Page images
PDF
EPUB

Berlin, 1821.

Mémoire commencé sur l'Allemagne.

On enjoignait aux ambassadeurs d'écrire, pendant leur séjour à l'étranger, un mémoire sur l'état des peuples et des gouvernements auprès desquels ils étaient accrédités. Cette suite de mémoires pouvait être utile à l'histoire. Aujourd'hui on fait les mêmes injonc

tions, mais presque aucun agent diplomatique

ne s'y soumet. J'ai été trop peu trop peu de temps dans mes ambassades pour mettre à fin de longues études, néanmoins je les ai ébauchées; ma patience au travail n'a pas entièrement été stérile. Je trouve cette esquisse commencée de mes recherches sur l'Allemagne :

«

Après la chute de Napoléon, l'introduction « des gouvernements représentatifs dans la « confédération germanique a réveillé en Alle« magne ces premières idées d'innovation que « la révolution y avait d'abord fait naître. Elles y ont fermenté quelque temps avec une grande violence on avait appelé la jeua nesse à la défense de la patrie par une pro« messe de liberté ; cette promesse avait été « avidement reçue par des écoliers qui trou<< vaient dans leurs maîtres le penchant que les ❝ sciences ont eu dans ce siècle à seconder les a théories libérales. Sous le ciel de la Germa

nie, cet amour de la liberté devint une es

pèce de fanatisme sombre et mystérieux qui

« se propagea par des associations secrètes. « Sand vint effrayer l'Europe. Cet homme, au • reste, qui révélait une secte puissante, n'é« tait qu'un enthousiaste vulgaire ; il se trompa << et prit pour un esprit transcendant un esprit «< commun : son crime s'alla perdre sur un « écrivain dont le génie ne pouvait aspirer à

l'empire, et n'avait pas assez du conquérant << et du roi pour mériter un coup de poignard.

« Une espèce de tribunal d'inquisition politi" que et la suppression de la liberté de la presse «< ont arrêté ce mouvement des esprits; mais il ne • faut pas croire qu'ils en aient brisé le ressort. L'Allemagne comme l'Italie désire aujourd'hui « l'unité politique, et avec cette idée qui restera « dormante plus ou moins de temps, selon les ⚫ évènements et les hommes, on pourra toujours << en la réveillant, être sûr de remuer les peuples

germaniques. Les princes ou les ministres qui " pourront paraître dans les rangs de la Confé« dération des États allemands hâteront ou re<tarderont la révolution dans ce pays, mais ils

« n'empêcheront point la race humaine de se dé«velopper: chaque siècle a sa race. Aujourd'hui « il n'y a plus personne en Allemagne, ni même « en Europe: on est passé des géants aux nains, « et tombé de l'immense dans l'étroit et le borné. « La Bavière, par les bureaux qu'a formés M. de

[ocr errors]

Montgelas, pousse encore aux idées nouvelles, « quoiqu'elle ait reculé dans la carrière, tandis « que le Landgraviat de Hesse n'admettait pas « même qu'il y eût une révolution en Europe. Le << prince qui vient de mourir voulait que ses sol

dats, naguère soldats de Jérôme Bonaparte, « portassent de la poudre et des queues; il pre<< nait les vieilles modes pour les vieilles mœurs, << oubliant qu'on peut copier les premières, mais « qu'on ne rétablit jamais les secondes. »

Charlottenbourg.

A Berlin et dans le Nord, les monuments sont des forteresses; leur seul aspect serre le cœur. Qu'on retrouve ces places dans des pays habités et fertiles, elles font naître l'idée d'une légitime défense; les femmes et les enfants, assis ou jouant à quelque distance des sentinelles,

« PreviousContinue »