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Bonaparte se réfugie sur la flotte anglaise. Il écrit au prince

régent.

Malgré ces observations, l'empereur résolut de se livrer à ses vainqueurs. Le 13 juillet, Louis XVIII étant déjà à Paris depuis cinq jours, Napoléon envoya au capitaine du vaisseau anglais le Bellerophon cette lettre pour le Prince régent:

« Altesse Royale, en butte aux factions qui « divisent mon pays et à l'inimitié des plus «< grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme << Thémistocle, m'asseoir au foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de « ses lois, que je réclame de Votre Altesse

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Royale comme du plus puissant, du plus con«stant et du plus généreux de mes ennemis.

«Rochefort, 13 juillet 1815.»

Si Bonaparte n'avait pendant vingt ans accablé d'outrages le peuple anglais, son gouvernement, son roi et l'héritier de ce roi, on aurait pu trouver quelque convenance de ton dans cette lettre; mais comment cette Altesse Royale tant méprisée, tant insultée par Napoléon, estelle devenue tout à coup le plus puissant, le plus constant, le plus généreux des ennemis, par la seule raison qu'elle est victorieuse? Il ne pouvait pas être persuadé de ce qu'il disait; or ce qui n'est pas vrai n'est pas éloquent. La phrase exposant le fait d'une grandeur tombée

qui s'adresse à un ennemi est belle; l'exemplė banal de Thémistocle est de trop.

Il y a quelque chose de pire qu'un défaut de sincérité dans la démarche de Bonaparte; il y a oubli de la France: l'empereur ne s'occupa que de sa catastrophe individuelle; la chute arrivée, nous ne comptâmes plus pour rien à ses yeux. Sans penser qu'en donnant la préférence à l'Angleterre sur l'Amérique, son choix devenait un outrage au deuil de la patrie. Il sollicita un asile du gouvernement qui depuis vingt ans soudoyait l'Europe contre nous, de ce gouvernement dont le commissaire à l'armée russe, le général Wilson, pressait Kutuzoff, dans la retraite de Moscou, d'achever de nous exterminer les Anglais, heureux à la bataille finale, campaient dans le bois de Boulogne. Allez donc, ô Thémistocle, vous asseoir tranquillement au foyer britannique, tandis que la terre n'a pas encore achevé de boire le sang français versé pour vous à Waterloo! Quel rôle le fugitif, fêté peut-être, eût-il joué au bord de

la Tamise, en face de la France envahie, de Wellington devenu dictateur au Louvre? La haute fortune de Napoléon le servit mieux : les Anglais, se laissant emporter à une politique étroite et rancunière, manquèrent leur dernier triomphe; au lieu de perdre leur suppliant en l'admettant à leurs bastilles ou à leurs festins, ils lui rendirent plus brillante pour la postérité la couronne qu'ils croyaient lui avoir ravie. Il s'accrut dans sa captivité de l'énorme frayeur des puissances en vain l'Océan l'enchaînait, l'Europe armée campait au rivage, les yeux attachés sur la mer.

Bonaparte sur le Bellerophon. Torbay. Acte qui confine

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Il passe sur le Northumber

Le 15 juillet, l'Épervier transporta Bonaparte au Bellerophon. L'embarcation française était si petite, que du bord du vaisseau anglais on n'apercevait pas le géant sur les vagues. L'empereur, en abordant le capitaine Maitland, lui dit : « Je viens me mettre sous la protection

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