Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras, Arbitre expert sur tous les cas. Jean lapin pour juge l'agrée. Les voilà tous deux arrivés Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Hes enfants, approchez, Approchez je suis sourd, les ans en sont la cause. L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose. Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apòtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre. Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois Les petits souverains se rapportant aux rois.
LA TÊTE ET LA QUEUE DU SERPENT
Le serpent a deux parties Du genre humain ennemies, Tête et queue; et toutes deux Ont acquis un nom fameux Auprès des Parques cruelles : Si bien qu'autrefois entre elles Il survint de grands débats Pour le pas,
La tête avait toujours marché devant la queue. La queue au ciel se plaignit,
Je fais mainte et mainte lieue Comme il plait à celle-ci :
Croit-elle que toujours j'en veuille user ainsi?
humble servante.
On m'a faite, Dieu merci,
Sa sœur et non
Toutes deux de même sang,
Traitez-nous de même sorte: qu'elle je porte
Un poison prompt et puissant. Enfin, voilà ina requête : C'est à vous de commander Qu'on me laisse précéder, A mon tour, ma sœur la tête. Je la conduirai si bien
Qu'on ne se plaindra de rien.
Le ciel eut pour ces voeux une bonté cruelle. Souvent sa complaisance a de méchants effets. Il devrait étre sourd aux aveugles souhaits. 1 ne le fut pas lors ; et la guide 2 nouvelle, Qui ne voyait, au grand jour,
Pas plus clair que dans un four, Donnait tantôt contre un marbre, Contre un passant, contre un arbre :
Droit aux ondes du Styx elle mena sa sœur.
Malheureux les États tombés dans son erreur !
UN ANIMAL DANS LA LUNE
Pendant qu'un philosophe assure
Que toujours par leurs sens les hommes sont dupés, Un autre philosophe jure
Qu'ils ne nous ont jamais trompés.
Tous les deux ont raison; et la philosophie Dit vrai quand elle dit que les sens tromperont Tant que sur leur rapport les hommes jugeront; Mais aussi, si l'on rectifie L'image de l'objet sur son éloignement, Sur le milieu qui l'environne,
Sur l'organe et sur l'instrument, Les sens ne tromperont personne.
La nature ordonna ces choses sagement : J'en dirai quelque jour les raisons amplement. J'aperçois le soleil: quelle en est la figure? Ici-bas ce grand corps n'a que trois pieds de tour : Mais si je le voyais là-haut dans son séjour, Que serait-ce à mes yeux que l'œil de la nature ? Sa distance me fait juger de sa grandeur; Sur l'angle et les côtés ma main la détermine. L'ignorant le croit plat; j'épaissis sa rondeur : Je le rends immobile, et la terre chemine. Bref, je démens mes yeux en toute sa machine : Ce sens ne me nuit point par son illusion. Mon âme, en toute occasion, Développe le vrai caché sous l'apparence; Je ne suis point d'intelligence
Avecque mes regards peut-être un peu trop prompts, Ni mon oreille, lente à m'apporter les sons. Quand l'eau courbe un bâton, ma raison le redresse: La raison décide en maitresse.
Mes yeux, moyennant ce secours,
e me trompent jamais en me mentant toujours, Si je crois leur rapport, erreur assez commune : Une tête de femme est au corps de la lune.
Y peut-elle être ? Non. D'où vient donc cet objet? Quelques lieux inégaux font de loin cet effet. La lune nulle part n'a sa surface unie : Montueuse en des lieux, en d'autres aplanie, L'ombre avec la lumière y peut tracer souvent Un homme, un bœuf, un éléphant. Naguère l'Angleterre y vit chose pareille. La lunette placée, un animal nouveau Parut dans cet astre si beau;
Et chacun de crier merveille.
Il était arrivé là-haut un changement Qui présageait sans doute un grand événement. Savait-on si la guerre entre tant de puissances N'en était point l'effet? Le monarque accourut : Il favorise en roi ces hautes connaissances. Le monstre dans la lune à son tour lui parut. C'était une souris cachée entre les verres : Dans la lunette était la source de ces guerres. On en rit. Peuple heureux! quand pourront les François Se donner, comme vous, entiers à ces emplois ! Mars nous fait recueillir d'amples moissons de gloire : C'est à nos ennemis de craindre les combats,
A nous de les chercher, certains que la Victoire, Amante de Louis, suivra partout ses pas.
Ses lauriers nous rendront célèbres dans l'histoire. Même les filles de Mémoire
Ne nous ont point quittés; nous goûtons des plaisirs; La paix fait nos souhaits, et non point nos soupirs. Charles en sait jouir : il saurait dans la guerre Signaler sa valeur, et mener l'Angleterre A ces jeux qu'en repos elle voit aujourd'hui. Cependant s'il pouvait apaiser la querelle, Que d'encens! Est-il rien de plus digne de lui? La carrière d'Auguste a-t-elle été moins belle Que les fameux exploits du premier des Césars? O peuple trop heureux! quand la paix viendra-t-elle Nous rendre, comme vous, tout entier aux beaux-arts?
1 Charles II, roi d'Angleterr
La Mort ne surprend point le Il est toujours prêt à partir, S'étant su lui-même avertir
Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage. Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps: Qu'on le partage en jours, en heures, en moments, Il n'en est point qu'il ne comprenne
Dans le fatal tribut; tous sont de son domaine, Et le premier instant où les enfants des rois Ouvrent les yeux à la lumière
Est celui qui vient quelquefois Fermer pour toujours leur paupière. Défendez-vous par la grandeur;
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ; La Mort ravit tout sans pudeur; In jour le monde entier accroitra sa richesse. Il n'est rien de moins ignoré ;
Et, puisqu'il faut que je le die, Rien où l'on soit moins préparé.
Un mourant, qui comptait plus de cent ans de vie, Se plaignait à la Mort que précipitamment
Elle le contraignait de partir tout à l'heure, Sans qu'il eût fait son testament,
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