LES IDÉES DU XVIIIe SIÈCLE 371 ral, de la confiance en soi qu'ils avaient suscités, s'est prolongée jusqu'au milieu du XVIIIe siècle et même au delà. Nous avons essayé d'en montrer les résultats précis, solides, positifs. Il y en aura d'autres. Dès la fin du règne de Louis XIV, toute cette culture semble être empoisonnée par un souffle de révolte : il apparaît surtout dans la littérature, parce que les productions inférieures de la presse, pamphlets, libelles, gazettes, restent étroitement surveillées (exception faite pour les chansons). Signalons seulement, parmi mille indices de « l'esprit nouveau », la tendance à substituer à l'analyse des mœurs celle des institutions. Molière avait peint l'avare, le misanthrope; Lesage présente le traitant, auquel la détresse de la guerre de Succession avait donné un si fâcheux relief (Turcaret, 1709). Le drame purement psychologique trouvera encore des représentants, dont quelques-uns exquis (Marivaux, Jeux de l'Amour et du Hasard, 1730); mais souvent le théâtre va devenir une tribune. De cet esprit de révolte, le gouvernement était en partie responsable, surtout par sa politique religieuse. Une alliance de plus en plus étroite s'était conclue entre le catholicisme et la royauté. L'Église enseignait l'obéissance au pouvoir absolu du roi, le roi mettait la police au service de l'Église. Ce fut l'origine d'une animosité que la tolérance souvent extrême des deux pouvoirs, après 1715, ne désarmera pas. Cette littérature, à laquelle l'éclat du grand siècle avait donné droit de cité partout, allait donc colporter surtout des paroles de dénigrement systématique. Mais elle ne s'en tiendra pas longtemps à la négation : elle cherchera des principes à substituer aux traditionnelles conceptions sur lesquelles s'appuyait la monarchie française. Or, nous avons dit que le principal résultat de l'équilibre européen avait été d'assurer une exceptionnelle liberté à la vie intellectuelle de l'Europe. Au xvire siècle, les mécontents avaient eu devant les yeux la petite Hollande; au XVIII, ils trouveront presque une seconde patrie dans la puissante Angleterre. Là surtout s'élaboreront les idées que la prose française va recouvrir de son éclat encore intense 1: « Ce qu'on appelle les idées modernes, s'écrie le fougueux Nietzsche, ou les idées du XVIIIe siècle, ou encore les idées françaises, tout ce contre quoi l'esprit allemand s'est levé avec un profond dégoût, tout cela est incontestablement d'origine anglaise. Les Français ne furent que les singes et les acteurs de ces idées [nous dirons : les vulgarisateurs], comme ils en furent les meilleurs soldats, et malheureusement aussi les premières et les plus complètes victimes..... » 1. On a eu tort, je crois, de dire que « tout le xvme siècle est dans Fontenelle, et Fontenelle n'a rien d'Anglais « (Lanson). Précisément en lisant Fontenelle, on voit combien il est loin d'avoir devant les yeux et << derrière la tête » quelque chose à proposer, au lieu et place de l'ordre dont il plaisante les points faibles. SYNCHRONISMES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES de 1624 à 1789 Richelieu. Stances de Malherbe sur le siège de la Rochelle. Horace, Cinna, Polyeucte, le Menteur, de Corneille. Paix de Westphalie. La Fronde. Retz. Provinciales, de Pascal. 1659. Paix des Pyrénées. 1662. — L'École des femmes, de Molière. 1664. Procès de Fouquet. Lettres de Mme de Sévigné. 1665. Maximes de La Rochefoucauld. - -- Grands Jours d'Auvergne, de Fléchier. Guerre de Dévolution. Fables de La Fontaine (6 livres). Britannicus, de Racine. Tartufe, de Molière. Bérénice, de Racine. Oraison funèbre de Henriette d'Angleterre, de Bossuet. Guerre de Hollande. Femmes savantes, de Molière. Le Malade imaginaire, mort de Molière. Iphigénie, de Racine. Mort de Turenne. 1678. Paix de Nimègue. 1678. 1679. 1681. 1682. 1683. 1684. 1685. 1687. Princesse de Clèves, de Mãe de Lafayette. Politique tirée de l'Ecriture sainte, de Bossuet. - Fables, de La Fontaine. Discours sur l'Histoire universelle, de Bossuet. Déclaration des 4 articles. Les Turcs devant Vienne. - La Cour à Versailles. Révocation de l'Edit de Nantes. Oraison funèbre de Condé, de Bossuet. Newton publie la loi de gravitation. 1688. Histoire des Variations des Eglises prolestanles, 1689. 1691. - de Bossuet. Caractères de La Bruyère. Révolution d'Angleterre. Esther, de Racine. Athalie, de Racine. 1692. Bataille de la Hougue. 1694. 1695. Dictionnaire de l'Académie. Fénelon archevêque de Cambrai. 1697. Traité de Ryswick. Dictionnaire, de Bayle. Télémaque, de Fénelon. Acceptation de la succession d'Espagne. 1704. Mort de Bossuet. Lettres persanes, de Montesquieu. Mariage de Louis XV avec Marie Leczinska. Manon Lescaut, de Prévost. · Lettres philosophiques, de Voltaire. 1738. Paix de Vienne. SYNCHRONISMES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES 375 1740. 1743. 1745. -- 1748. 1749. - Frédéric II et Marie-Thérèse. Mérope, de Voltaire. Fontenoy. Paix d'Aix-la-Chapelle. Esprit des Lois, de Montesquieu. 1750. · Discours de J.-J. Rousseau sur les lettres, etc. 1751. 1754. Commencement de l'Encyclopédie, d'Alembert et Voltaire, Siècle de Louis XIV. Condillac, Traité des Sensations. 1756. Voltaire, Essai sur les mœurs. - Rosbach. Guerre dans l'Inde et au Canada. Nouvelle Héloïse, de J.-J. Rousseau. Contrat social, de J.-J. Rousseau. Lettre de Voltaire sur les «< arpents de neige ». - Chute de Choiseul. Mémoire, de Beaumarchais, contre la magistrature de Maupeou. 1775. – Barbier de Séville, de Beaumarchais. Mort de Voltaire et de Rousseau. Paix de Versailles. Mariage de Figaro, de Beaumarchais. 1789. · La Révolution. |