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(Jeudi 20 Juin 1822. — 81o. Livraison. )

L'ALBUM.

Les Personnes dont l'Abonnement finit le 30 Juin, sont invitées à le faire renouveler pour ne point éprouver de retard dans l'envoi du Journal.

SALON DE 1822. No. VIII.

Il y a certaines gens qui croiraient manquer à ce qu'exige la connaissance des beaux usages, s'ils n'arrivaient pas les derniers dans tous les lieux où la mode les appelle, où la nécessité les conduit; ils veulent être attendus, desirés, afin que leur apparition produise plus d'effet; cela leur réussit rarement, car les calculs d'un sot amour-propre sont presque toujours faux, et ceux qui s'y livrent ont souvent le déplaisir d'entendre dire, avec un accent peu flatteur pour eux : c'était bien la peine!

Ainsi, les gens du grand monde semblent ne s'appliquer qu'à ajouter aux ridicules qu'ils tiennent ou de la nature ou de l'éducation, le ridicule des manières, des usages et des prétentions; mais ils trouvent parfois, parmi leurs inférieurs (du moins en

81e. Livr. l'Alb. Tom. IV.

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fortune ou en titres), des imitateurs empressés de leurs travers; les artistes eux-mêmes ne sont pas toujours exempts de cette petite faiblesse, et je n'en veux pour preuve que l'espèce d'affectation que plusieurs peintres ont mise à n'arriver que fort tard au Salon, où déjà la foule se pressait devant les cadres de leurs émules, de leurs égaux.

Une grande miniature (1) est le seul ouvrage capital qu'ait offert M. Saint à l'exposition. M. Saint, qui, à ses débuts, faisait de si rapides progrès, semble s'être arrêté tout d'un coup; je conçois qu'il serait difficile d'aller au-delà du tableau que j'examine, pour ce qui concerne la manière dont la figure et les mains sont peintes : c'est la perfection du genre; la pose et l'ajustement sont également dignes d'éloges; mais pourquoi les accessoires sont-ils si peu soignés ? Pourquoi, au fini des détails, ne peut-on pas juger si ce bonnet est de tulle ou de mousseline? Pourquoi enfin ces tons sales qui ternissent l'éclat d'une si belle production ? M. Saint est-il du nombre de ceux qui pensent qu'on n'obtient de l'harmonie dans un tableau que par des teintes vagues et des lumières inaperçues? S'il avait cette idée, pour lui prouver combien elle est peu fondée, je lui montrerais le cadre de M. Mansion (2); là, fraîcheur de coloris, touche large et ferme, travail précieux sans être pénible; là, dis-je, tout est, nature, et rien n'est sacrifié aux petits effets de l'art;

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tout est attaqué franchement, tout est exécuté sans contrainte. Je ne crois pas qu'il soit possible de faire un plus heureux emploi de la lumière et de la couleur que celui qu'en a fait M. Mansion, dans le portrait du colonel Le Sourd.

Finesse de tons et de travail, voilà ce qui distingue le portrait de M. le duc de Fitz-James, par Mlle Lezinką. On ne peut en dire autant de celui du Roi, peint par la même artiste.

Le vicomte Cuirassier (1) de M. Aubry, serait une belle miniature, si l'on n'était pas en droit d'exiger davantage d'un maître qui a fait mieux, et qui partage avec M. Isabey l'honneur d'avoir formé la plupart des miniaturistes de l'école actuelle.

M. Millet pe descend point du rang où il s'est placé, il s'y maintient; mais il ne s'élève pas plus haut. Ses pinceaux ont su donner au portrait de Mile. Anaïs (2), actrice du Second Théâtre Français, toute la grâce, tout l'esprit de l'original.

M. Jacques jouit d'une grande réputation. Il ne l'aurait sans doute pas acquise s'il n'eût jamais exposé d'autre portrait que celui de S. A. R. Mgr. le dục d'Orléans (3). Petitot, ce gracieux peintre de la cour, évitait les tons rouges et noirs. C'est un bon exemple à suivre; je prends la liberté de l'indiquer à M. Jacques.

Me. Jacotot qui vient, dans le livret, immédiate

(1) No. 911 (25).

(2) No. 945.

(3) No. 723.

ment après M. Jacques, occupe une autre place dans la hiérarchie du talent. Plusieurs copies sur porcelaine, et notamment celle de la Sainte-Famille (1), d'après Raphaël, sont des ouvrages parfaits, admirables, et des chefs-d'œuvre du genre. Le portrait de S. A. R. la Duchesse d'Orléans, est éga- lement une production remarquable, autant par la finesse du travail que par la transparence des tons.

Les miniatures de M. Singry méritent le succès qu'elles obtiennent, et le portrait de Me. MainvielleFodor (2) peut être comparé, sans y rien perdre, aux peintures les plus finies des maîtres qui ont exposé avec M. Singry.

Les aquarelles de M. Lebel nous promettent un digne élève, et peut-être un jour un heureux rival de M. Isabey.

Les efforts de M. Legros méritent des encouragements; il a fait de sensibles progrès, et si ses ouvrages n'ont pas encore toute la délicatesse desirable, du moins ils ne manquent ni de vérité, ni de franchise. Plusieurs de ses portraits, celui entr'autres de M. le comte de Montalivet (3), nous ont paru reproduire les traits du modèle avec une extrême fidélité.

J'aurais pu croire qu'un portrait exposé sous le No.835, était une plaisanterie de l'artiste, si le livret

(1) No. 725.
(2) No. 1200.
(3) 842.

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