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Le voici.

Mais à sa perte

Le héros fut entraîné.

Lui, qu'un pape a couronné,
Est mort dans une île déserte.
Longtemps aucun ne l'a cru;
On disait: Il va paraître :
Par mer il est accouru;
L'étranger va voir son maître.
Quand d'erreur on nous tira,
Ma douleur fut bien amère,
Fut bien amère !

-Dieu vous bénira, grand'mère,

Dieu vous bénira.

BÉRANGER.

73.-La Sainte Alliance des Peuples.

J'ai vu la Paix descendre sur la terre,
Semant de l'or, des fleurs et des épis.
L'air était calme, et du dieu de la guerre
Elle étouffait les foudres assoupis.

"Ah!" disait-elle, "égaux par la vaillance,
Français, Anglais, Belge, Russe ou Germain,
Peuples, formez une sainte alliance,

Et donnez-vous la main.

"Pauvres mortels, tant de haine vous lasse ;
Vous ne goûtez qu'un pénible sommeil.
D'un globe étroit divisez mieux l'espace;
Chacun de vous aura place au soleil.
Tous attelés au char de la puissance,
Du vrai bonheur vous quittez le chemin.
Peuples, formez une sainte alliance,
Et donnez-vous la main.

"Chez vos voisins vous portez l'incendie !
L'aquilon souffle, et vos toits sont brûlés,
Et quand la terre est enfin refroidie,
Le soc languit sous des bras mutilés.
Près de la borne où chaque état commence,
Aucun épi n'est pur de sang humain.
Peuples, formez une sainte alliance,
Et donnez-vous la main.

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"Oui, libre enfin, que le monde respire;
Sur le passé jetez un voile épais,

Semez vos champs aux accords de ma lyre ;
L'encens des arts doit brûler pour la paix.
L'espoir riant, au sein de l'abondance,
Accueillera les doux fruits de l'hymen.
Peuples, formez une sainte alliance,
Et donnez-vous la main."

Ainsi parlait cette vierge adorée,
Et plus d'un roi répétait ses discours.
Comme au printemps la terre était parée;
L'automne en fleurs rappelait les amours.
Pour l'étranger coulez, bons vins de France:
De sa frontière il reprend le chemin.
Peuples, formons une sainte alliance,
Et donnons-nous la main.

BÉRANGER.

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74.-La Marseillaise.

Allons, enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé;
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé.
Entendez-vous dans ces campagnes
Mugir ces féroces soldats?

Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes!

Aux armes, citoyens! formez vos bataillons!
Marchons, marchons !

Qu'un sang impur abreuve nos sillons!

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Que veut cette horde d'esclaves,

De traîtres, de rois conjurés ?

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Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés?
Français, pour nous, ah! quel outrage!
Quels transports il doit exciter!
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage.
Aux armes citoyens! etc. etc.

Quoi! ces cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers?
Quoi! des phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers ?
Grand Dieu! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient !
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées.
Aux armes, citoyens ! etc. etc.

Tremblez, tyrans, et vous perfides,
L'opprobre de tous les partis,
Tremblez, vos projets parricides
Vont enfin recevoir leur prix !

Tout est soldat pour vous combattre ;
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux
Contre vous tout prêts à se battre !
Aux armes, citoyens ! etc. etc.

Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups;

Épargnez ces tristes victimes
A regret s'armant contre nous;
Mais ces despotes sanguinaires,
Mais les complices de Bouillé,
Tous ces tigres qui sans pitié
Déchirent le sein de leurs mères !

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Aux armes, citoyens ! etc. etc.

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Liberté, Liberté chérie,

Combats avec tes défenseurs !
Sous nos drapeaux que la Victoire
Accoure à tes mâles accents;
Que tes ennemis expirants

Voient ton triomphe et notre gloire! . . .
Aux armes, citoyens! formez vos bataillons!
Marchons, marchons !

Qu'un sang impur abreuve nos sillons!

ROUGET DE L'ISLE.

75.-Partant pour la Syrie.

Partant pour la Syrie,
Le jeune et beau Dunois
Venait prier Marie
De bénir ses exploits.
Faites, reine immortelle,
Lui dit-il en partant,
Que j'aime la plus belle,
Et sois le plus vaillant.

Il trace sur la pierre
Le serment de l'honneur,
Et va suivre à la guerre
Le comte son seigneur.
Au noble vœu fidèle,
Il dit, en combattant:
Amour à la plus belle !
Honneur au plus vaillant !

"Je te dois la victoire,
Dunois," dit le seigneur.
"Puisque tu fais ma gloire,
Je ferai ton bonheur.
De ma fille Isabelle
Sois l'époux à l'instant,
Car elle est la plus belle,
Et toi le plus vaillant."

A l'autel de Marie,
Ils contractent tous deux

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Qui frappe l'air, bon Dieu! de ces lugubres cris?
Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ?
Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières,
Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ?
J'ai beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi ;
Je pense qu'avec eux tout l'enfer est chez moi.
L'un miaule en grondant comme un tigre en furie ;
L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie.
Ce n'est pas tout encor. Les souris et les rats
Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure.

Tout conspire à la fois à troubler mon repos,
Et je me plains ici du moindre de mes maux ;
Car à peine les coqs, commençant leur ramage,
Auront de cris aigus frappé le voisinage,
Qu'un affreux serrurier, laborieux Vulcain,
Qu'éveillera bientôt l'ardente soif du gain,
Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête,
De cent coups de marteau me va fendre la tête.
J'entends déjà partout les charrettes courir,
Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir;
Tandis que dans les airs mille cloches émues
D'un funèbre concert font retentir les nues,
Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents,
Pour honorer les morts font mourir les vivants.
Encor je bénirais la bonté souveraine,

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Si le ciel à ces maux avait borné ma peine.
Mais si seul en mon lit je peste avec raison,

C'est encor pis vingt fois en quittant la maison.

En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse

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