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tiellement régulatrice. Il peut arriver qu'une caisse man que momentanément de fonds pour satisfaire à une demande de prêt. Une autre caisse au contraire a un tropplein dont elle ne sait que faire. Elles pourraient se venir en aide l'une à l'autre, l'une prêtant, l'autre empruntant, mais des opérations de ce genre souvent répétées créeraient de grandes complications de correspondance et de comptabilité. Raiffeisen reconnut de bonne heure la nécessité de mettre à la disposition des caisses un réservoir financier central. En 1869, il chercha à obtenir de l'administration prussienne que les caisses Raiffeisen fussent admises à entrer en relations avec les caisses publiques de districts de prêts et d'épargne, qui ellesmêmes étaient en relations avec la caisse provinciale de la Prusse rhénane. Mais l'administration n'y consentit pas, en ajoutant en guise de consolation qu'il était dans l'intérêt de l'institution Raiffeisen de rester indépendante et de créer par ses propres forces un établissement de crédit central. En 1872, Raiffeisen fondait la Banque rhénane de coopération agricole, et deux ans après vingtquatre caisses y étaient affiliées. Deux banques analogues furent établies en Westphalie et dans la Hesse. Comme aucune de ces banques n'était assez forte à elle seule, elles constituèrent entre elles la Banque générale agricole allemande. Cette organisation déplaisait à SchultzeDelitsch, et il craignait qu'elle ne compromît le mouvement coopératif général. En 1876, il prouva, dans une de ses interpellations au Reichstag, que les banques dont il vient d'être question n'avaient pas de base légale. Il fallut les dissoudre, et la même année Raiffeisen, toujours infatigable, les remplaça par une banque par actions, la << Caisse centrale de prêts agricoles,» avec siège à Neu

wied. Cette banque centrale fonctionne avec succès. Il n'y a d'autres actionnaires que des caisses Raiffeisen et le nombre de personnes physiques nécessaires pour constituer le conseil de surveillance. Toute caisse Raiffeisen qui veut devenir actionnaire doit prendre au moins 5 actions à 1000 marcs. Jusqu'au mois de juin de cette année, les caisses locales avaient souscrit 825 actions et le capital social atteignait 825 000 marcs. En 1887, le mouvement d'affaires a dépassé 4 millions, le bénéfice s'est élevé à 12 000 m. et le fond de réserve s'élève à 75 444 m., y compris un don de 30 000 m. que l'empereur Guillaume Ier a fait à la banque. Celle-ci ne fait d'affaires qu'avec les caisses Raiffeisen, qui trouvent dans cet établissement central le lien financier servant de réservoir aux unes et de déversoir aux autres.

Mais nous n'en avons pas fini encore avec les institutions centrales. Il existe à Neuwied depuis 1881 une raison sociale Raiffeisen et Cie. C'est une entreprise particulière en nom collectif, entièrement distincte des caisses Raiffeisen, quoique travaillant dans l'intérêt de de ces dernières et composée des personnes qui se trouvent à la tête de l'Union et de la banque centrale. Cette société, qui exploite entre autres une imprimerie et une agence de la Société mutuelle d'assurance sur la vie de Stuttgart, a été créée afin de procurer à Raiffeisen les ressources financières nécessaires pour l'Union centrale et le bureau du syndic-conseil; en 1887, par exemple, elle a contribué pour plus de 1600 m. aux frais de ce bureau. On a jeté sur la raison sociale Raiffeisen et Cie les suspicions les plus fâcheuses, mais il a été prouvé par la publication du contrat de société passé devant notaire, que le but en est purement philanthropique. Chacun des

associés s'est engagé à ne retirer pour sa mise de capital que l'intérêt usuel. La société a été créée pour soutenir les caisses constituées d'après le système Raiffeisen, et les bénéfices forment un fonds inaliénable qui ne peut être employé qu'au service des institutions philanthropiques du système Raiffeisen. « C'est extraordinaire, » dira-t-on. Oui, c'est extraordinaire, « mais, ajoutait M. Cremer au Congrès de Strasbourg, tout n'est-il pas extraordinaire dans l'oeuvre de Raiffeisen? Par la seule force de sa volonté et de sa conviction, et malgré les obstacles semés sur sa route, il a fondé parmi la classe agricole, où la méfiance est de rigueur, 400 sociétés de crédit reposant sur le principe de la garantie solidaire réciproque et illimitée. Ce serait un miracle, si l'on ne savait que la foi transporte les montagnes. >>

CONSTANT BODENHEIMER.

(La fin prochainement.)

EN TROIS SEMAINES

NOUVELLE

I

Voilà une affaire réglée, et réglée à mon entière satisfaction, reprit le majestueux directeur du Crédit international en se carrant dans son rond de cuir, la plus parfaite quadrature de cercle que l'on pût voir. Ce pauvre Desroches a bien fait de s'en aller; s'il avait vécu encore six mois, nos affaires dans l'extrême Orient étaient à vau-l'eau. Elles ne sont que compromises, et je compte sur vous pour les remettre en état. En attendant, mon cher Valcreux, j'aime à croire que vous êtes satisfait. Quel âge avez-vous?

Trente-deux ans.

A trente-deux ans, prendre la direction d'un comptoir aussi important que celui de Hongkong, avec cinquante mille francs d'appointements, c'est ce qu'on appelle avoir de la chance. A votre âge, je n'étais pas aussi avancé que cela. Sans compter que, lorsque vous reviendrez dans douze ans, si le conseil d'administra

tion est content de vous, je vous le dis en confidence, on vous réserve ici le poste de sous-directeur et ce bout de ruban que la France ne refuse jamais à ceux de ses enfants qui l'ont illustrée à l'étranger.

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Mon cher directeur, répondit le jeune homme en s'inclinant, je vous suis on ne peut plus reconnaissant. Mais croyez bien que je n'avais pas besoin de ces perspectives séduisantes pour être résolu à faire mon devoir, surtout quand il s'accorde si bien avec mes goûts. J'aime les voyages et les aventures; j'ai soif de voir le monde, un autre monde que celui de notre vieille Europe. Et vous savez, je compte apprendre le chinois. J'ai même déjà commencé.

Le chinois, pourquoi faire? Avec votre langue maternelle et l'anglais, que tous les commissionnaires sont tenus de connaître....

Ah! c'est que précisément je veux me servir le moins possible de ces intermédiaires. Ce sont toujours de fieffés coquins, à ce qu'on assure.

Allons, reprit le directeur en souriant, je ne veux pas refroidir un si beau zèle. Apprenez le chinois, si bon vous semble; l'essentiel, c'est que vous ayez le cœur à l'ouvrage; et je crois pouvoir y compter. A propos, où en sont vos affaires de cœur?

Lucien Valcreux fit un geste de surprise.

Mes affaires de cœur? Je vous demande pardon, mais je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

- De votre mariage, parbleu. Est-ce que vous n'allez pas vous marier un de ces jours? On m'avait parlé d'un projet d'alliance avec la famille d'un de nos agents de change.

Erreur complète; je ne songe pas le moins du monde à me marier; mes amis y songent assez pour

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