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ACTE I I I.

SCENE PREMIERE.

(Le temple eft fermé. )

CASSANDRE, SOSTENE dans le périftile.

CASSANDRE.

LA vérité l'emporte, il n'eft plus temps de taire

Ce funefte fecret qu'avait caché mon père;
Il a fallu céder à la publique voix.

Oui, j'ai rendu juftice à la fille des rois;
Devais-je plus long-temps, par un cruel filence,
Faire encore à fon fang cette mortelle offense?
Je fus coupable affez.

SOSTEN E.

Mais un rival jaloux

Du grand nom d'Olimpie abuse contre vous;
Il anime le peuple, Ephèse eft alarmée ;
De la religion la fureur animée,

Qu'Antigone méprife, & qu'il fait exciter,
Vous fait un crime affreux, un crime à détester,
De pofféder la fille, ayant tué la mère.

CASSANDRE.

Les reproches fanglans qu'Ephèse peut me faire, Vous le favez, grand Dieu, n'approchent pas des miens. J'ai calmé, grâce au ciel, les cœurs des citoyens,

1

Le mien fera toujours victime des furies,
Victime de l'amour & de mes barbaries.

Hélas! j'avais voulu qu'elle tînt tout de moi,
Qu'elle ignorât un fort qui me glaçait d'effroi.
De fon père en fes mains je mettais l'héritage
Conquis par Antipatre, aujourd'hui mon partage.
Heureux par mon amour, heureux par mes bienfaits,
Une fois en ma vie avec moi-même en paix,
Tout était réparé, je lui rendais juftice.

D'aucun crime après tout mon cœur ne fut complice;
J'ai tué Statira, mais c'eft dans les combats,
C'eft en fauvant mon père, en lui prêtant mon bras,
C'eft dans l'emportement du meurtre & du carnage,
Où le devoir d'un fils égarait mon courage;
C'eft dans l'aveuglement que la nuit & l'horreur
Répandaient fur mes yeux troublés par la fureur.
Mon ame en frémiffait avant d'être punie
Par ce fatal amour qui la tient afservie.
Je me crois innocent au jugement des dieux,
Devant le monde entier, mais non pas à mes yeux,
Non pas pour Olimpie, & c'est-là mon fupplice,
C'est-là mon désespoir. Il faut qu'elle choififfe,
Ou de me pardonner, ou de percer mon cœur,
Ce cœur défefpéré, qui brûle avec fureur.

SOSTENE.

On prétend qu'Olimpie, en ce temple amenée,
Peut retirer la main qu'elle vous a donnée.
CASSANDRE.

Oui, je le fais, Softène; & fi de cette loi
L'objet que j'idolâtre abusait contre moi,
Malheur à mon rival, & malheur à ce temple.
Du culte le plus faint je donne ici l'exemple;

J'en donnerais bientôt de vengeance & d'horreur.
Ecartons loin de moi cette vaine terreur.

Je fuis aimé, fon cœur eft à moi dès l'enfance,
Et l'amour eft le dieu qui prendra ma défense.
Courons vers Olimpie.

SCENE I I.

CASSANDRE, SOSTENE, L'HIEROPHANTE fortant du temple.

CASSANDRE.

INTERERE

NTERPRETE du ciel,

Miniftre de clémence, en ce jour folemnel,

J'ai de votre faint temple écarté les alarmes.
Contre Antigone encor je n'ai point pris les armes,
J'ai refpecté ces temps à la paix confacrés;
Mais donnez cette paix à mes fens déchirés.
J'ai plus d'un droit ici, je faurai les défendre.
Je meurs fans Olimpie, & vous devez la rendre.
Achevons cet hymen.

L'HIEROPHANT E.

Elle remplit, Seigneur,

Des devoirs bien facrés & bien chers à fon cœur.

CASSANDRE.

Tout le mien les partage. Où donc eft la prêtreffe Qui doit m'offrir ma femme, & bénir ma tendreffe?

L'HIEROPHANT E.

Elle va l'amener. Puissent de fi beaux nœuds

Ne point faire aujourd'hui le malheur de tous deux !

CASSANDRE.

Notre malheur!... Hélas! cette feule journée
Voyait de tant de maux la course terminée.
Pour la première fois un moment de douceur
De mes affreux chagrins diffipait la noirceur.

L'HIERO PHANTE.

Peut-être plus que vous Olimpie eft à plaindre.

CASSANDRE.

Comment ? que dites-vous ?... Hé, que peut-elle craindre?

L'HIERO PHA N T È s'en allant.

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Me préfervent les cieux de paffer les limites
Que mon culte paifible à mon zèle a prefcrites!
Les intrigues des cours, les cris des factions,
Des humains que je fuis les triftes paffions,
N'ont point encor troublé nos retraites obfcures: (f)
Au dieu que nous fervons nous levons des mains pures.
Les débats des grands rois, prompts à fe diviser,
Ne font connus de nous que pour les appaifer;
Et nous ignorerions leurs grandeurs passagères,
Sans le fatal befoin qu'ils ont de nos prières.
Pour vous, pour Olimpie, & pour d'autres, Seigneur,
Je vais des immortels implorer la faveur.

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L'HIEROPHANT E.

En ces lieux ce moment la rappelle.

Voyez fi vous avez encor des droits fur elle.
Je vous laiffe.

(il fort & le temple s'ouvre.)

SCENE

I I I.

CASSANDRE, SOSTENE, STATIRA,

OLIMPIE.

CASSANDRE.

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LLE tremble, ô Ciel ! & je frémis !...

Quoi! vous baissez les yeux de vos larmes remplis !
Vous détournez de moi ce front où la nature
Peint l'ame la plus noble, & l'ardeur la plus pure!

OLIMPIE Je jetant dans les bras de fa mère.
Ah, barbare!... Ah, Madame!

CASSANDRE.

Expliquez-vous, parlez.

Dans quels bras fuyez-vous mes regards défolés?
Que m'a-t-on dit? pourquoi me causer tant d'alarmes?
Qui donc vous accompagne & vous baigne de larmes?
STATIRA Je dévoilant & fe retournant vers Cassandre.
Regarde qui je fuis.

CASSANDRE.

A fes traits.... à fa voix.... Mon fang fe glace!... où fuis-je ? & qu'eft-ce que je vois ?

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