Page images
PDF
EPUB

mais enfin, ce n'eft pas une raison pour qu'il affirme que la fuperbe Babylone n'était qu'un vafte b..... et que la loi du pays ordonnait aux femmes et aux filles des fatrapes, voire même aux filles du roi, d'attendre les paffans dans les rues. C'eft bien pis que fi on disait que les femmes et les filles des bourgmestres d'Amfterdam font obligées par la religion calvinifte de fe donner dans les musicaux aux matelots hollandais qui reviennent des grandes Indes.

Voilà comme les voyageurs prennent probablement tous les jours un abus de la loi pour la loi même, une groffière coutume du bas peuple pour un ufage de la cour. J'ai entendu fouvent mon oncle parler fur ce grand fujet avec une extrême édification. Il disait que fur mille quintaux pefant de relations et d'anciennes hiftoires, on ne trierait pas dix onces de vérités.

[ocr errors]

Remarquez, s'il vous plaît, mon cher lecteur, la malice du paillard qui outrage fi clandeftinement la mémoire de mon oncle ; il ajoute au texte facré de Baruch; il le falfifie pour établir fon b. ... dans la cathédrale de Babylone même. Le texte facré de l'apocryphe Baruch porte dans la Vulgate: Mulieres autem circumdate funibus in viis fedent. Notre ennemi facrilege traduit: Des femmes environnées Mélanges hift. Tome I.

X

de cordes font affifes dans les allées du temple. Le mot Temple n'eft nulle part dans le texte.

Peut-on pouffer la débauche au point de vouloir qu'on paillarde ainfi dans les églises? il faut que l'ennemi de mon oncle foit un bien vilain homme.

S'il avait voulu justifier la paillardise par de grands exemples, il aurait pu choifir ce fameux droit de prélibation, de marquette, de jambage, de cuiffage, que quelques feigneurs de châteaux s'étaient arrogé dans la chrétienté, dans le commencement du beau gouvernement féodal. Des barons, des évêques, des abbés, devinrent législateurs, et ordonnèrent que dans tous les mariages autour de leurs châteaux, la première nuit des noces. ferait pour eux. Il est bien difficile de favoir jufqu'où ils pouffaient leur légiflation, s'ils fe contentaient de mettre une cuiffe dans le hit de la mariée, comme quand on épousait une princeffe par procureur; ou s'ils y mettaient les deux cuiffes. Mais ce qui eft avéré, c'eft que ce droit de cuiffage, qui était d'abord un droit de guerre, a été vendu enfin aux vaffaux, par les feigneurs, foit féculiers, foit réguliers, qui ont fagement compris qu'ils pourraient, avec l'argent de ce rachat, avoir des filles plus jolies.

Mais furtout, remarquez, mon cher lecteur, que les coutumes bizarres, établies fur une frontière par quelques brigands, n'ont rien de commun avec les lois des grandes nations; que jamais le droit de cuiffage n'a été approuvé par nos tribunaux; et jamais les ennemis de mon oncle, tout acharnés qu'ils font, ne trouveront une loi babylonienne qui ait ordonné à toutes les dames de la cour de coucher avec les paffans.

CHAPITRE III.

NOTRE

De l'Alcoran.

OTRE infame débauché cherche un fubterfuge chez les Turcs pour justifier les dames de Babylone. Il prend la comédie d'Arlequin Ulla pour une loi des Turcs. Dans l'Orient, dit-il, fi un mari répudie fa femme, il ne peut la reprendre que lorsqu'elle a épousé un autre homme qui paffe la nuit avec elle, &c. (1) Mon

(1) En fuppofant que la loi exifte, elle prefcrit feulement qu'un homme ne peut reprendre une femme avec laquelle il a fait divorce que lorfqu'elle eft veuve d'un autre homme, ou qu'elle a été répudiée par lui. Cette loi aurait pour but d'empêcher les époux de fe féparer pour des caufes trèslégères. Un homme riche a pu quelquefois, pour éluder la loi, faire jouer cette comédie.

paillard ne fait pas plus fon Alcoran que fon Baruch. Qu'il life le chapitre II du grand livre arabe donné par l'ange Gabriel, et le 45 me paragraphe de la fonna; c'eft dans ce chapitre II, intitulé la vache, que le prophète, qui a toujours grand foin des dames, donne des lois fur leur mariage et fur leur douaire : · Ce ne fera pas un crime, dit-il, de faire divorce avec vos femmes, pourvu que vous ne les ayez pas encore touchées, et que vous n'ayez pas encore affigné leur douaire; et fi vous vous séparez d'elles avant de les avoir touchées, et après avoir établi leur douaire, vous ferez obligé de leur payer la moitié de leur douaire, &c. à moins que le nouveau mari ne veuille pas le recevoir.

KISRON HECBALAT DOROMFET ERNAM RABOLA ISRON ΤΑΜΟΝ ERG BEMIN OULDEG EBORI CARAMOUFEN, &c.

Il n'y a peut-être point de loi plus fage: on en abuse quelquefois chez les Turcs comme

C'eft ainfi qu'en Angleterre un homme qui veut se séparer de fa femme avec fon confentement, se fait surprendre avec une fille. Dirait-on que par la loi d'Angleterre un homme ne peut se séparer de fa femme qu'après avoir couché avec une autre devant témoins? Ce ferait imiter M. Larcher, et prendre l'abus ridicule d'une mauvaise loi pour la loi même. Mais cette loi, quoique mauvaise, ne prescrit ni dans l'Orient ui dans l'Angleterre une action contraire aux mœurs.

on abuse de tout. Mais en général on peut dire que les lois des Arabes, adoptées par les Turcs leurs vainqueurs, font bien auffi fenfées, pour le moins, que les coutumes de nos provinces, qui font toujours en oppofition les unes avec les autres.

Mon oncle fefait grand cas de la jurisprudence turque. Je m'aperçus bien, dans mon voyage à Conftantinople, que nous connaiffions très-peu ce peuple dont nous fommes fi voifins. Nos moines ignorans n'ont ceffé de le calomnier. Ils appellent toujours fa religion fenfuelle; il n'y en a point qui mortifie plus les fens. Une religion qui ordonne cinq prières par jour, l'abstinence du vin, le jeûne le plus rigoureux, qui défend tous les jeux de hasard, qui ordonne, fous peine de damnation, de donner deux et demi pour cent de fon revenu aux pauvres, n'est certainement pas une religion voluptueufe, et ne flatte pas, comme on l'a tant dit, la cupidité et la molleffe. On s'imagine chez nous que chaque bacha a un férail de sept cents femmes, de trois cents concubines, d'une centaine de jolis pages, et d'autant d'eunuques noirs. Ce font des fables dignes de nous. Il faut jeter au feu tout ce qu'on a dit jusqu'ici fur les mufulmans. Nous prétendons qu'ils font autant de Sardanapales, parce qu'ils ne

« PreviousContinue »