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Des visites de la ville et de ses monuments sont faites par petits groupes sous la direction d'un cicérone compétent.

Avec le concours du Club Alpin et des Comités de « French Homes » qui existent dans certaines villes telles que Auch et Albi, des excursions sont organisées, par groupes, dans la région et se prolongeront, lorsque les beaux jours seront venus, jusqu'au cœur des Pyrénées. La première a eu lieu le 6 avril.

Dans ces différentes manifestations, les Étudiants américains entrent en contact avec la vie française et tous les efforts sont faits pour que ces contacts soient aussi multipliés et aussi profitables que possible. Journal. Dans ces notes sur la vie des étudiants américains à Toulouse, il y aurait une grosse lacune si l'on ne signalait l'existence d'un journal hebdomadaire créé par nos hôtes, le Qu'est-ce que c'est rédigé partie en anglais, partie en français et dont le premier numéro a paru le 16 mars. Destiné surtout, dans l'esprit de ses fondateurs, à leurs camarades, il n'a pas tardé à attirer l'attention du public toulousain, par sa tenue, par le soin avec lequel il est rédigé et composé, par la variété et l'intérêt de ses articles et de ses dessins.

Le troisième numéro a dû tirer à 4 000 exemplaires. C'est une œuvre excellente qui crée un lien de plus entre la population et les étudiants. Séance solennelle de réception. En l'honneur des étudiants américains le Conseil de l'Université a organisé une séance solennelle de réception; elle a eu lieu le 15 mars à 2 heures et demie, dans l'antique église des Jacobins dont la vaste nef n'était pas trop grande pour contenir les assistants au nombre de près de 3000. La musique de la Marine américaine, venue exprès de Bordeaux, prêtait son concours à la cérémonie.

AVIS

relatif à l'ouverture d'un 4o Congrès international

d'Enseignement Supérieur

Le 3o Congrès international d'Enseignement Supérieur avait chargé MM. Brouardel, Larnaude et Picavet, d'organiser, au moment opportun, un 4o Congrès.

Le Conseil de la Société de l'Enseignement Supérieur, dans sa séance du 8 juin 1919, a décidé que le 4 Congrès international d'Enseignement Supérieur s'ouvrirait en 1921.

Ce Congrès aura lieu à Paris.

BIBLIOGRAPHIE ET COMPTES RENDUS

Gustave Rodrigues. Le Peuple de l'action, Paris, Colin, 1917, 247 p. (Préface de M. G.-M. Baldwin.)

Ce livre est l'œuvre d'un philosophe qui, partant des données connues sur l'Amérique, les analyse, les définit, les interprète, les ordonne, de façon à constituer la théorie de la vie américaine. Le titre indique l'idée essentielle, mais ne résume qu'un des aspects du développement. Car si le ressort de la vie américaine est l'action, son sens et sa valeur résident dans l'idéalisme. On sent que l'auteur, ému (comme tout Français doit l'être) par le rôle que l'Amérique a joué dans la guerre et se prépare à jouer dans la paix, s'est posé la question: Comment s'est produit l'élan généreux de ce peuple? Comment s'est-il levé, unanimement pour le grand sacrifice, et comment sa volonté de faire la guerre a-t-elle été soutenue par l'espoir de fonder la paix? La réponse tient dans le mot : idéalisme.

Par une étude (un peu rapide et sommaire) des conditions d'existence du peuple américain, qui forme le vestibule historique, politique, ethnographique, de l'analyse proprement philosophique, nous sommes introduits au cœur du sujet : l'idéal américain, chez l'individu, dans la nation, au delà de la nation. L'individu est organisé essentiellement pour l'action. Il agit par joie d'agir, de surmonter les obstacles, d'exercer sa volonté. Son but est utilitaire et égoïste: gagner de l'argent. Mais l'argent n'est pour lui que le signe tangible de l'effort couronné de succès, et le moyen d'agir plus largement et efficacement. C'est une utilité noble, que celle qui cherche à toujours mieux servir et développer la vie. C'est un égoïsme élevé, que celui qui se tend toujours vers une activité plus féconde.

Cette fièvre d'action a besoin de la liberté, 'par quoi on entend en Amérique à la fois l'indépendance et la discipline. Ce peuple est trop réaliste, c'est-à-dire disciple trop attentif de la vie, pour ne pas comprendre que l'ordre, la mesure, le self-control sont la loi de la vie. Énergie et dignité deviennent des qualités complémentaires; travail et moralité forment les deux pôles du rythme vital, dans ce milieu de vigueur allègre et pure.

L'égoïsme ainsi discipliné reconnaît sans peine l'harmonie des activités individuelles. L'homme fort, entouré de personnalités fortes semblables à la sienne, est prêt à accepter la liberté des autres et à chercher le mode de conciliation et de coopération qui soit le plus profitable à tous. Le groupe, la cité, l'État se sont ainsi formés sur le principe du respect d'autrui et de l'égalité des chances. L'esprit qui règne dans la collectivité américaine, c'est, à tous les degrés et sous toutes ses formes l'esprit de justice.

L'Américain est fier de ses réussites dans l'ordre moral, politique et social. Ses hommes d'État, ses écrivains, animés d'une juste fierté, ont tous pensé que l'Amérique avait une mission dans le monde, qui était de faire prévaloir, pour l'émancipation et le bonheur de tous les hommes, les principes de la démocratie. Leur idéal de la Société des Nations n'est que l'extension aux relations internationales de la conception sociale qui régit chez eux les relations entre individus. Il n'y a pas de différence dans leur pensée entre la morale privée et la morale publique : il ne doit pas y en avoir entre la morale de l'État et la morale de ce sur-État que sera demain le monde civilisé.

Ce qui fait la richesse de cette analyse, c'est sa pénétration psychologique. L'idéalisme américain ne serait pas, à tout prendre, sensiblement différent de l'idéalisme français, si les sources de l'un et de l'autre n'étaient de nature opposée. L'Américain ne se dirige pas. d'après des principes rationnels; il est trop absorbé par l'action pour avoir le temps et le goût de penser. Obéissant à l'impulsion de son être, favorisé d'ailleurs par les circonstances, il prend conscience de luimême à mesure qu'il se réalise lui-même. Il crée la liberté et pratique la justice; puis découvre que la liberté et la justice sont le but, où, par intuition, il tendait...

Cette interprétation séduisante rendue encore plus attachante par le fini de la forme, la souplesse de la dialectique, l'éclat des formules ne laisse pas que d'inquiéter un peu celui qui a vécu en Amérique et pris contact avec le peuple vivant, par son unité même et sa perfection logique. M. Baldwin, dans la préface, déclare de ce portrait (dont il fait l'éloge, qu'il se rapporte « à la génération d'hier ». On pourrait dire aussi qu'il ne donne pas assez de relief aux influences qui ont formé la pensée américaine : la pratique anglaise de la liberté, et la théorie française « des droits de l'homme ». Sans doute les Américains ne séjournent pas dans l'abstrait: ils transforment (d'ailleurs par mentalité chrétienne, autant que par pragmatisme) les concepts en règles d'action. Mais il n'y en a pas moins une doctrine à l'origine de leur idéalisme national et international. Le propre de leur nature, c'est d'entrer aussi vite que possible sur le terrain de la réalisation et de se laisser guider surtout par les motifs moraux...

Toute généralisation a ses dangers. Il ne reste pas moins que la thèse de M. Rodrigues, même si elle n'explique pas toute l'Amérique, ni les tendances les plus récentes de la civilisation américaine, jette une clarté sur un aspect, sans doute fondamental du caractère américain, et, par sa documentation, constitue une anthologie de la pensée américaine vue à travers les traductions françaises, auxquelles les lecteurs seront invités à se reporter.

C. CESTRE.

E. Goblot. Traité de Logique, préface d'Émile Boutroux, 1 vol. in-8° de xxш-412 p., Paris, A. Colin, 1918.

Les amis de la philosophie et de l'enseignement philosophique accueilleront avec faveur ce livre, paru vingt ans après un Essai sur la Classification des Sciences, où l'auteur agitait déjà les problèmes dont il poursuit ici la solution. Il les traita avec l'aisance d'un maître, parfois avec profondeur, et toujours avec une information étendue.

M. Goblot a prétendu restaurer l'unité de la logique. Cette unité n'était plus guère visible dans nos manuels scolaires ni même dans des travaux plus originaux. On y voyait une logique « appliquée, » née de l'observation des méthodes scientifiques, faire suite à une logique formelle, héritière de l'organon aristotélicien; une logique inductive, dont le plan avait été dressé par Bacon, s'opposer à une logique déductive, issue à la fois de la théorie du syllogisme et de la méthode des mathématiques. Ces séparations, comme ces unions semblaient bien artificielles et résultaient en grande partie du hasard historique du développement des doctrines. Les essais de systématisation que l'on tentait ou bien partaient d'un point de vue qui n'était pas proprement le point de vue logique, ou bien laissaient de côté un certain nombre d'éléments. M. Goblot, sans révolutionner la logique, a voulu surtout l'organiser, et marquer, d'une façon plus nette qu'il n'a été fait jusqu'à ce jour, l'ordre et la hiérarchie de ses parties.

En général, les logiciens sont restés fidèles à l'ancien type de rigueur logique, tel qu'il était déterminé par les règles du syllogisme aristotélicien, et leur travail a surtout consisté à départager, dans les suites d'assertions qui constituent une science, celles qui pouvaient rentrer légitimement dans les schèmes logiques et celles qui n'y pouvaient pas rentrer. Parmi ces dernières se trouvent les vérités de fait, les jugements synthétiques a priori, les hypothèses de toute sorte; ces éléments ne peuvent, à aucun titre, être considérés comme des conclusions de prémisses posées antérieurement; ils ne peuvent donc être issus de la pensée logique. Or c'est justement à eux, semble t-il, qu'il appartient d'introduire la nouveauté et le progrès dans les sciences, le rôle de la logique se bornant toujours à tirer les conséquences qui y sont incluses; le fait nouveau, l'hypothèse inattendue introduisent dans la science une discontinuité logique. Rigueur logique et fécondité paraissent indépendantes l'une de l'autre.

D'autre part l'existence et l'essor sans exemple de sciences progressives, donnent à penser que le problème d'une logique, à la fois rigoureuse et féconde, a été résolu effectivement par les savants, avant que le logicien ait pu se rendre compte des conditions générales de sa solution.

C'est la réflexion sur ces conditions générales qui a été, nous semblet-il, l'inspiratrice de ce livre.

De là d'abord la conception de la logique : « La logique est la science des moyens d'atteindre le vrai, c'est-à-dire une science pratique, un art, ou, ce qui est exactement la même chose, la science des conditions du vrai, c'est-à-dire une science théorique. » (p. 9). Pour préciser, puisque la vérité se dit d'un jugement et seulement d'un jugement, la logique recherche « les conditions des opérations intellectuelles qui construisent le jugement vrai..., les conditions du jugement dans une pensée qui par hypothèse, serait isolée de tout ce qui n'est pas elle et ne devrait rien ni au sentiment ni à la volonté, dans laquelle les jugements seraient déterminés entièrement et uniquement par des jugements.» (p. 29-30.)

«Le syllogisme n'est pas plus la déduction que l'expérience n'est l'induction; mais le syllogisme a une fonction dans le raisonnement déductif, comme l'expérience dans le raisonnement inductif. Il y a

dans l'un et dans l'autre quelque chose qui a échappé à l'analyse, et ce quelque chose pourrait bien être l'essentiel du raisonnement, et être commun aux deux sortes de raisonnements. » (p. 84).

Cette phrase indique bien la marche de la pensée de M. Goblot.

En premier lieu, il renouvelle l'interprétation d'ensemble de la logique formelle. Le syllogisme n'a pas d'autre rôle que d'appliquer des vérités générales aux cas singuliers sur lesquels seuls on opère et on agit. Il ne vaut donc que par son utilité pratique et ne constitue aucun gain pour la pensée théorique. Cette interprétation nouvelle suppose des transformations importantes dans les théories logiques classiques. Le principe de ces transformations, c'est l'application rigoureuse de cette thèse psychologique que l'acte primordial de l'intelligence est non pas le concept, mais le jugement ou l'assertion. Le concept est un groupe de jugements virtuels; il existe dans l'esprit à titre de prédicat possible de sujets qui sont tous singuliers. Par là, l'opposition des concepts prend un sens précis, parce qu'elle est une opposition entre les jugements virtuels qui les constituent. Il s'ensuit aussi que les seuls jugements primitifs sont les jugements singuliers. Les jugements catégoriques de la logique classique qui ont pour sujet un concept sont en réalité des jugements hypothétiques, où l'antécédent et le conséquent ont un sujet singulier. De là le rôle singulièrement important que prend dans la logique, la théorie du syllogisme hypothétique, négligé par Aristote. D'autre part le concept existe à titre de sujet des prédicats qu'il connote, prédicat qui constitue sa compréhension; la connotation d'un genre comprend celle de ses espèces comme prédicats possibles; il faut donc revenir, par-dessus la tradition aristotélicienne, jusqu'à Platon, en affirmant que les espèces ne résultent pas de l'addition d'une différence spécifique au genre, mais que toutes les différences sont dans le genre comme une variable dont elles expriment des valeurs déterminées.

Si l'essentiel du raisonnement n'est pas le syllogisme, qu'est-il donc ? Les mathématiciens répondent à cette question: « Démontrer c'est construire. On ne démontre que des jugements hypothétiques, car seuls ils expriment la nécessité d'une relation. Pour démontrer qu'une hypothèse entraîne une conséquence, on construit la conséquence avec l'hypothèse.» (p. 272). Dans cette construction, on se sert des syllogismes, parce que les règles de ces opérations, ce sont les propositions antérieurement admises, et que le syllogisme sert à restreindre le principe qu'on applique au cas auquel on l'applique.

Mais cette réponse ne vaut pas pour les seules mathématiques, elle est vraie de toute pensée logique; il n'y a pas, à cet égard, opposition entre les sciences déductives et les sciences inductives. La pensée logique reste semblable à elle-même à travers toutes les sciences physiques, mathématiques et morales. Considérez par exemple le témoignage historique. «Toute la critique du témoignage se ramène à une règle unique la vérité du fait témoigné doit être la seule explication possible de l'existence du témoignage. » (p. 280.) Ce procédé est, comme celui du mathématicien, un procédé de construction réglé par les vérités antérieurement admises.

Considérez à son tour l'induction qui passe pour l'inverse de la déduction mathématique; s'il s'agit de l'induction aristotélicienne, elle

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