir à Dieu pour eux, se sacrifier Qu'il doit être la pierre d'achoppement et de pour eux, être une hostie sans tache, et luiscandale (Is., 8, 14); même sacrificateur: il devoit s'offrir lui-même, Que Jérusalem doit heurter contre cette pierre et offrir son corps et son sang, et néanmoins (Is., 8, 15); offrir pain et vin à Dieu. Jésus-Christ a fait

Que les édifiants1 doivent rejeter cette pierre tout cela. (Ps., 117, 22);

Il est prédit qu'il devoit venir un libérateur,

Que Dieu doit faire de cette pierre le chef du qui écraseroit la tête au démon, qui devoit délicoin (Ibid.);

2

Et que cette pierre doit croître en une montagne immense, et remplir toute la terre (DAN., 2,55);

Qu'ainsi il doit être rejeté (Ps., 117, 22), méconnu (Is., 53, 2 et 3), trahi (Ps., 40, 10), vendu (Zach., 11, 12), souffleté (Is., 50, 6), moqué (Is., 34, 16), affligé en une infinité de manières (Ps., 68, 27), abreuvé de fiel (Ps., 68, 22); qu'il auroit les pieds et les mains percés (Ps., 21, 17); qu'on lui cracheroit au visage (Is., 50, 6); qu'il seroit tué (DAN., 9, 26), et ses habits jetés au sort (Ps., 21, 19);

Qu'il ressusciteroit le troisième jour (Ps., 15, 10; OSÉE, 6, 3);

Qu'il monteroit au ciel (Ps., 46, 6 et 67, 19), pour s'asseoir à la droite de Dieu (Ps., 109, 1); Que les rois s'armeroient contre lui (Ps., 2, 2); Qu'étant à la droite du Père, il sera victorieux de ses ennemis (Ps., 109, 5);

Que les rois de la terre et tous les peuples l'adoreroient (Ps., 71, 11);

Que les Juifs subsisteront en nation (JÉRÉM., 31, 36);

Qu'ils seront errants (Amos, 9, 9), sans rois, sans sacrifices, sans autel, etc. (OSÉE, 5, 4), sans prophètes (Ps., 75, 9), attendant le salut, et ne le trouvant point. (Is., 59, 9. JÉRÉM., 8, 15.)

III. Le Messie devoit lui seul produire un grand peuple, élu, saint et choisi; le conduire, le nourrir, l'introduire dans le lieu de repos et de sainteté; le rendre saint à Dieu, en faire le temple de Dieu, le réconcilier à Dieu, le sauver de la colère de Dieu, le délivrer de la servitude du péché, qui règne visiblement dans l'homme;

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vrer son peuple de ses péchés, ex omnibus iniquitatibus (Ps., 129, 8); qu'il devoit y avoir un nouveau Testament qui seroit éternel; qu'il devoit y avoir une autre prêtrise selon l'ordre de Melchisédech; que celle-là seroit éternelle; que le Christ devoit être glorieux, puissant, fort, et néanmoins si misérable, qu'il ne seroit pas reconnu; qu'on ne le prendroit pas pour ce qu'il est ; qu'on le rejetteroit, qu'on le tueroit; que son peuple, qui l'auroit renié, ne seroit plus son peuple; que les idolâtres le recevroient, et auroient recours à lui; qu'il quitteroit Sion pour régner au centre de l'idolâtrie; | que néanmoins les Juifs subsisteroient toujours, qu'il devoit sortir de Juda, et quand il n'y auroit plus de rois.

IV.

Qu'on considère que depuis le commencement du monde, l'attente ou l'adoration du Messie subsiste sans interruption ; qu'il a été promis au premier homme aussitôt après sa chute; qu'il s'est trouvé depuis des hommes qui ont dit que Dieu leur avoit révélé qu'il devoit naître un Rédempteur qui sauveroit son peuplè1; qu'Abraham est venu ensuite dire qu'il avoit eu révélation qu'il naîtroit de lui, par un fils qu'il auroit ; que Jacob a déclaré que de ses douze enfants, ce seroit de Juda qu'il naîtroit; que Moïse et les prophètes sont venus ensuite déclarer le temps que la et la manière de sa venue, qu'ils ont dit loi qu'ils avoient n'étoit qu'en attendant celle du Messie; que jusque-là elle subsisteroit, mais que l'autre dureroit éternellement ; qu'ainsi leur loi ou celle du Messie, dont elle étoit la promesse, seroit toujours sur la terre; qu'en effet

C'est-à-dire, des hommes qui ont transmis, de race en race, depuis Adam jusqu'à Noé, et depuis Noé jusqu'à Abraham, la promesse qui en avoit été faite au premier homme. Voyez partie 2, art. 4, § 5, où l'auteur entre dans quelques développements à ce sujet.

elle a toujours duré ; et qu'enfin Jésus-Christ est venu dans toutes les circonstances prédites. Cela est admirable.

Si cela étoit si clairement prédit aux Juifs, dira-t-on, comment ne l'ont-ils pas cru? ou comment n'ont-ils pas été exterminés pour avoir résisté à une chose si claire? Je réponds que l'un et l'autre a été prédit, et qu'ils ne croiroient point une chose si claire, et qu'ils ne seroient point exterminés. Et rien n'est plus glorieux au Messie; car il ne suffisoit pas qu'il y eût des prophètes ; il falloit que leurs prophéties fussent conservées sans soupçon. Or, etc.

V.

Les prophètes sont mêlés de prophéties particulières, et de celles du Messie, afin que les prophéties du Messie ne fussent pas sans preuves, et que les prophéties particulières ne fussent pas sans fruit.

Non habemus regem nisi Casarem, disoient les Juifs. (JOAN., 19, 15.) Donc Jésus-Christ étoit le Messie, puisqu'ils n'avoient plus de roi qu'un étranger, et qu'ils n'en vouloient point d'autre. Les septante semaines de Daniel sont équivoques pour le terme du commencement, à cause des termes de la prophétie; et pour le terme de la fin, à cause des diversités des chronologistes. Mais toute cette différence ne va qu'à deux cents

ans'.

Il y a évidemment faute ici; et il est surprenant que de tous

les éditeurs qui m'ont précédé, celui de 1787 soit le seul qui l'ait fait observer. Pascal, comme on l'a dit, écrivoit ses pensées à la hate, sans suite, et comme de simples notes. Il y a tout

Les prophéties qui représentent Jésus-Christ pauvre, le représentent aussi maître des nations. (Is., 55, 2 et suiv. ZACH., 9, 9 et 10);

Les prophéties qui prédisent le temps, ne le prédisent que maître des Gentils et souffrant, et non dans les nues, ni juge; et celles qui le représentent ainsi jugeant les nations et glorieux, ne marquent point le temps.

Quand il est parlé du Messie, comme grand et glorieux, il est visible que c'est pour juger le monde, et non pour le racheter. (Is., 66, 15, 16.)

ARTICLE XII.

Diverses preuves de Jésus-Christ.

I.

Pour ne pas croire les apôtres, il faut dire qu'ils ont été trompés, ou trompeurs. L'un et l'autre est difficile. Car, pour le premier, il n'est pas possible de s'abuser à prendre un homme pour être ressuscité; et pour l'autre, l'hypothèse qu'ils aient été fourbes est étrangement absurde. Qu'on la suive tout au long; qu'on s'imagine ces douze hommes assemblés après la mort de JésusChrist, faisant le complot de dire qu'il est ressuscité. Ils attaquent par-là toutes les puissances. Le cœur des hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens. Si peu qu'un d'eux se fût démenti par tous ces attraits, et, qui plus est, par les prisons, par les tortures et par la mort, ils étoient perdus. Qu'on suive cela.

lieu de présumer qu'en voulant mettre 20 ans, il aura, parvoit les soutenir. Mais après cela, s'il ne leur est Tandis que Jésus-Christ étoit avec eux, il pou

inadvertance, ajouté un zéro qui a formé deux cents. Pour

justifier cette présomption, je ne puis mieux faire que de rap

porter ici la note de l'éditeur de 1787.

Avant Jésus-Christ, la différence dont il est ici question ne pouvoit rouler que sur environ quatre-vingts ans, depuis le premier ordre donné par Cyrus pour renvoyer les Juifs à Jérusalem, vers l'an 556 avant notre ère vulgaire, jusqu'au dernier ordre donné par Artaxerxès-Longue-Main pour le rétablissement des murs de Jérusalem, vers l'an 434. Depuis Jésus-Christ, la différence ne roule plus que sur environ vingt ans; car les chronologistes conviennent assez que les septante semaines ne peuvent commencer que sous le règne d'ArtaxerxèsLongue-Main; mais les uns les prennent de la permission donnée à Esdras par ce prince dans la septième année de son règne, et les autres les prennent de la permission donnée à Néhémias par ce même prince, dans la vingtième année; les uns comptent ces années depuis son association à l'empire par son père Xerxès, vers l'an 474 avant notre ère vulgaire, en sorte que la septième année tomberoit en 467, qui est l'année de la mort de Xerxès: les autres les comptent depuis la mort de Xerxès, en sorte que

apparu, qui les a fait agir?

II.

Le style de l'Évangile est admirable en une

la vingtième tomberoit en 447, ce qui donne précisément un intervalle de vingt ans, depuis 467 jusqu'à 447. Les uns pensent que les années dont parle Daniel sont des années lunaires; les autres les prennent pour des années solaires. Enfin tous varient sur l'époque précise de la septième et de la vingtième année; mais aussi tous s'accordent à mettre ces deux époques dans l'intervalle de ces vingt années, depuis 467 jusqu'à 447. »

Ces faits et les opinions des chronologistes ne pouvoient être ignorés de Pascal : comment pourroit-il donc se faire qu'il eût mis deux cents ans en connoissance de cause, et, par-là, affoibli volontairement l'autorité des prophéties? On ne pent raisonnablement le supposer. (Note de l'édit. de 1822.)

infinité de manières, et entre autres en ce qu'il n'y a aucune invective de la part des historiens contre Judas, ou Pilate, ni contre aucun des ennemis ou des bourreaux de Jésus-Christ.

Si cette modestie des historiens évangéliques avoit été affectée, aussi bien que tant d'autres traits d'un si beau caractère, et qu'ils ne l'eussent affectée que pour la faire remarquer; s'ils n'avoient ose la remarquer eux-mêmes, ils n'auroient pas manqué de se procurer des amis, qui eussent fait ces remarques à leur avantage. Mais comme ils ont agi de la sorte sans affectation, et par un mouvement tout désintéressé, ils ne l'ont fait remarquer par personne : je ne sais même si cela a été remarqué jusques ici; et c'est ce qui témoigne la naïveté avec laquelle la chose a été faite.

III.

Jésus-Christ a fait des miracles, et les apôtres ensuite, et les premiers saints en ont fait aussi beaucoup; parceque les prophéties n'étant pas encore accomplies, et s'accomplissant par eux, rien ne rendoit témoignage que les miracles. Il étoit prédit que le Messie convertiroit les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie sans la conversion des nations? Et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent? Avant donc qu'il fût mort, qu'il fût ressuscité, et que les nations fussent converties, tout n'étoit pas accompli; et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là. Maintenant il n'en faut plus pour prouver la vérité de la religion chrétienne; car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant.

IV.

L'état où l'on voit les Juifs est encore une grande preuve de la religion. Car c'est une chose étonnante de voir ce peuple subsister depuis tant d'années, et de le voir toujours misérable : étant nécessaire pour la preuve de Jésus-Christ, et qu'ils subsistent pour le prouver, et qu'ils soient misérables puisqu'ils l'ont crucifié : et quoiqu'il soit contraire d'être misérable et de subsister, il subsiste néanmoins toujours malgré sa misère.

Mais n'ont-ils pas été presque au même état au temps de la captivité? Non. Le sceptre ne fut

point interrompu par la captivité de Babylone, à cause que le retour étoit promis et prédit. Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu'on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fut dit auparavant qu'ils y seroient peu, et qu'ils seroient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes, et leurs rois continuèrent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans prophètes, sans rois, sans consolation, sans espérance, parceque le sceptre est ôté pour jamais.

Ce n'est pas avoir été captif que de l'avoir été avec assurance d'être délivré dans soixante-dix ans. Mais maintenant ils le sont sans aucun espoir.

Dieu leur a promis, qu'encore qu'il les dispersât aux extrémités du monde, néanmoins, s'ils étoient fidèles à sa loi, il les rassembleroit. Ils y sont donc très fidèles, et demeurent opprimés. Il faut donc que le Messie soit venu, et que la loi qui contenoit ces promesses soit finie par l'établissement d'une loi nouvelle.

V.

Si les Juifs eussent été tous convertis par JésusChrist, nous n'aurions plus que des témoins suspects; et s'ils avoient été exterminés, nous n'en aurions point du tout.

Les Juifs le refusent, non pas tous. Les saints le reçoivent, et non les charnels. Et tant s'en faut que cela soit contre sa gloire, que c'est le dernier trait qui l'achève. La raison qu'ils en ont, et la seule qui se trouve dans leurs écrits, dans le Talmud et dans les rabbins, n'est que parceque Jésus-Christ n'a pas dompté les nations à main armée. Jésus-Christ a été tué, disent-ils; il a succombé; il n'a pas dompté les païens par sa force; il ne nous a pas donné leurs dépouilles; il ne donne point de richesses. N'ont-ils que cela à dire? C'est en cela qu'il m'est aimable. Je ne voudrois point celui qu'ils se figurent.

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l'Alcoran et Mahomet. Mais ce prophète, qui | car il n'a point fait de miracles; il n'a point été devoit être la dernière attente du monde, a-t-il prédit, etc. Nul homme ne peut faire ce qu'a fait été prédit? Et quelle marque a-t-il que n'ait aussi Jésus-Christ. tout homme qui voudra se dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits? Quel mystère a-t-il enseigné selon sa tradition même? Quelle morale et quelle félicité?

Mahomet est sans autorité. Il faudroit donc que ses raisons fussent bien puissantes, n'ayant que leur propre force.

VIII.

Si deux hommes disent des choses qui paroissent basses, mais que les discours de l'un aient un double sens, entendu par ceux qui le suivent, et que les discours de l'autre n'aient qu'un seul sens si quelqu'un, n'étant pas du secret, entend discourir les deux en cette sorte, il en fera un même jugement. Mais si ensuite, dans le reste du discours, l'un dit des choses angéliques, et l'autre toujours des choses basses et communes, et même des sottises, il jugera que l'un parloit avec mystère, et non pas l'autre : l'un ayant assez montré qu'il est incapable de telles sottises, et capable d'être mystérieux; et l'autre, qu'il est incapable de mystères, et capable de sottises.

IX.

Mahomet s'est établi en tuant, Jésus-Christ en faisant tuer les siens; Mahomet en défendant de lire, Jésus-Christ en ordonnant de lire. Enfin cela est si contraire, que si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, Jésus-Christ a pris celle de périr humainement. Et au lieu de conclure que, puisque Mahomet a réussi, JésusChrist a bien pu réussir, il faut dire que, puisque Mahomet a réussi, le christianisme devoit périr s'il n'eût été soutenu par une force toute divine.

ARTICLE XIII.

Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres.

I.

Dieu a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut à ceux qui le chercheroient. Mais les hommes s'en rendent si indignes, qu'il est juste qu'il refuse à quelques uns, à cause de leur endurcissement, ce qu'il accorde aux autres par une miséricorde qui ne leur est pas due. S'il eût voulu surmonter l'obstination des plus endurcis, il l'eût pu, en se découvrant si manifestement à eux, qu'ils n'eussent pu douter de la vérité de son existence; et c'est ainsi qu'il paroîtra au dernier jour, avec un tel éclat de foudres et un tel renversement de la nature, que les plus aveugles le verront.

Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur dans Mahomet, et qu'on peut faire passer pour avoir un sens mystérieux, que je veux qu'on en juge, mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis et par le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Il n'en est pas de même de l'Écriture. Je veux qu'il y ait Ce n'est pas en cette sorte qu'il a voulu paroîdes obscurités, mais il y a des clartés admira- tre dans son avènement de douceur, parceque bles et des prophéties manifestes accomplies. La tant d'hommes se rendant indignes de sa clépartie n'est donc pas égale. Il ne faut pas con-mence, il a voulu les laisser dans la privation fondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l'obscurité, et non pas par les clartés, qui méritent, quand elles sont divines, qu'on

révère les obscurités.

L'Alcoran dit que saint Matthieu étoit homme de bien. Donc Mahomet étoit faux prophète, ou en appelant gens de bien des méchants, ou en ne les croyant pas sur ce qu'ils ont dit de JésusChrist.

X.

du bien qu'ils ne veulent pas. Il n'étoit donc pas juste qu'il parût d'une manière manifestement divine, et absolument capable de convaincre tous les hommes; mais il n'étoit pas juste aussi qu'il vint d'une manière si cachée, qu'il ne pût être reconnu de ceux qui le chercheroient sincèrement. Il a voulu se rendre parfaitement connoissable à ceux-là; et ainsi, voulant paroître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur, et caché à ceux qui le fuient de tout

Tout homme peut faire ce qu'a fait Mahomet: leur cœur, il tempère sa connoissance en sorte

qu'il a donné des marques de soi, visibles à ceux | Dieu se découvre en tout, et il n'est pas vrai

qui le cherchent, obscures à ceux qui ne le cherchent pas.

II.

Il y a assez de lumière pour ceux qui ne desirent que de voir, et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. Il y a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d'obscurité pour les humilier. Il y a assez d'obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables.

Si le monde subsistoit pour instruire l'homme de l'existence de Dieu, sa divinité y reluiroit de toutes parts d'une manière incontestable; mais comme il ne subsiste que par Jésus-Christ et pour Jésus-Christ, et pour instruire les hommes, et de leur corruption, et de la rédemption, tout y éclate des preuves de ces deux vérités. Ce qui y paroît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de divinité, mais la présence d'un Dieu qui se cache: tout porte ce

caractère.

S'il n'avoit jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle seroit équivoque, et pourroit aussi bien se rapporter à l'absence de toute divinité qu'à l'indignité où seroient les hommes de le connoître. Mais de ce qu'il paroît quelquefois, et non toujours, cela ôte l'équivoque. S'il paroît une fois, il est toujours; et ainsi on ne peut en conclure autre chose, sinon qu'il y a un Dieu, et que les hommes en sont indignes.

III.

Le dessein de Dieu est plus de perfectionner la volonté que l'esprit. Or, la clarté parfaite ne serviroit qu'à l'esprit, et nuiroit à la volonté. S'il n'y avoit point d'obscurité, l'homme ne sentiroit pas sa corruption. S'il n'y avoit point de lumière, l'homme n'espéreroit point de remède. Ainsi il est non seulement juste, mais utile pour nous, que Dieu soit caché en partie, et découvert en partie, puisqu'il est également dangereux à l'homme de connoître Dieu sans connoître sa misère, et de connoître sa misère sans connoître

Dieu.

IV.

Tout instruit l'homme de sa condition; mais il faut bien l'entendre: car il n'est pas vrai que

qu'il se cache en tout. Mais il est vrai tout ensemble qu'il se cache à ceux qui le tentent, et qu'il se découvre à ceux qui le cherchent ; parceque les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu, et capables de Dieu; indignes par leur corruption, capables par leur première nature,

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Si Jésus-Christ n'étoit venu que pour sanctifier, toute l'Écriture et toutes choses y tendroient, et il seroit bien aisé de convaincre les infidèles. Mais comme il est venu in sanctificationem et in scandalum, comme dit Isaïe (Is., 8, 14), nous ne pouvons convaincre l'obstination des infidèles : mais cela ne fait rien contre nous, puisque nous disons qu'il n'y a point de conviction dans toute la conduite de Dieu pour les esprits opiniàtres, et qui ne cherchent pas sincèrement la vérité.

Jésus-Christ est venu afin que ceux qui ne voyoient point vissent, et que ceux qui voyoient devinssent aveugles : il est venu guérir les malades, et laisser mourir les sains; appeler les pécheurs à la pénitence et les justifier, et laisser ceux qui se croyoient justes dans leurs péchés; remplir les indigents, et laisser les riches vides.

Que disent les prophètes de Jésus-Christ? Qu'il sera évidemment Dieu? Non : mais qu'il

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