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Chateaubriand, avaient inauguré un mouvement dans lequel la part de l'initiative anglaise est très faible. Mais, au moment d'aborder le romantisme, nous rencontrons une autre nation, dont le rôle va désormais grandir en Europe: l'Allemagne.

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II. STURM UND DRANG (1750-1815). - La Prusse, Frédéric II. Sturm und Drang en littérature, romantisme. La Révolution et Napoléon, Confédération germanique (1815). — Goethe et Hegel.

III. AUTRICHE et Prusse (1815-1848). — L'Allemagne sous Metternich. Le Zollverein, les Constitutions, les Universités et la Prusse. Les romantiques français et l'Allemagne.

L'État français avait déjà pedru, en 1815, la prééminence mondiale. Mais, sur le continent, il gardait encore la première place. Il la gardait grâce au prestige des éblouissantes victoires de Napoléon. Il la gardait parce qu'il n'avait été arrêté dans son expansion, comme au temps de Louis XIV, que par une coalition générale :

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1. Lévy-Brühl, L'Allemagne depuis Leibnitz. A. Fischer, Goethe und Napoleon. E. Denis, L'Allemagne, 1810-1848. J. Texte, Les Origines de l'influence allemande dans la littérature française du XIXe siècle. Cons, De Goethe à Bismarck, 1910 (intéressant surtout au point de vue de la littérature, à laquelle l'auteur fait pourtant une place qu'elle n'a pas dans la réalité allemande).

Combien, au jour de la curée,

Étiez-vous de corbeaux contre l'aigle expirant?

Mais, au cours de cette lutte, des changements inquiétants avaient été provoqués. Les révolutionnaires et Napoléon étaient pleins de dédain pour les États du continent: Après tout, disait Napoléon, il n'y a vraiment que deux nations: la France et l'Angleterre; le reste n'existe pas. » Et tout le passé semblait justifier cette théorie: mais le présent la contredisait. Napoléon lui-même avait éveillé en Europe une foule d'âmes de peuples : il avait été au premier chef un « excitateur de nationalités » (M. Barrès). Or, parmi ces nationalités éveillées ou réveillées, l'une était singulièrement dangereuse pour l'hégémonie française : l'Allemagne. Nous sommes forcés de nous arrêter un instant sur elle, puisqu'à partir de ce moment son action va devenir de plus en plus sensible, et que c'est elle surtout qui se fortifiera de notre affaiblissement. Il ne faut pas craindre, pour la comprendre, de plonger dans le passé, car, là plus encore qu'en Angleterre, l'effort national s'est rattaché à la tradition.

I

Le passé allemand

L'Allemagne s'était dégagée en même temps que la France de l'unité carolingienne, et, dès le xe siècle, la dynastie saxonne lui donna l'aspect d'un État organisé. D'autre part, à partir du moment où les peuples de l'Est durent entrer dans la communauté chrétienne, ils se trouvèrent protégés contre l'expansion allemande, qui fut ainsi canalisée vers les populations païennes des bords de la Baltique (xıro siècle). Le royaume germanique du xe siècle sera l'idéal que tendra à réaliser de nouveau l'effort national allemand. Les colons établis dans les terres slaves de la Baltique seront

LE RETARD de l'allemagne

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l'instrument de cet effort. On voit comment ces faits lointains se rattachent par une chaîne lâche, mais continue, au grand événement historique du xixe siècle.

Mais, entre temps, l'histoire de la monarchie allemande fut déviée par un fait grave. En 962, le roi d'Allemagne recevait la couronne impériale, et dès lors son caractère de souverain national s'effaça de plus en plus devant ses prétentions de chef temporel de l'Europe sa lutte contre le Pape, par exemple, fut fatale à la collectivité dont il avait la garde. A partir du xue siècle, l'Allemagne n'est plus qu'un chaos sur lequel erre le fantôme des institutions impériales.

Une des dynasties locales, les Habsbourg, sut, à partir du xve siècle, rétablir en fait l'hérédité de la couronne impériale. Mais la fatalité voulut que ce fût précisément celle qui portait le plus de couronnes extra-allemandes, Bohême, Hongrie, Espagne. En outre, la Réforme fit le Habsbourg chef de parti : au xviie siècle, la préoccupation dominante de la plupart des princes, et de plus de la moitié des peuples d'Allemagne, fut de se garantir contre le souverain autrichien, resté le chef nominal du corps germanique. En même temps, les ravages épouvantables de la guerre issue de cet antagonisme (guerre de Trente Ans, 1618-1648) ont noué pour longtemps la civilisation allemande: on a pu dire que, vers 1700, le philosophe Leibnitz est << comme un soleil qui éclaire des déserts » (LévyBrühl).

C'est à ce moment que l'Allemagne s'est ouverte si largement à notre influence. Un instant elle oublia jusqu'à sa langue Frédéric II écrivait en français. Les hommes du xviie siècle ont eu l'illusion que cet état de choses était destiné à durer et même à s'accentuer. Ce qu'un Français avait dit des Anglais sous Louis XIV, un des administrateurs de Napoléon, qui n'était pas, à beaucoup près, un sot, Beugnot, le dit encore presque sérieusement des Allemands : à son avis, ils ne pourraient entrer pleinement dans le courant de la civilisation qu'en abandonnant leur

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