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La fortune vient à vous à pas de tortue et vous quitte avec la rapidité de la gazelle.

Un livre est un excellent ami qui vous révèle les fautes du temps passé.

L'ambition est comme l'espace; elle n'a point de bornes.

Le méchant reste méchant même au milieu des bons ; la laine noire ne peut se teindre d'aucune autre couleur. La langue du muet vaut mieux que celle du menteur. Le plus grand bien que l'on puisse laisser à ses enfants est une bonne éducation.

Le tombeau est le port où nous arrivons tous après une navigation plus ou moins orageuse.

Ne remets jamais au lendemain ce que tu peux faire dans le jour.

La mauvaise conduite est un chemin glissant, bordé de ronces et de précipices, qui nous mène promptement à notre perte.

Le corps s'engraisse à force de dormir, et l'esprit à force de veiller.

L'ignorance est la source de tous les vices.

MALHERBE.

Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée.
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.
Tout reconnut ses lois; et ce guide fidèle
Aux auteurs de ce temps sert encore de modèle.
Marchez donc sur ses pas; aimez sa pureté,

Et de son tour heureux imitez la clarté. -Boileau.

Je ne puis m'empêcher de mettre de droit, à la tête des littérateurs distingués, dont je vais entretenir mes élèves, le nom de François de Malherbe.

Je serai d'autant plus heureux de parler du père de la

poésie française, que cela me fournira l'occasion de payer mon humble tribut d'admiration au poëte national de la Vieille Angleterre, William Shakespeare, qui était contemporain de Malherbe, et qui, par la conception de ses idées, étonnait une génération qu'il devançait de toute la hauteur de son génie devant lequel tout le monde civilisé devait un jour se prosterner.

Racan, l'ami et le disciple de Malherbe, nous raconte que son maître était né à Caën en 1555; qu'il était protestant, et qu'il alla ensuite habiter la Provence où il se maria.

Malherbe avait embrassé la carrière des armes, ce qui ne l'empêchait pas de sacrifier aux Muses; il devint bientôt le protégé et la'mi d'Henri-le-Grand qui savait apprécier la bravoure et les belles-lettres.

Lorsque Marie de Médicis vint en France, Malherbe fut chargé de l'épithalame, et après la mort du bon roi, la reine devint, après son mari, la protectrice du poëte.

Non seulement Malherbe a fait de beaux vers, mais il a fait plus encore en créant notre langue, qu'il se plut à régulariser et à embellir dans ses odes admirables.

Le père de la poésie française mourut à Paris en 1628. Car il était du monde où les plus belles choses

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Ont le même destin.'

C. LOMBARD DE LUC.

Fragments d'un Pseaume sur la grandeur périssable des rois, paraphrasé par Malherbe.

Ont-ils' rendu l'esprit ce n'est plus que poussière,
Que cette majesté si pompeuse et si fière,

Dont l'éclat orgueilleux étonne l'Univers;

Et, dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre ;
Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs ;
Et tombent avec eux, d'une chute commune,

Tous ceux que la fortune

Faisait leurs serviteurs.

1 Les rois.

Invocation au génie de la France pour conserver les jours du bon Roi Henri.

Soit que l'ardeur de la prière
Le tienne devant un autel,
Soit que l'honneur à la barrière
L'appelle à débattre un cartel,
Soit que dans la chambre il médite,
Soit qu'aux bois la chasse l'invite,
Jamais ne t'écarte si loin,

Qu'aux embûches qu'on lui peut tendre
Tu ne sois prêt à le défendre,

Sitôt qu'il en aura besoin.

Garde sa compagne fidèle,
Cette reine dont les bontés
De notre faiblesse mortelle
Tous les défauts ont surmontés.
Fais que jamais rien ne l'ennuie;
Que toute infortune la fuie;
Et qu'aux roses de sa beauté
L'âge, par qui tout se consume,
Redonne, contre sa coutume,
Les grâces de la nouveauté.
Serre d'une étreinte si ferme
Le nœud de leurs chastes amours,
Que la seule mort soit le terme
Qui puisse en arrêter le cours.

MALHERBE.

Stances à Du Perrier pour le consoler de la mort
de sa Fille.

Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle ?
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle,
L'augmenteront toujours.

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.

Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point nos Rois.

MALHERBE.

Fragments d'une Ode à la Reine Marie de Médicis, sur sa bien

venue en France.

Peuples, qu'on mette sur la tête

Tout ce que

la terre a de fleurs;

Peuples, que cette belle fête

A jamais tarisse nos pleurs;
Qu'aux deux bouts du monde se voie
Luire le feu de notre joie ;

Et soient dans les coupes noyés
Les soucis de tous ces orages
Que pour nos rebelles courages
Les dieux nous avaient envoyés.
Aujourd'hui nous est amenée
Cette princesse que la foi
D'amour ensemble et d'hyménée
Destine au lit de notre roi.
La voici, la belle Marie,
Belle merveille d'Hétrurie,
Qui fait confesser au soleil,
Quoi que l'âge passé raconte,
Que du ciel, depuis qu'il y monte,
Ne vint jamais rien de pareil.

1 Pallida mors æquo pulsat pedes pauperum tabernas
Regumque turres.-Hor.

Telle n'est point la Cythérée,
Quand, d'un nouveau feu s'allumant,
Elle sort pompeuse et parée
Pour la conquête d'un amant :
Telle ne luit en sa carrière
Des mois l'inégale courrière:
Et telle dessus l'horizon
L'Aurore au matin ne s'étale,
Quand les yeux même de Céphale
En feraient la comparaison.
O toute parfaite princesse,
L'étonnement de l'univers,
Astre par qui vont avoir cesse
Nos ténèbres et nos hivers,
Exemple sans autres exemples,
Future image de nos temples,
Quoi que notre faible pouvoir
En votre accueil ose entreprendre,
Peut-il espérer de vous rendre
Ce que nous vous allons devoir ?
Par vous un Dauphin nous va naître,
Que vous-même verrez un jour
De la terre entière le maître,
Ou par armes, ou par amour;
Et ne tarderont ses conquêtes,
Dans les oracles déjà prêtes,
Qu'autant que le premier coton
Qui de jeunesse est le message
Tardera d'être en son visage
Et de faire ombre à son menton.

MALHERBE.

LA ROCHEFOUCAULD ET LA BRUYÈRE.

FRANÇOIS, duc de la Rochefoucauld, naquit le 15 Décembre 1605, et Jean de la Bruyère en 1644. Ces deux grands écrivains moralistes ont donné le modèle d'un style précis, mais ayant, tous les deux, écrit des pensées, des maximes et des caractères; et les articles de leurs ouvrages

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