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206 VARIANTES DU TRIUMVIRAT.

Julie aime Pompée, & par ce coup fanglant
Elle a voulu venger le fang de fon amant.
Dans l'école du meurtre elle s'eft introduite;
Elle en a profité; je vois qu'elle m'imite.
A N T O IN E.

Nous allons démêler le fil de ces complots.
О с T A V E.

Je fuis affez inftruit, & trop pour mon repos!
Je me vois détefté que favoir davantage?

On ne m'apprendra point un plus fenfible outrage.
JULIE.

(11) Je ne m'en défends plus : oui, je fuivais fa trace,
Oui, j'attachais mon fort à fa noble difgrace.
J'ai préféré Pompée, abandonné des dieux,
A Céfar fortuné, puiffant, victorieux.

Que me reprochez-vous? cent peuples en alarmes
Ou rampent fous vos fers, ou tombent fous vos armes ;
Le monde épouvanté reconnaît votre loi:

Au fils du grand Pompée il ne refte que moi.
Oui, mon cœur eft à lui; laiffez-lui fon partage;
Refpectez fes malheurs, refpectez fon courage.
J'ai voulu rapprocher, après tant de revers,
Deux noms aimés du ciel & chers à l'univers.
Dignes de notre race en héros fi féconde

Nous nous aimions tous deux pour le bonheur du monde.
Voilà mon crime, Octave; ofez-vous m'en punir?
Dans vos indignes fers m'ofez-vous retenir?
Quand Céfar a pleuré fur la cendre du père,
Portez-vous fur le fils une main fanguinaire?
Il l'honora dans Rome, & furtout aux combats.

Fin des Variantes.

LES

SCYTHES,

TRAGEDIE.

Représentée pour la première fois le 16 mars 1767.

DEDICATOIRE.

Il y avait autrefois en Perse un bon vieillard qui

cultivait fon jardin, car il faut finir par-là ; & ce jardin était accompagné de vignes & de champs; & paulum filva fuper his erat; & ce jardin n'était pas auprès de Perfépolis, mais dans une vallée immenfe entourée des montagnes du Caucase, couvertes de neiges éternelles ; & ce vieillard n'écrivait ni fur la population ni fur l'agriculture, comme on fefait par paffe-temps à Babylone, ville qui tire fon nom de Babil; mais il avait défriché des terres incultes, & triplé le nombre des habitans autour de fa

cabane.

Ce bon homme vivait fous Artaxercès, plufieurs années après l'aventure d'Obeide & d'Indatire; & il fit une tragédie en vers perfans, qu'il fit repréfenter par fa famille & par quelques bergers du mont Caucafe; car il s'amufait à faire des vers perfans affez paffablement, ce qui lui avait attiré de violens ennemis dans Babylone, c'est-à-dire, une demidouzaine de gredins qui aboyaient fans ceffe après lui, & qui lui imputaient les plus grandes platitudes, & les plus impertinens livres qui euffent jamais déshonoré la Perfe; & il les laiffait aboyer & griffonner, & calomnier; & c'était pour être loin de cette racaille qu'il s'était retiré avec fa famille auprès du Cacaufe, où il cultivait fon jardin.

Mais, comme dit le poëte perfan Horace, principibus placuiffe viris, non ultima laus eft. Il y avait à la Théâtre. Tom, V.

Q

cour d'Artaxercès un principal fatrape, & fon nom était Elochivis, comme qui dirait habile, généreux & plein d'efprit, tant la langue perfane a d'énergie. Non-feulement le grand fatrape Elochivis verfa fur le jardin de ce bon homme les douces influences de la cour, mais il fit rendre à ce territoire les libertés & franchises dont il avait joui du temps de Cyrus; & de plus il favorifa une famille adoptive du vieillard. La nation furtout lui avait une très-grande obligation de ce qu'ayant le département des meurtres, il avait travaillé avec le même zèle & la même ardeur que Nalrifp, ministre de paix, à donner à la Perse cette paix tant défirée; ce qui n'était jamais arrivé qu'à lui.

Ce fatrape avait l'ame auffi grande que Giafar le Barmécide, & Aboulcafem; car il eft dit dans les annales de Babylone, recueillies par Mir Kond, que lorfque l'argent manquait dans le tréfor du roi, appelé l'oreiller, Elochivis en donnait fouvent du fien ; & qu'en une année, il distribua ainfi dix mille dariques, que Dom Calmet évalue à une pistole la pièce. Il payait quelquefois trois cents dariques, ce qui ne valait pas trois afpres, & Babylone craignait qu'il ne fe ruinât en bienfaits.

Le grand fatrape Nalrifp joignait auffi au goût le plus fûr, & à l'efprit le plus naturel, l'équité & la bienfefance. Il fefait les délices de fes amis, & fon commerce était enchanteur; de forte que les Babyloniens, tous malins qu'ils étaient, refpectaient & aimaient ces deux fatrapes, ce qui était affez rare en Perfe.

Il ne fallait pas les louer en face; recalcitrabant

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