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« souffrances. » Ainsi jusque dans l'autre hémisphère les imprécations de la liberté attendaient celui qui la trahit.

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Manzoni. Maladie de Bonaparte. Ossian. Rêveries de Napoléon à la vue de la mer. - Projets d'enlèvement.

Dernière occupation de Bonaparte.-Il se couche et ne se relève plus. Il dicte son testament. -Sentiments religieux de Napoléon.-L'aumônier Vignali. -Napoléon apostrophe

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Il reçoit les derniers sacre

L'Italie, arrachée à son long sommeil par Napoléon, tourna les yeux vers l'illustre enfant qui la voulut rendre à sa gloire et avec lequel elle était retombée sous le joug. Les fils des Muses, les plus nobles et les plus reconnais

sants des hommes, quand ils n'en sont pas les plus vils et les plus ingrats, regardaient SainteHélène. Le dernier poëte de la patrie de Virgile chantait le dernier guerrier de la patrie de César :

"

Tutto ei provò, la gloria
Maggior dopo il periglio,
La fuga e la vittoria,

La reggia e il triste esiglio :
Due volte nella polvere,
Due volte sugli altar.

Ei si nomò: due secoli,
L'un contro l'altro armato,
Sommessi a lui si volsero,
Come aspettando il fato :
Ei fè silenzio ed arbitro
S'assise in mezzo a lor.

« Il éprouva tout, dit Manzoni, la gloire plus

grande après le péril, la fuite et la victoire, « la royauté et le triste exil, deux fois dans la poudre, deux fois sur l'autel.

« Il se nomma: deux siècles l'un contre « l'autre armés se tournèrent vers lui, comme

«< attendant leur sort: il fit silence, et s'assit << arbitre entre eux. »

Bonaparte approchait de sa fin; rongé d'une plaie intérieure, envenimée par le chagrin, il l'avait portée, cette plaie, au sein de la prospérité : c'était le seul héritage qu'il eût reçu de son père; le reste lui venait des munificences de Dieu.

Déjà il comptait six années d'exil; il lui avait fallu moins de temps pour conquérir l'Europe. Il restait presque toujours renfermé, et lisait Ossian de la traduction italienne de Cesarotti. Tout l'attristait sous un ciel où la vie semblait plus courte, le soleil restant trois jours de moins dans cet hémisphère que dans le nôtre. Quand Bonaparte sortait, il parcourait des sentiers scabreux que bordaient des aloès et des genêts odoriférants. Il se promenait parmi les gommiers à fleurs rares que les vents généraux faisaient pencher du même côté, ou il se cachait dans les gros nuages qui roulaient à terre. On le voyait assis sur les bases du pic de Diane, du Flay Staff, du Leader Hill, contemplant la mer par les brèches des montagnes.

Devant lui se déroulait cet Océan qui d'une part baigne les côtes de l'Afrique, de l'autre les rives américaines, et qui va, comme un fleuve sans bords, se perdre dans les mers australes. Point de terre civilisée plus voisine que le cap des Tempêtes. Qui dira les pensées de ce Prométhée déchiré vivant par la mort, lorsque, la main appuyée sur sa poitrine douloureuse, il promenait ses regards sur les flots? Le Christ fut transporté au sommet d'une montagne d'où il aperçut les royaumes du monde; mais pour le Christ il était écrit au séducteur de l'homme : « Tu ne tenteras point le Fils de « Dieu. >>

Bonaparte, oubliant une pensée de lui, que j'ai citée (Ne m'étant pas donné la vie, je ne me l'ôterai pas), parlait de se tuer; il ne se souvenait plus aussi de son ordre du jour à propos du suicide d'un de ses soldats. Il espérait assez dans l'attachement de ses compagnons de captivité pour croire qu'ils consentiraient à s'étouffer avec lui à la vapeur d'un

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