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de la donation. Cette pierre n'avait été connue qu'au dixième fiècle: on ne produifit point d'autre monument pour affurer aux papes l'exarchat; donc il n'y en avait point. Si on fesait paraître aujourd'hui une pierre caffée, avec une inscription qui certifiât que le pieux François I fit une donation du louvre aux cordeliers, de bonne foi le parlement regarderaitil cette pierre comme un titre juridique ? et l'académie des inscriptions l'inférerait - elle dans fes recueils?

Le latin ridicule de ce beau monument n'eft pas à la vérité un fceau de réprobation; mais c'en eft un que le menfonge avéré concernant Pepin. L'inscription affirme que Pepin eft le premier qui ait ouvert la voie. Cela est faux : avant lui Conftantin avait donné des terres à l'évêque et à l'église de Saint-Jean de Latran de Rome jusque dans la Calabre. Les évêques de Rome avaient obtenu de nouvelles terres des empereurs fuivants. Ils en avaient en Sicile, en Tofcane, en Ombrie; ils avaient les juftices de Saint-Pierre et des domaines dans la Pentapole. Il est très-probable que Pepin augmenta ces domaines. De quoi fe plaint donc le commentateur? que prétend-il ? pourquoi dit-il que l'auteur de l'Effai fur les mœurs et l'efprit des nations eft trop peu verfé dans ces connaissances, ou trop

fourbe pour mériter quelque attention? Quelle fourberie, je vous prie, y a-t-il à dire fon avis fur Ravenne et fur la Pentapole? Nous avouons que c'eft - là parler en digne commentateur; mais ce n'eft pas, à ce qu'il nous femble, parler en homme verfé dans ces connaiffances, ni versé dans la politesse, ni même verfé dans le fens commun.

L'auteur de l'Effai fur les mœurs, &c. qui affirme peu, fe fonde pourtant fur le teftament même de Charlemagne, pour affirmer qu'il était fouverain de Rome et de Ravenne, et que par conféquent il n'avait point donné Ravenne au pape. Charlemagne fait des legs à ces villes, qu'il appelle nos principales villes. Ravenne était la ville de l'empereur et non pas celle du pape.

Ce qu'il y a de plus étrange, c'eft que le commentateur eft lui-même entièrement de l'avis de mon auteur; il n'écrit que d'après lui; il veut prouver comme lui que Charlemagne avait le pouvoir fuprême dans Rome; et oubliant tout d'un coup l'état de la queftion, il fe répand en invectives ridicules contre fon propre guide.- Il eft en colère de ne favoir pas quelle était l'étendue et la borne du nouveau pouvoir de Charlemagne dans Rome. Je ne le fais pas plus que lui, et cependant je m'en confole. Il eft vraisemblable que ce pouvoir était fort mitigé pour ne pas trop

choquer les Romains. On peut être empereur fans être defpotique. Le pouvoir des empereurs d'Allemagne eft aujourd'hui très-borné par celui des électeurs et des princes de l'empire. Le commentateur peut refter fans fcrupule dans fon ignorance pardonnable; mais il ne faut pas dire de groffes injures, parce qu'on eft un ignorant : car lorsqu'on dit des injures fans efprit, on ne peut ni plaire ni instruire ; le public veut qu'elles foient fines, ingénieuses et à propos: il n'appartient même que très-rarement à l'innocence outragée de repouffer la calomnie dans le ftyle des Philippiques; et peut-être n'eft-il permis d'en ufer ainfi, que quand la calomnie met en danger un honnête homme, car alors c'eft se battre contre un serpent, et on n'est pas dans le cas de Tartuffe qui s'accufait d'avoir tué une puce avec trop de colère.

CHAPITRE XXVIII

D'une calomnie abominable, et d'une impiété horrible du prétendu Chiniac.

PASSE encore qu'on fe trompe fur une pancarte de Pepin le bref; le pape n'en a pas fur Ravenne un droit moins confirmé par le temps et par le confentement de tous les princes; la plupart

des origines font suspectes, et un droit reconnu de tout le monde eft incontestable.

Mais de quel front le prétendu Chiniac de la Bafide du Claux, commentateur des libertés de l'Eglife gallicane, peut-il citer cet abominable paffage qu'il dit avoir lu dans un dictionnaire? JESUS-CHRIST a été le plus habile charlatan et le plus grand impofteur qui ait paru depuis l'existence du monde. On eft naturellement porté à croire qu'un homme qui cite un trait fi horrible avec confiance ne l'a pas inventé. Plus l'atrocité eft extrême, moins on s'imagine que ce foit une fiction. On croit la citation vraie, précisément parce qu'elle eft abominable; cependant il n'y en a pas un mot, pas l'ombre d'une telle idée dans le titre dont parle ce Chiniac. Eft-ce là une liberté gallicane? J'ai lu très-attentivement ce livre qu'il cite; je fais que c'eft un recueil d'articles traduits du lord Shaftesbury, du lord Bolingbroke, de Trenchard, de Gordon, du docteur Midleton, du célèbre Abauzit, et d'autres morceaux connus qui font mot à mot dans le grand dictionnaire encyclopédique, tel que l'article Meffie, lequel est tout entier d'un pafteur d'une églife réformée, et dont nous poflédons l'original.

Non-feulement l'infame citation du prétendu Chiniac n'eft dans aucun endroit de ce livre;

mais je puis affurer qu'elle ne fe trouve dans aucun des livres écrits contre la religion chrétienne, depuis Celse et l'empereur Julien; le devoir de mon état eft de les lire pour y mieux répondre, ayant l'honneur d'être bachelier en théologie. J'ai lu tout ce qu'il y a de plus fort et de plus frivole. Volfton luimême, Jean-Jacques Rouffeau, qui ont ofé nier fi audacieufement les miracles de notre feigneur JESUS-CHRIST n'ont pas écrit une feule ligne qui ait la moindre teinture de cette horrible idée; au contraire ils rendent à JESUS-CHRIST le plus profond respect, et Volfton furtout se borne à regarder les miracles de notre Seigneur comme des types et des paraboles.

J'avance hardiment que fi cet infolent blafphème fe trouvait dans quelque mauvais livre, mille voix fe feraient élevées contre le monftre qui l'aurait vomi. Enfin je défie le Chiniac de me le montrer ailleurs que dans fon libelle; apparemment il a pris ce détour pour blafphémer fous le mafque contre notre Sauveur, comme il blafphème à tort et à travers contre notre faint père le pape, et fouvent contre les évêques : il a cru pouvoir être criminel impunément, en prenant les flèches infernales dans un carquois facré, et en couvrant d'opprobre la religion qu'il feint Mélanges hift. Tome I.

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