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Départ de Gand. - Arrivée à Mons.-Je manque ma première occasion de fortune dans ma carrière politique. M. de Talleyrand à Mons. Scène avec le Roi.

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bêtement à M. de Talleyrand.

Je m'intéresse

Tandis que Bonaparte se retirait à la Malmaison avec l'Empire fini, nous, nous partions de Gand avec la monarchie recommençante. Pozzo, qui savait combien il s'agissait peu de la légitimité en haut lieu, se hâta d'écrire à Louis XVIII de partir et d'arriver vite, s'il voulait régner avant que la place fût prise:

c'est à ce billet que Louis XVIII dut sa couronne en 1815.

A Mons, je manquai la première occasion de fortune de ma carrière politique; j'étais mon propre obstacle et je me trouvais sans cesse sur mon chemin. Cette fois, mes qualités me jouèrent le mauvais tour que m'auraient pu faire mes défauts.

M. de Talleyrand, dans tout l'orgueil d'une négociation qui l'avait enrichi, prétendait avoir rendu à la légitimité les plus grands services et il revenait en maître. Étonné que déjà on n'eût point suivi pour le retour à Paris la route qu'il avait tracée, il fut bien plus mécontent de retrouver M. de Blacas avec le Roi. Il regardait M. de Blacas comme le fléau de la monarchie; mais ce n'était pas là le vrai motif de son aversion: il considérait dans M. de Blacas le favori, par conséquent le rival ; il craignait aussi Monsieur et s'était emporté lorsque, quinze jours auparavant, Monsieur lui avait fait offrir son hôtel sur la Lys. Demander l'é

loignement de M. de Blacas, rien de plus naturel; l'exiger, c'était trop se souvenir de Bonaparte.

nue,

M. de Talleyrand entra dans Mons vers les six heures du soir, accompagné de l'abbé Louis M. de Ricé, M. de Jaucourt et quelques autres commensaux, volèrent à lui. Plein d'une humeur qu'on ne lui avait jamais vue, l'humeur d'un roi qui croit son autorité méconil refusa de prime abord d'aller chez Louis XVIII, répondant à ceux qui l'en pressaient par sa phrase ostentatrice : « Je ne suis « jamais pressé; il sera temps demain. » Je l'allai voir; il me fit toutes ces cajoleries avec lesquelles il séduisait les petits ambitieux et les niais importants. Il me prit par le bras, s'appuya sur moi en me parlant : familiarités de haute faveur, calculées pour me tourner la tête, et qui étaient, avec moi, tout à fait perdues; je ne comprenais même pas. Je l'invitai à venir chez le Roi où je me rendais.

Louis XVIII était dans ses grandes douleurs :

il s'agissait de se séparer de M. de Blacas; celui-ci ne pouvait rentrer en France; l'opinion était soulevée contre lui; bien que j'eusse' eu à me plaindre du favori à Paris, je ne lui en avais témoigné à Gand aucun ressentiment. Le Roi m'avait su gré de ma conduite; dans son attendrissement, il me traita à merveille. On lui avait déjà rapporté les propos de M. de Talleyrand : « Il se vante, me dit-il, de m'avoir remis une <<< seconde fois la couronne sur la tête et il me « menace de reprendre le chemin de l'Alle« magne : qu'en pensez-vous, M. de Cha« teaubriand? » Je répondis : « On aura mal << instruit Votre Majesté; M. de Talleyrand est « seulement fatigué. Si le Roi y consent, je re<< tournerai chez le ministre. » Le Roi parut bien aise; ce qu'il aimait le moins, c'étaient les tracasseries; il désirait son repos aux dépens même de ses affections.

M. de Talleyrand au milieu de ses flatteurs était plus monté que jamais. Je lui représentai qu'en un moment aussi critique, il ne pouvait

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