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Les satellites d'Hiéroclès lui amènent enfin la proie qu'il poursuit depuis si long-temps. Par des détours obscurs et des portes secrètes que l'on referme soigneusement sur ses pas, Cymodocée est conduite aux pieds du persécuteur. Les esclaves se retirent, et la fille de Démodocus reste seule avec un monstre qui ne craint ni les hommes ni les dieux.

Elle cachait sa douleur sous les replis d'un voile. On n'entendait que le bruit de ses pleurs, comme on est frappé dans les bois du murmure d'une source qu'on ne voit point encore. Son sein, agité par la crainte, soulevait sa robe blanche. Elle remplissait la salle d'une espèce de lumière, pareille à cette clarté qui émane du corps des Anges et des Esprits bienheureux.

Hiéroclès demeure un moment interdit devant l'autorité de l'innocence, de la faiblesse et du malheur. Ses avides regards se repaissent de tant de charmes. Il contemple avec une ardeur effrayante celle qu'il n'a jamais vue si près de lui, celle dont il n'a jamais touché ni la main ni le voile, celle dont il n'a jamais entendu la voix que dans les chœurs des vierges, et qui pourtant a disposé des jours, des nuits, des pensées, des songes, des crimes de l'apostat. Bientôt la passion de cet homme dévoué à l'Enfer surmonte le premier moment d'hésitation et de trouble. Il affecte d'abord une modération que l'amour, la jalousie, la vengeance, l'orgueil, ne pouvaient permettre à son cœur. Il adresse ces mots à Cymodocée :

'Cymodocée, pourquoi cette frayeur et ces larmes? Tu sais que je t'aime. Soumis à tes moindres volontés, tu me verras t'obéir comme ton esclave, si tu consens m'écouter.'

L'insolent favori de la Fortune soulève le voile de Cymodocée. Il reste ébloui des grâces qu'il découvre. La vierge rougit, et cachant dans son sein son visage baigné de larmes.

Je ne veux rien de toi, dit-elle. Je ne te demande rien que de me rendre à mon père. Les bois du Pamisus sont plus agréables à mon cœur que tous tes palais.

CHATEAUBRIAND.

Immensité des Bienfaits du Christianisme.

Ce ne serait rien connaître que de connaître vaguement les bienfaits du christianisme: c'est le détail de ces bienfaits, c'est l'art avec lequel la religion a varié ses dons, répandu ses secours, distribué ses trésors, ses remèdes, ses lumières, c'est ce détail, c'est cet art qu'il faut pénétrer. Jusqu'aux délicatesses des sentiments, jusqu'aux amours-propres, jusqu'aux faiblesses, la religion a tout ménagé, en soulageant tout. Pour nous, qui depuis quelques années, nous occupons de ces recherches, tant de traits de charité, tant de fondations admirables, tant d'inconcevables sacrifices sont passés sous nos yeux, que nous croyons qu'il y a dans ce seul mérite du christianisme de quoi expier tous les crimes des hommes: culte céleste, qui nous force d'aimer cette triste humanité qui le calomnie.

Ce que nous allons citer est bien peu de chose, et nous pourrions remplir plusieurs volumes de ce que nous rejetons; nous ne sommes pas même sûrs d'avoir choisi ce qu'il y a de plus frappant: mais dans l'impossibilité de tout décrire, et de juger qui l'emporte en vertu parmi un si grand nombre d'oeuvres charitables, nous recueillons, presqu'au hasard, ce que nous donnons ici.

Pour se faire d'abord une idée de l'immensité des bienfaits de la religion, il faut se représenter la chrétienté comme une vaste république, où tout ce que nous rapportons d'une partie, se passe en même temps dans une autre. Ainsi, quand nous parlerons des hôpitaux, des missions, des collèges de la France, il faut aussi se figurer les hôpitaux, les missions, les collèges de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Russie, de l'Angleterre, de l'Amérique, de l'Afrique, et de l'Asie; il faut voir deux cents millions d'hommes au moins, chez qui se pratiquent les mêmes vertus, et se font les mêmes sacrifices; il faut se ressouvenir qu'il y a dix-huit cents ans que ces vertus existent, et que les mêmes actes de charité se répètent: calculez maintenant, si votre esprit ne s'y perd, le nombre d'individus soulagés et éclairés par le christianisme, chez tant de nations, et pendant une aussi longue suite de siècles. CHATEAUBRIAND.

La Calédonie ou l'ancienne Ecosse.

Quatre pierres convertes de mousse marquent sur les bruyères de la Calédonie, la tombe des guerriers de Fingal. Oscar et Malvina ont passé, mais rien n'est changé dans leur solitaire patrie. Le montagnard écossais se plaît encore à redire les chants de ses ancêtres; il est encore brave, sensible, généreux; ses mœurs modernes sont comme le souvenir de ses mœurs antiques ce n'est plus, qu'on nous pardonne l'image, ce n'est plus la main du Barde même qu'on entend sur la harpe: c'est ce frémissement des cordes, produit par le toucher d'une ombre, lorsque la nuit, dans une salle déserte, elle annonçait la mort d'un héros.

'Carril accompagnait sa voix. Leur musique, pleine de douceur et de tristesse, ressemblait au souvenir des joies qui ne sont plus. Les ombres des Bardes décédés l'entendirent sur les flancs de Slimora. De faibles sons se prolongèrent le long des bois, et les vallées silencieuses de la nuit se réjouirent. Ainsi, pendant le silence du midi, lorsqu'Ossian est assis dans la vallée de ses brises, le murmure de l'abeille de la montagne parvient à son oreille souvent le zéphyr, dans sa course, emporte le son léger, mais bientôt il revient encore.'

CHATEAUBRIAND.

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LONDON PRINTED BY W. CLOWES AND SONS, STAMFORD STREET.

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