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cupations étrangères, il a médité sérieusement où il devoit porter ses inclinations: Cogitavi vias meas. Voilà une délibération bien posée; après quoi je ne m'étonne pas s'il a pris le meilleur parti, et s'il nous dit que le résultat de cette importante consultation a été de tourner ses pas du côté de la loi de Dieu : Et converti pedes meos in testimonia tua. Si tous les hommes délibéroient aussi soigneusement que David sur cette matière si nécessaire, je me persuade, mes Sœurs, qu'ils prendroient fort facilement une résolution semblable: et étant convaincu de ce sentiment, j'ai cru que cet entretien particulier que vous avez désiré de moi, contenteroit vos pieux désirs si je recherchois les raisons sur lesquelles David a pu appuyer cette résolution si bien digérée.

SERMON

POUR LE TEMPS DU JUBILÉ,

SUR LA PÉNITENCE (*).

Trois qualités de la pénitence opposées aux trois désordres da péché comment elles en sont le remède. Difficulté à recouvrer la justice perdue. Fidélité qu'exige l'amitié réconciliée. Funestes effets du mépris ou de l'abus de la pénitence.

Qui enim mortui sumus peccato, quomodo adhuc vivemus

in illo?

Nous qui sommes morts au péché, comment pourronsnous désormais y vivre? Rom. vi. 2.

JE

ne puis vous exprimer, chrétiens, combien est grande aujourd'hui la joie de l'Eglise. Cette grâce du Jubilé que vous avez si ardemment embrassée, cette piété exemplaire, ce zèle que vous avez témoigné dans la fréquentation des saints sacremens, satisfait infiniment cette bonne mère et si le père de ce prodigue voulut que toute sa maison fût en joie pour le retour d'un de ses enfans, quels sont les sentimens de l'Eglise voyant un si grand nombre des

(*) Ce sermon étant isolé, et n'appartenant à aucune suite de sermons, nous l'avons placé avant le carême, parce que le sujet qui y est traité, convient très-bien à ce saint temps. Edit. de Versailles.

siens ressuscités par la pénitence? Mais cette joie divine et spirituelle ne s'arrête pas sur la terre, elle passe jusqu'au ciel; et nous apprenons du Sauveur des ames, que la conversion des hommes pécheurs fait la solennité des esprits célestes, nos gémissemens font leur joie, et nos douleurs font leurs actions de grâces. Donc les larmes des pénitens sont si précieuses qu'elles sont recueillies en terre pour être portées jusque dans le ciel, et leur vertu est si grande qu'elle s'étend même jusque sur les anges: et ce qui est bien plus merveilleux, c'est qu'encore que l'innocence ait ses larmes, les anges estiment de plus grand prix celles que les péchés font répandre; et l'amertume de la pénitence a quelque chose de plus doux pour eux, que le miel de la dévotion. Que reste-t-il donc maintenant à faire, sinon de vous dire avec l'apôtre : « Nous qui sommes morts » au péché, pourrons-nous bien désormais y vivre »? nous, qui avons réjoui le ciel, pourrons-nous après cela réjouir l'enfer, et rendre inutile une pénitence qui a déjà pu porter ses fruits jusque dans la Jérusalem bienheureuse? Comprenez, pécheurs convertis, que vos larmes pénètrent le ciel, puisqu'elles y vont réjouir les anges: voyez combien les pleurs de la pénitence sont fructueux à ceux qui les versent, puisqu'ils le sont même aux intelligences célestes. Entendons dans notre Evangile quelle abondante satisfaction produira un jour en nous-mêmes l'affliction d'un cœur repentant, puisqu'elle en produit déjà dans les anges, auxquels le Fils de Dieu nous promet que sa grâce nous fera semblables. Et puisque ces sublimes esprits prennent tant de part à notre

bonheur, et qu'ils veulent bien se joindre avec nous par une société si étroite; joignons-nous aussi avec eux, et disons tous ensemble avec Gabriel l'un de leurs bienheureux compagnons, Ave, Maria.

APRÈS que la grâce du saint baptême nous ayant heureusement délivrés de la damnation du premier Adam, avoit si abondamment répandu sur nous les bénédictions du nouveau; après que cette seconde naissance, qui nous a ressuscités en notre Seigneur, avoit consacré pour toujours nos corps et nos ames à une sainte nouveauté de vie, il falloit certainement, chrétiens, que les hommes, régénérés par une si grande bonté de leur Créateur, honorassent la miséricorde divine en conservant soigneusement ses bienfaits, et gardassent éternellement l'innocence que le Saint-Esprit leur avoit rendue. Car puisque nous apprenons de l'apôtre, que cette eau salutaire et vivifiante qui nous a lavés au baptême, a détruit en nous le corps du péché, « pour nous exempter à » jamais de sa servitude »; Ut ultrà non serviamus peccato (1); y avoit-il rien de plus nécessaire que de nous maintenir dans la liberté que le sang de JésusChrist nous avoit acquise? et nous étant rengagés volontairement dans un si honteux esclavage après la sainteté du baptême, aurions-nous pas bien justement mérité que Dieu punît notre ingratitude par une entière soustraction de ses grâces?

Oui, sans doute, nous méritions, ayant violé le baptême, qu'on ne nous laissât plus aucune ressource; mais cette bonté qui n'a point de bornes (1) Rom. v1.6.

a

a traité plus favorablement la foiblesse humaine : elle a regardé d'un œil de pitié l'extrême fragilité de notre nature; et voyant que notre vie n'étoit autre chose qu'une continuelle tentation, elle a ouvert la porte de la pénitence, comme un second asile aux pécheurs, et une nouvelle espérance après le naufrage. Et encore que Dieu ait prévu que les hommes toujours ingrats abuseroient de la pénitence comme ils avoient fait du baptême, sa miséricorde ne s'est pas lassée : Jésus-Christ, qui a voulu que la pénitence nous tînt lieu en quelque sorte d'un second baptême, a mis entre ces deux sacremens cette différence notable, que le premier nous étant donné comme la nativité du fidèle, ne peut être reçu qu'une fois, parce qu'il n'y a qu'une naissance en esprit comme il n'y en a qu'une en la chair; et qu'au contraire le sacrement de la pénitence est mis entre les mains de l'Eglise comme une clef salutaire, par laquelle elle peut ouvrir le ciel aux pécheurs autant de fois qu'ils se convertissent. Je n'excepte rien, dit notre Sauveur : Tout ce que vous pardonnerez sur la terre, leur sera remis devant Dieu (1): pour nous faire voir par cette parole, que son Père n'est jamais si inexorable qu'il ne puisse être appaisé par la pénitence. Voilà comme la miséricorde divine ne cesse jamais de bien faire aux hommes: mais comme si notre malice avoit entrepris d'abuser de tous ses bienfaits, nous tournons à notre ruine tout ce qu'on nous présente pour notre salut.

En effet, qui ne voit par expérience que c'est la

(1) Matt, xvii. 18. Joan. xx. 23.

BOSSUET. XII.

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