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à une personne très-bien née, fille de M. de Saint-Aulaire. Il est vrai que M. Decazes servait trop bien la royauté; ce fut lui qui déterra le maréchal Ney dans les montagnes d'Auvergne où il s'était caché.

Fidèle aux inspirations de son trône, Louis XVIII disait de M. Decazes : « Je l'élève« rai si baut qu'il fera envie aux plus grands ་ seigneurs.» Ce mot, emprunté d'un autre Roi, n'était qu'un anachronisme : pour élever les autres il faut être sûr de ne pas descendre; or, au temps où Louis XVIII était arrivé, qu'était-ce que les monarques? S'ils pouvaient encore faire la fortune d'un homme, ils ne pouvaient en faire la grandeur; ils n'étaient plus que les banquiers de leurs favoris.

Madame Princeteau, sœur de M. Decazes, était une agréable, modeste et excellente personne; le Roi s'en était amouraché en perspective. M. Decazes le père, queje v isdans la salle du trône en habit habillé, l'épée au côté, chapeau sous le bras, n'eut cependant aucun succès.

Enfin la mort de M. le duc de Berry accrut les inimitiés de part et d'autre et amena la chute du favori. J'ai dit que les pieds lui glissèrent dans le sang, ce qui ne signifie pas, à Dieu ne plaise ! qu'il fut coupable du meurtre, mais qu'il

tomba dans la mare rougie qui se forma sous le couteau de Louvel.

Je suis rayé de la liste des ministres d'État.

livres et ma Vallée.

Je vends mes

J'avais résisté à la saisie de la Monarchie selon la Charte pour éclairer la Royauté abusée et pour soutenir la liberté de la pensée et de la presse ; j'avais embrassé franchement nos institutions et j'y suis resté fidèle.

Ces tracasseries passées, je demeurai sai

VII.

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gnant des blessures qu'on m'avait faites à l'apparition de ma brochure. Je ne pris pas possession de ma carrière politique sans porter les cicatrices des coups que je reçus en entrant dans cette carrière : je m'y sentais mal, je n'y pouvais respirer.

Peu de temps après, une ordonnance contresignée Richelieu me raya de la liste des ministres d'État, et je fus privé d'une place réputée jus qu'alors inamovible; elle m'avait été donnée à Gand, et la pension attachée à cette place me fut retirée : la main qui avait pris Fouché me frappa.

J'ai eu l'honneur d'être dépouillé trois fois pour la légitimité: la première, pour avoir suivi les fils de saint Louis dans leur exil; la seconde, pour avoir écrit en faveur des principes de la monarchie octroyée ; la troisième, pour m'être tu sur une loi funeste au moment que je venais de faire triompher nos armes la campagne d'Espagne avait rendu des soldats au drapeau blanc, et si j'avais été maintenu au pouvoir,

j'aurais reporté nos frontières aux rives du Rhin.

Ma nature me rendit parfaitement insensible à la perte de mes appointements; j'en fus quitte pour me remettre à pied et pour aller, les jours de pluie, en fiacre à la Chambre des pairs. Dans mon équipage populaire, sous la protection de la canaille qui roulait autour de moi, je rentrai dans les droits des prolétaires dont je fais partie : du haut de mon char je domine le train des rois.

Je fus obligé de vendre mes livres M. Merlin les exposa à la criée, à la salle Sylvestre, rue des Bons-Enfants. Je ne gardai qu'un petit Homère grec, à la marge duquel se trouvaient des essais de traductions et des remarques écrites de ma main. Bientôt il me fallut tailler dans le vif; je demandai à M. le ministre de l'intérieur la permission de mettre en loterie ma maison de campagne : la loterie fut ouverte chez M. Denis, notaire. Il y avait quatre-vingtdix billets à 1,000 francs chaque : les numéros

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