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un laïque qui eût avancé les mêmes propofitions? Voici maintenant l'erreur.

C'eft que du temps que les Juifs étaient une petite horde de Bédouins errante dans les déferts de l'Arabie pétrée, on ne peut prouver que toutes les nations du monde cruffent l'ame immortelle. L'abbé Bazin était perfuadé, à la vérité, que cette opinion était reçue chez les Chaldéens, chez les Perfans, chez les Egyptiens, c'est-à-dire chez les philofophes de ces nations; mais il eft certain que les Chinois n'en avaient aucune connaissance, et qu'il n'en eft point parlé dans les cinq Kings qui font antérieurs de plufieurs fiècles au temps de l'habitation des Juifs dans les déferts d'Oreb et de Cadès-Barné.

Comment donc ce Warburton, en avançant des chofes fi dangereufes, et en fe trompant fi groffièrement, a-t-il pu attaquer les philofophes, et particulièrement l'abbé Bazin dont il aurait dû rechercher le fuffrage?

N'attribuez cette inconféquence, mes frères, qu'à la vanité. C'eft elle qui nous fait agir contre nos intérêts. La raifon dit : nous hafardons une entreprise difficile, ayons des partifans. L'amour-propre crie : écrafons tout pour régner, on croit l'amour-propre ; alors on finit par être écrasé foi-même.

J'ajouterai encore à ce petit appendix que l'abbé Bazin eft le premier qui ait prouvé que les Egyptiens font un peuple très - nouveau, quoiqu'ils foient beaucoup plus anciens que les Juifs. Nul favant n'a contredit la raison qu'il en apporte; c'eft qu'un pays, inondé quatre mois de l'année depuis qu'il eft coupé

par

des canaux, devait être inondé au moins huit mois de l'année avant que ces canaux cuffent été faits. Or, un pays toujours inondė était inhabitable. Il a fallu des travaux immenses, et par conféquent une multitude de fiècles pour former l'Egypte.

Par conféquent les Syriens, les Babyloniens, les Perfans, les Indiens, les Chinois, les Japonais, &c. durent être formés en corps de peuples très-long-temps avant que l'Egypte pût devenir une habitation tolérable. On tirera de cette vérité les conclufions qu'on voudra; cela ne me regarde pas. Mais y a-t-il bien des gens qui fe foucient de l'antiquité égyptienne?

CHAPITRE

X VIII.

Des hommes de différentes couleurs.

MON devoir m'oblige de dire que l'abbé

Bazin admirait la fageffe éternelle dans cette profufion de variétés dont elle a couvert notre petit globe. Il ne penfait pas que les huîtres d'Angleterre fuffent engendrées des crocodiles du Nil, ni que les girofliers des îles Moluques tiraffent leur origine des fapins des Pyrénées. Il refpectait également les barbes des Orientaux, et les mentons dépourvus à jamais de poil follet, que DIEU a donnés aux Américains. Les yeux de perdrix des Albinos, leurs cheveux qui font de la plus belle foie et du plus beau blond, la blancheur éclatante de leur peau, leurs longues oreilles, leur petite taille d'environ trois pieds et demi, le ravissaient en extafe quand il les comparait aux Nègres leurs voifins, qui ont de la laine fur la tête, et de la barbe au menton que DIEU a refusée aux Albinos. Il avait vu des hommes rouges, il en avait vu de couleur de cuivre ; il avait ; manié le tablier qui pend aux Hottentots et aux Hottentotes depuis le nombril jufqu'à la moitié des cuiffes. O profufion de richesses! s'écriait-il. O que la nature eft féconde !

Je fuis bien aife de révéler ici aux cinq ou fix lecteurs qui voudront s'inftruire dans cette diatribe, que l'abbé Bazin a été violemment attaqué dans un journal nommé économique, que j'ai acheté jufqu'à présent, et que je n'acheterai plus. J'ai été sensiblement affligé que cet économe, après m'avoir donné une recette infaillible contre les punaifes et contre la rage, et après m'avoir appris le fecret d'éteindre en un moment le feu d'une cheminée, s'exprime fur l'abbé Bazin avec la cruauté que vous allez voir.

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(k) L'opinion de M. l'abbé Bazin qui " croit, ou fait semblant de croire qu'il y a plufieurs efpèces d'hommes, eft aussi absurde " que celle de quelques philosophes païens, " qui ont imaginé des atomes blancs et des "atomes noirs, dont la réunion fortuite a " produit divers hommes et divers animaux.

M. l'abbé Bazin avait vu dans fes voyages une partie du reticulum mucofum d'un nègre, lequel eft entièrement noir; c'est un fait connu de tous les anatomiftes de l'Europe. Quiconque voudra faire difféquer un nègre (j'entends après fa mort) trouvera cette membrane muqueufe noire comme de l'encre de la tête aux pieds. Or fi ce réseau eft noir chez les nègres, et blanc chez nous, c'eft donc (*) Page 309, Recueil de 1745.

une différence spécifique. Or une différence fpécifique entre deux races, forme assurément deux races différentes. Cela n'a nul rapport aux atomes blancs et rouges d'Anaxagore, qui vivait il y a environ deux mille trois cents ans avant mon oncle.

Il vit non-feulement des nègres et des albinos qu'il examina très-foigneusement, mais il vit auffi quatre rouges qui vinrent en France en 1725. Le même économe lui a nié ces rouges. Il prétend que les habitans des îles Caraïbes ne font rouges que lorsqu'ils font peints. On voit bien que cet homme-là n'a pas voyagé en Amérique. Je ne dirai pas que mon oncle Y ait été, car je suis vrai; mais voici une lettre que je viens de recevoir d'un homme qui a réfidé long-temps à la Guadeloupe, en qualité d'officier du roi.

Il y a réellement à la Guadeloupe, dans un quartier de la grande terre nommé le Pistolet, dépendant de la paroiffe de l'anfe-Bertrand, cing ou fix familles de Caraïbes dont la peau eft de la couleur de notre cuivre rouge; ils font bien faits, et ont de longs cheveux. Je les ai vus deux fois. Ils fe gouvernent par leurs propres lois, et ne font point chrétiens. Tous les Caraïbes font rougeâtres, &c. Signé Rieu, 20 mai 1767.

Le jéfuite Laffiteau, qui avait vécu auffi chez les Caraïbes, convient que ces peuples

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