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• qu'en menant le soldat français au combat il n'y avait rien à craindre; qu'il ne sera jamais • infidèle à la vue du drapeau de l'ennemi; que * notre armée vient d'être augmentée; qu'elle ⚫ serait triplée demain, si cela était nécessaire, « sans le moindre inconvénient, qu'à la vérité «quelques sous-officiers pouraient crier vive • la Charte dans une garnison, mais que nos grenadiers crieraient toujours vive le Roi sur ⚫le champ de bataille.

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Je ne sais si cette grande politique a fait * oublier à Lord Londonderry la traite des nè« gres; il ne m'en a pas dit un mot. Changeant

de sujet, il m'a parlé du message par lequel ⚫ le président des États-Unis engage le congrès * à reconnaître l'indépendance des colonies espagnoles. « Les intérêts commerciaux, lui

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ai-je dit, en pourront tirer quelque avantage, mais je doute que les intérêts politiques y • trouvent le même profit; il y a déjà assez • d'idées républicaines dans le monde. Aug• menter la masse de ces idées, c'est compro

« mettre de plus en plus le sort des monarchies « en Europe. » Lord Londonderry a abondé

« dans mon sens, et il m'a dit ces mots remar

«

quables : « Quant à nous (les Anglais), nous « ne sommes nullement disposés à reconnaître « ces gouvernements révolutionnaires. » Était⚫ il sincère?

"

« J'ai dû, monsieur le vicomte, vous rappe«<ler textuellement une conversation impor<< tante. Toutefois, nous ne devons pas nous << dissimuler que l'Angleterre reconnaîtra tôt ou tard l'indépendance des colonies. espagno« les; l'opinion publique et le mouvement de << son commerce l'y forceront. Elle a déjà fait, depuis trois ans, des frais considérables pour « établir secrètement des relations avec les provinces insurgées au midi et au nord de «<l'isthme de Panama.

◄ En résumé, monsieur le vicomte, j'ai trouvé « dans M. le marquis de Londonderry un homme d'esprit, d'une franchise peut-être un peu douteuse; un homme encore imbu du vieux

« système ministériel; un homme accoutumé à « une diplomatie soumise, et surpris, sans en « être blessé, d'un langage plus digne de la « France; un homme enfin qui ne pouvait se « défendre d'une sorte d'étonnement en cau<< sant avec un de ces royalistes que, depuis « sept ans, on lui représentait comme des fous ou des imbéciles.

« J'ai l'honneur, etc. »

A ces affaires générales étaient mêlées, comme dans toutes les ambassades, des transactions particulières. J'eus à m'occuper des requêtes de M. le duc de Fitz-James, du procès du navire anglais l'Eliza-Ann, des déprédations des pêcheurs de Jersey sur les bancs d'huîtres de Granville, etc., etc. Je regrettais d'être obligé de consacrer une petite case de ma cervelle aux dossiers des réclamants. Quand on fouille dans sa mémoire, il est dur de rencontrer MM. Usquin, Coppinger, Deliège et Piffre. Mais, dans quelques années,

serons-nous plus connus que ces messieurs? Un certain M. Bonnet étant mort en Amérique, tous les Bonnet de France m'écrivirent pour réclamer sa succession; ces bourreaux m'écrivent encore ! Il serait temps toutefois de me laisser tranquille. J'ai beau leur répondre que le petit accident de la chute du trône étant survenu, je ne m'occupe plus de ce monde: ils tiennent bon et veulent hériter coûte que coûte.

Quant à l'Orient, il fut question de rappeler les divers ambassadeurs de Constantinople. Je prévis que l'Angleterre ne suivrait pas le mouvement de l'alliance continentale ; je l'annonçai à M. de Montmorency. La rupture qu'on avait crainte entre la Russie et la Porte n'arriva pas : la modération d'Alexandre retarda l'événement. Je fis à ce propos une grande dépense d'allées et venues, de sagacité et de raisonnement; j'écrivis maintes dépêches qui sont allées moisir dans nos archives avec le rendu-compte d'événements non advenus. J'avais du moins l'avantage sur mes collègues de ne mettre au

cune importance à mes travaux ; je les voyais sans souci s'engloutir dans l'oubli avec toutes les idées perdues des hommes.

Le Parlement reprit ses séances lẹ 17 avril; le roi revint le 18, et je lui fus présenté le 19. Je rendis compte de cette présentation dans ma dépêche du 19; elle se terminait ainsi :

« S. M. B., par sa conversation serrée et variée, ne m'a pas laissé le maître de lui dire « une chose dont le Roi m'avait spécialement <«< chargé; mais l'occasion favorable et pro«< chaine d'une nouvelle audience va se pré

« senter. »

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