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« voix étrangères. J'ai donc fait taire toute es«pèce de sentiments et de considérations par«ticulières devant l'intérêt général ; j'ai préve« nu des démarches dont le premier effet devait « être de susciter parmi nous des divisions dan« gereuses, et de porter atteinte à la dignité du « trône. C'est le dernier service que j'aie rendu <«< ici avant mon départ; vous seul, monsieur le « vicomte, en aurez la connaissance; la confi«dence vous en était due, et je connais trop la

noblesse de votre caractère pour n'être pas « bien sûr que vous me garderez le secret, et « que vous trouverez ma conduite, dans cette « circonstance, conforme aux sentiments que « vous avez le droit d'exiger de ceux que vous « honorez de votre estime et de votre amitié. « Adieu, monsieur le vicomte: si les rap« ports que j'ai eu le bonheur d'avoir avec vous <«< ont pu vous donner une idée juste de mon «< caractère, vous devez savoir que ce ne sont point les changements de situation qui peu« vent influencer mes sentiments, et vous ne

« douterez jamais de l'attachement et du dé« vouement de celui qui, dans les circonstances • actuelles, s'estime le plus heureux des hom« mes d'être placé par l'opinion au nombre de << vos amis.

« LA FERRONNAYS.

« MM. de Fontenay et de Pontcarré sentent << vivement le prix du souvenir que vous voulez << bien leur conserver: témoins, ainsi que moi, de l'accroissement de considération que la « France avait acquis depuis votre entrée au « ministère, il est tout simple qu'ils partagent mes sentiments et mes regrets. »

Neuchâtel en Suisse.

Je commençai le combat de ma nouvelle opposition immédiatement après ma chute; mais il fut interrompu par la mort de Louis XVIII, et il ne reprit vivement qu'après le sacre de Charles X. Au mois de juillet, je rejoignis à Neuchâtel madame de Chateaubriand qui était allée m'y attendre. Elle avait loué une ca

VI.

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bane au bord du lac. La chaîne des Alpes se déroulait nord et sud à une grande distance devant nous; nous étions adossés contre le Jura dont les flancs noircis de pins montaient à pic sur nos têtes. Le lac était désert; une galerie de bois me servait de promenoir. Je me souvenais de milord Mareschal. Quand je montais au sommet du Jura, j'apercevais le lac de Bienne aux brises et aux flots de qui J.-J. Rousseau doit une de ses plus heureuses inspirations. Madame de Chateaubriand alla visiter Fribourg et une maison de campagne que l'on nous avait dit charmante, et qu'elle trouva glacée, quoiqu'elle fût surnommée la Petite Provence. Un maigre chat noir, demi-sauvage, qui pêchait de petits poissons en plongeant sa patte dans un grand seau rempli de l'eau du lac, était toute ma distraction. Une vieille femme tranquille, qui tricotait toujours, faisait, sans bouger de sa chaise, notre festin dans une huguenote. Je n'avais pas perdu l'habitude du repas du rat des champs.

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