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fait le voyage de Naples, ni que le jéfuite Alagona ait prédit dans Naples la mort de ce prince, comme le répète encore notre Chiniac. Les jéfuites n'ont jamais été prophètes ; s'ils l'avaient été, ils auraient prédit leur deftruction; mais au contraire ces pauvres gens ont toujours affuré qu'ils dureraient jusqu'à la fin des fiècles. Il ne faut jamais jurer de rien.

CHAPITRE XXXIII.

De l'abjuration de Henri IV.

LE jéfuite Daniel a beau me dire, dans fa

très-fèche et très-fautive hiftoire de France, que Henri IV avant d'abjurer était depuis longtemps catholique, j'en croirai plus Henri IV lui-même que le jéfuite Daniel; fa lettre à la belle Gabrielle : c'eft demain que je fais le faut périlleux, prouve au moins qu'il avait encore dans le cœur autre chose que du catholicisme. Si fon grand cœur avait été depuis fi long-temps fi pénétré de la grâce efficace, il aurait peut-être dit à sa maîtreffe : Ces évêques m'édifient; mais il lui dit: Ces gens-là m'ennuient. Ces paroles font-elles d'un bon catéchumène ?

Ce n'eft pas un fujet de pyrrhonisme que les lettres de ce grand homme à Corifande d'Andoin comteffe de Gramont, elles exiftent

encore en original. L'auteur de l'Essai fur les mœurs et l'efprit des nations rapporte plufieurs de ces lettres intéreffantes; en voici des morceaux curieux : Tous ces empoisonneurs font tous papiftes. J'ai découvert un tueur pour moi. — Les precheurs romains prêchent tout haut qu'il n'y a plus qu'une mort à voir; ils admon ftent tout bon catholique de prendre exemple fur l'empoisonnement du prince de Condé.

religion!

turc.

Et vous êtes de cette

Si je n'étais huguenot, je me ferais

Il eft difficile, après tous ces témoignages de la main de Henri IV, d'être fermement perfuadé qu'il fût catholique dans le cœur.

CHAPITRE XXXIV.

Bévue fur Henri IV.

UN autre hiftorien moderne (*) de Henri IV

accufe du meurtre de ce héros le duc de Lerme: C'eft, dit-il, l'opinion la mieux établie. Il est évident que c'eft l'opinion la plus mal établie. Jamais on n'en a parlé en Espagne; et il n'y eut en France que le continuateur du préfident de Thou qui donna quelque crédit à ces foupçons vagues et ridicules. Si le duc de Lerme, premier miniftre, employa Ravaillac, il le paya (*) M. de Buri.

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bien mal. Ce malheureux était prefque fans argent quand il fut faifi. Si le duc de Lerme l'avait féduit ou fait féduire fous la promeffe d'une récompense proportionnée à son attentat, assurément Ravaillac l'aurait nommé lui et fes émissaires, quand ce n'eût été que pour fe se venger. Il nomma bien le jéfuite d'Aubigni, auquel il n'avait fait que montrer un couteau. Pourquoi aurait-il épargné le duc de Lerme? c'est une obstination bien étrange que celle de ne pas croire Ravaillac dans son interrogatoire et dans les tortures! Faut-il infulter une grande maison espagnole fans la moindre. apparence de preuves?

Et voilà juftement comme on écrit l'histoire.

La nation espagnole n'a guère recours à ces crimes honteux, et les grands d'Espagne ont eu dans tous les temps une fierté généreuse qui ne leur a pas permis de s'avilir jusque-là.

Si Philippe II mit à prix la tête du prince d'Orange, il eut du moins le prétexte de punir un fujet rebelle, comme le parlement de Paris mit à cinquante mille écus la tête de l'amiral Coligni, et depuis celle du cardinal Mazarin. Ces profcriptions publiques tenaient de l'horguerres civiles ; mais comment le duc de Lerme fe ferait-il adreffé fecrétement à un miférable tel que Ravaillac?

reur des

CHAPITRE X X X V.

Bévue fur le maréchal d'Ancre.

LE même auteur dit que le maréchal d'Ancre et fa femme furent écrasés pour ainfi dire par la foudre. L'un ne fut à la vérité écrafé qu'à coups de piftolets, et l'autre fut brûlée en qualité de forcière. Un affaffinat et un arrêt de mort rendu contre une maréchale de France, dame d'atour de la reine, réputée magicienne, ne font honneur ni à la chevalerie ni à la jurisprudence de ce temps-là. Mais je ne fais pourquoi l'historien s'exprime en ces mots : Si ces deux miférables n'étaient pas complices de la mort du roi, ils méritaient du moins les plus rigoureux châtiments. Il eft certain que du vivant même du roi, Concini et Ja femme avaient avec l'Espagne des liaifons contraires aux deffeins du roi.

C'eft ce qui n'eft point du tout certain, cela n'eft pas même vraisemblable. Ils étaient florentins; le grand-duc de Florence avait reconnu le premier, Henri IV; il ne craignait rien tant que le pouvoir de l'Espagne en Italie; Concini et fa femme n'avaient point de crédit du temps de Henri IV. S'ils avaient ourdi quelque trame avec le conseil de Madrid, ce ne pouvait être que pour la reine. C'eft donc accufer la

reine d'avoir trahi fon mari; et, encore une fois, il n'eft pas permis d'inventer de telles accufations fans preuve. Quoi! un écrivain dans fon grenier pourra prononcer une diffamation que les juges les plus éclairés du royaume trembleraient d'écouter fur leur tribunal!

Pourquoi appeler un maréchal de France et fa femme, dame d'atour de la reine, ces deux miférables? Le maréchal d'Ancre, qui avait levé une armée à fes frais contre les rebelles, mérite-t-il une épithète qui n'eft convenable qu'à Ravaillac, à Cartouche, aux vo. leurs publics, aux colomniateurs publics?

CHAPITRE

Reflexion.

X X X V I.

Il n'eft que trop vrai qu'il fuffit d'un fana

tique pour commettre un parricide fans aucun complot. Damiens n'en avait point. Il a répété quatre fois dans fon interrogatoire qu'il n'a commis fon crime que par principe de religion. Je puis dire qu'ayant été autrefois à portée de connaître les convulfionnaires, j'en ai vu plus de vingt capables d'une pareille horreur; (ee) tant leur démence était atroce.

(ee) Un entre autres dont il a été question dans le procès de Damiens.

La

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