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Que pourrais-je inventer pour ce coup nécessaire?

LÉLIE.

MASCARILLE.

Ah! comme vous courez!
Ma cervelle toujours marche à pas mesurés.
J'ai trouvé votre fait : il faut... Non, je m'abuse.
Mais si vous alliez...

Vous êtes romanesque avecque vos chimères.
Mais que fera Pandolfe en toutes ces affaires?
C'est, monsieur, votre père, au moins à ce qu'il dit; Eh bien! le stratagème?
Vous savez que sa bile assez souvent s'aigrit;
Qu'il peste contre vous d'une belle manière,
Quand vos déportements lui blessent la visière.
Il est avec Anselme en parole pour vous
Que de son Hippolyte on vous fera l'époux,
S'imaginant que c'est dans le seul mariage
Qu'il pourra rencontrer de quoi vous faire sage;
Et s'il vient à savoir que rebutant son choix,
D'un objet inconnu vous recevez les lois,
Que de ce fol amour la fatale puissance
Vous soustrait aux devoirs de votre obéissance,
Dieu sait quelle tempête alors éclatera,
Et de quels beaux sermons on vous régalera.

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Il se met en courroux. Tout ce que j'en ai dit
N'était rien que pour rire et vous sonder l'esprit.
D'un censeur de plaisirs ai-je fort l'encolure?
Et Mascarille est-il ennemi de nature?
Vous savez le contraire, et qu'il est très-certain
Qu'on ne peut me taxer que d'être trop humain.
Moquez-vous des sermons d'un vieux barbon de père:
Poussez votre bidet, vous dis-je, et laissez faire.
Ma foi, j'en suis d'avis, que ces penards chagrins
Nous viennent étourdir de leurs contes badins,
Et, vertueux par force, espèrent, par envie,
Oter aux jeunes gens les plaisirs de la vie.
Vous savez mon talent, je m'offre à vous servir.

LELIE.

Ah! c'est par ces discours que tu peux me ravir.
Au reste, mon amour, quand je l'ai fait paraître,
N'a point été mal vu des yeux qui l'ont fait naître.
Mais Léandre, à l'instant, vient de me déclarer
Qu'à me ravir Célie il se va préparer :
C'est pourquoi dépêchons, et cherche dans ta tête
Les moyens les plus prompts d'en faire ma conquête.
Trouve ruses, détours, fourbes, inventions,
Pour frustrer un rival de ses prétentions.

MASCARILLE.

Laissez-moi quelque temps rêver à cette affaire.

J'en songeais une...

LÉLIB.
Ой?
MASCARILLE.

C'est une faible ruse.

LÉLIE.
Et quelle ?

Mais ne pourriez-vous pas...

LÉLIE.

MASCARILLE.

Elle n'irait pas bien.

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Monsieur, si vous aviez en main force pistoles,
Nous n'aurions pas besoin maintenant de rêver
A chercher les biais que nous devons trouver,
Et pourrions, par un prompt achat de cette esclave,
Empêcher qu'un rival vous prévienne et vous brave.
De ces Égyptiens qui la mirent ici,

Trufaldin, qui la garde, est en quelque souci;
Et trouvant son argent qu'ils lui font trop attendre
Je sais bien qu'il serait très-ravi de la vendre :
Car enfin en vrai ladre il a toujours vécu;
Il se ferait fesser pour moins d'un quart d'écu;
Et l'argent est le dieu que surtout il révère :
Mais le mal, c'est...

LÉLIE.
Quoi? c'est...

MASCARILLE.

Que monsieur votre père

Est un autre vilain qui ne vous laisse pas,

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Ah! que le ciel m'oblige, en offrant à ma vue
Les célestes attraits dont vous êtes pourvue!
Et quelque mal cuisant que m'aient causé vos yeux,
Que je prends de plaisir à les voir en ces lieux!
CÉLIE.

Mon cœur, qu'avec raison votre discours étonne,
N'entend pas que mes yeux fassent mal à personne;
Et si dans quelque chose ils vous ont outragé,
Je puis vous assurer que c'est sans mon congé.
LÉLIE.

Ah! leurs coups sont trop beaux pour me faire une in-
Je mets toute ma gloire à chérir ma blessure, [jure!

Et...

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Voici donc ce que c'est. Le maître que je sers
Languit pour un objet qui le tient dans ses fers;
Il aurait bien voulu du feu qui le dévore
Pouvoir entretenir la beauté qu'il adore;
Mais un dragon veillant sur ce rare trésor,
N'a pu, quoi qu'il ait fait, le lui permettre encor;
Et ce qui plus le gêne et le rend misérable,
Il vient de découvrir un rival redoutable :

Si bien que, pour savoir si ses soins amoureux
Ont sujet d'espérer quelque succès heureux,
Je viens vous consulter, sûr que de votre bouche
Je puis apprendre au vrai le secret qui nous touche.
CÉLIE.

Sous quel astre ton maître a-t-il reçu le jour ?

MASCARILLE.

Sous un astre à jamais ne changer son amour.

CÉLIE.

Sans me nommer l'objet pour qui son cœur soupire,
La science que j'ai m'en peut assez instruire.
Cette fille a du cœur, et dans l'adversité,

Elle sait conserver une noble fierté;

Elle n'est pas d'humeur à trop faire connaître

Les secrets sentiments qu'en son cœur on fait naître ; Mais je les sais comme elle, et, d'un esprit plus doux, Je vais en peu de mots vous les découvrir tous.

MASCARILLE.

O merveilleux pouvoir de la vertu magique!
CÉLIE.

Si ton maître en ce point de constance se pique,
Et que la vertu seule anime son dessein,
Qu'il n'appréhende pas de soupirer en vain;

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Qu'il ne puisse acheter avant moi cette belle.
De peur que ma présence encor soit criminelle,
Je te laisse.

MASCARILLE, seul.

Fort bien. A dire vrai, l'argent Serait dans notre affaire un sûr et fort agent: Mais ce ressort manquant, il faut user d'un autre.

SCÈNE VI.

ANSELME, MASCARILLE.

ANSELME.

Par mon chef, c'est un siècle étrange que le nôtre !
J'en suis confus. Jamais tant d'amour pour le bien,
Et jamais tant de peine à retirer le sien !
Les dettes aujourd'hui, quelque soin qu'on emploie,
Sont comme les enfants, que l'on conçoit en joie,
Et dont avecque peine on fait l'accouchement.
L'argent dans une bourse entre agréablement ;
Mais le terme venu que nous devons le rendre, [dre
C'est lors que les douleurs commencent à nous pren
Baste! ce n'est pas peu que deux mille francs, dus
Depuis deux ans entiers, me soient enfin rendus ;
Encore est-ce un bonheur.
MASCARILLE, à part les quatre premiers vers.
O Dieu ! la belle proie.

A tirer en volant! Chut, il faut que je voie
Si je pourrais un peu de près le caresser.
Je sais bien les discours dont il le faut bercer...
Je viens de voir, Anselme...

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MASCARILLE.

Oui, bourreau, c'était pour la captive Que j'attrapais l'argent dont votre soin nous prive. LÉLIE.

S'il est ainsi, j'ai tort; mais qui l'eût deviné?

MASCARILLE.

Il fallait, en effet, être bien raffiné!

LÉLIE.

Tu me devais par signe avertir de l'affaire.

MASCARILLE.

Oui, je devais au dos avoir mon luminaire.
Au nom de Jupiter, laissez-nous en repos,
Et ne nous chantez plus d'impertinents propos!
Un autre, après cela, quitterait tout peut-être;
Mais j'avais médité tantôt un coup de maître,
Dont tout présentement je veux voir les effets;
A la charge que si...

LÉLIE.

Non, je te le promets,

De ne me mêler plus de rien dire ou rien faire.

MASCARILLE.

Allez donc; votre vue excite ma colère.

LÉLIE.

Mais surtout hâte-toi, de peur qu'en ce dessein...

MASCARILLE.

Allez, encore un coup; j'y vais mettre la main. (Lélie sort.)

Menons bien ce projet; la fourbe sera fine,
S'il faut qu'elle succède ainsi que j'imagine.
Allons voir... Bon, voici mon homme justement.

SCÈNE IX.

PANDOLFE, MASCARILLE.

PANDOLFE.

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Moi? Voyez ce que c'est que du monde aujourd'hui,
Et comme l'innocence est toujours opprimée !
Si inon intégrité vous était confirmée,
Je suis auprès de lui gagé pour serviteur,
Vous me voudriez encor payer pour précepteur :
Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage
Que ce que je lui dis pour le faire être sage.
Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent,
Cessez de vous laisser conduire au premier vent;
Réglez-vous; regardez l'honnête homme de père
Que vous avez du ciel, comme on le considère;
Cessez de lui vouloir donner la mort au cœur,
Et, comme lui, vivez en personne d'honneur.

PANDOLFE.

C'est parler comme il faut. Et que peut-il répondre ?

MASCARILLE.

Répondre? Des chansons dont il me vient confondre.
Ce n'est pas qu'en effet, dans le fond de son cœur,
Il ne tienne de vous des semences d'honneur,
Mais sa raison n'est pas maintenant la maîtresse.
Si je pouvais parler avecque hardiesse,
Vous le verriez dans peu soumis sans nul effort.

PANDOLFE.

Mascarille !

Parle.

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1 Avoir maille à partir, c'est-à-dire à se partager, du latin partiri. La maille était une petite monnaie de si peu de valeur qu'elle ne pouvait être divisée. De là le proverbe avoir maille à partir, se disputer sur un partage impossible, et par extension, avoir une dispute interminable. Ménage dit que cette monnaie était ainsi appelée du vieux mot français maille, qui signifie figure carrée, parce que la maille avait cette forme. N'avoir ni denier ni maille, signifiait autrefois n'avoir aucune sorte de monnaie, ni ronde ni carrée.

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