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Newton croit que Samuel en fut l'auteur ou plutôt le rédacteur.

C'est encore un grand blafphême de dire avec quelques favans, que Moïse, tel qu'on nous le dépeint, n'a jamais exifté; que toute fa vie eft fabuleuse, depuis fon berceau jusqu'à fa mort; que ce n'est qu'une imitation de l'ancienne fable arabe de Bacchus, transmise aux Grecs, et enfuite adoptée par les Hébreux. Bacchus, difent-ils, avait été fauvé des eaux ; Bacchus avait paffé la mer rouge à pied fec; une colonne de feu conduifait fon armée; il écrivit fes lois fur deux tables de pierres; des rayons fortaient de fa tête. Ces conformités leur font foupçonner que les Juifs attribuèrent cette ancienne tradition de Bacchus à leur Moïfe. Les écrits des Grecs étaient connus dans toute l'Afie, et les écrits des Juifs étaient foigneusement cachés aux autres nations. Il eft vraifemblable, felon ces téméraires, que la métamorphofe d'Edith, femme de Loth, en ftatue de fel eft prife de la fable d'Eurydice; que Samfon eft la copie d'Hercule, et le facrifice de la fille de Jephté imité de celui d'Iphigénie. Ils prétendent que le peuple groffier, qui n'a jamais inventé aucun art, doit avoir tout puifé chez les peuples inventeurs.

Il eft aifé de ruiner tous ces fyftêmes en montrant feulement que les auteurs grecs,

excepté Homère, sont postérieurs à Efdras qui raffembla et reftaura les livres canoniques.

Dès que ces livres font reftaurés du temps de Cyrus et d'Artaxerxès, ils ont précédé Hérodote, le premier hiftorien des Grecs. Non-feulement ils font antérieurs à Hérodote, mais le Pentateuque eft beaucoup plus ancien qu'Homère.

Si on demande pourquoi ces livres fi anciens et fi divins ont été inconnus aux nations jufqu'au temps où les premiers chrétiens répandirent la traduction faite en grec fous Ptolomée Philadelphe, je répondrai qu'il ne nous appartient pas d'interroger la Providence. Elle a voulu que ces anciens monumens, reconnus pour authentiques, annonçaffent des merveilles, et que ces merveilles fuffent ignorées de tous les peuples, jufqu'au temps où une nouvelle lumière vînt fe manifefter. Le chriftianisme a rendu témoignage à la loi mofaïque au-deffus de laquelle il s'eft élevé, et par laquelle il fut prédit. Soumettons - nous, prions, adorons et ne difputons pas.

EPILOGUE.

CE font-là les dernières lignes qu'écrivit mon oncle; il mourut avec cette réfignation à l'Etre fuprême, perfuadé que tous les favans peuvent fe tromper, et reconnaiffant que

l'Eglife romaine eft la seule infaillible. L'Eglise grecque lui en fut très-mauvais gré, et lui en fit de vifs reproches à fes derniers momens. Mon oncle en fut affligé, et pour mourir en paix, il dit à l'archevêque d'Aftracan: Allez, ne vous attriftez pas; ne voyez-vous pas que je vous crois infaillible auffi? C'eft du moins ce qui m'a été raconté dans mon dernier voyage à Mofcou; mais je doute toujours de ces anecdotes qu'on débite fur les vivans et fur les mourans.

CHAPITRE

X X I I.

Défenfe d'un général d'armée attaqué par des cuiftres. (*).

APRÈS avoir vengé la mémoire d'un hon

nête prêtre, je cède au noble défir de venger celle de Bélifaire. Ce n'eft pas que je croie Bélifaire exempt des faibleffes humaines. J'ai avoué avec candeur que l'abbé Bazin avait été trop goguenard; et j'ai quelque pente à croire que Bélifaire fut très-ambitieux, grand pillard, et quelquefois cruel, courtisan tantôt adroit et tantôt mal-adroit, ce qui n'eft point

du tout rare.

(*) Voyez les deux ouvrages intitulés Anecdotes fur Bélifaire, volume de facéties.

Je ne veux rien diffimuler à mon cher lecteur. Il fait que l'évêque de Rome Silverius, fils de l'évêque de Rome Hormifdas, avait acheté fa papauté du roi des Goths Théodat. Il fait que Eélifaire, se croyant trahi par ce pape; le dépouilla de fa fimarre épifcopale, le fit revêtir d'un habit de palefrenier, et l'envoya en prison à Patare en Licie. Il fait que ce même Bélifaire vendit la papauté à un sousdiacre nommé Vigile, pour quatre cents marcs d'or de douze onces à la livre.; et qu'à la fin le fage Juftinien fit mourir le bon pape Silvère dans l'ile Palmaria. Ce ne font là que de petites tracafferies de cour dont les panégyriftes ne tiennent point de compte.

Juftinien et Bélifaire avaient pour femmes s deux plus impudentes carognes qui fuffent dans tout l'empire. La plus grande faute de Bélifaire, à mon fens, fut de ne savoir pas être cocu. Juftinien son maître était bien plus habile que lui en cette partie. Il avait épousé une baladine des rues, une gueuse qui s'était profțituée en plein théâtre; et cela ne me donne pas grande opinion de la fagefle de cet empereur, malgré les lois qu'il fit compiler, ou plutôt abréger par fon fripon Trébonien. Il était d'ailleurs poltron et vain, avare et prodigue défiant etfanguinaire;mais il fut fermer les yeux fur la lubricité énorme de Théodora, et Bélifaire.

?

.voulut faire affaffiner l'amant d'Antonine. On accufe auffi Belifaire de beaucoup de rapines.

Quoi qu'il en foit, il eft certain que le vieux Belifaire, qui n'était pas fi aveugle que le vieux Juftinien, lui donna fur la fin de fa vie de très-bons confeils dont l'empereur ne profita guère. Un grec très-ingénieux, et qui avait confervé le véritable goût de l'éloquence dans la décadence de la littérature, nous a tranfmis ces converfations de Bélifaire avec Juftinien. Dès qu'elles parurent, tout Conftantinople en fut charmé. La quinzième converfation furtout enchanta tous les efprits raisonnables.

Pour avoir une parfaite connaissance de cette anecdote, il faut savoir que Juftinien était un vieux fou qui fe mêlait de théologie. Il s'avifa de déclarer, par un édit, en 564, que le corps de JESUS-CHRIST avait été impaffible et incorruptible, et qu'il n'avait jamais eu besoin de manger ni pendant fa vie ni après fa réfurrection.

Plufieurs évêques trouvèrent fon édit fort fcandaleux. Il leur annonça qu'ils feraient damnés dans l'autre monde, et perfécutés dans celui-ci; et pour le prouver par les faits, il exila le patriarche de Conftantinople et plufieurs autres prélats, comme il avait exilé le pape Silvère.

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