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dont l'un prévaudra et dont les organes seront Gouvernement. Si les hommes qui le représentent, ne sont pas des ambitieux qui sacrifient tout à leurs portefeuilles; s'ils ont une cause et le zèle sans lequel ils ne devraient pas être admis à l'honneur de la soutenir, il est évident qu'ils doivent chercher à en assurer le succès. D'ailleurs, quiconque est attaqué, être moral comme individu, doit avoir le droit de se défendre. Tout ce qu'on peut en exiger, c'est de la loyauté et de la modération. L'opposition a contre elle la pratique de tous les partis dans tous les temps en Angleterre, celle des whigs, aussi bien que celle des torys; en France, celle du ministère Decazes comme celle du ministère Villèle; et depuis 1830, celle de tous les ministères, sans distinction de nuances; en Belgique, celle du ministère Lebeau encore plus que celle des ministères de Theux et Nothomb. Nous ne parlerons que pour mémoire de l'empire et du royaume des Pays-Bas. Que l'opposition arrive aux affaires, et elle aura contre elle sa propre conduite; car allant plus loin que le baron Dellafaille au Sénat, nous ne nous bornerons pas à lui demander si elle appliquera, pour lors, ses théories d'aujourd'hui. Nous lui dirons ouvertement qu'elle en prendra le contrepied et qu'il est impossible qu'elle agisse autrement, parce qu'aucun Gouvernement ne peut renoncer à ses conditions d'existence. Si cette éventualité se réalisait, nous aurions assez de logique pour ne pas lui en faire un grief et pour nous borner à désirer qu'elle ne dépasse pas les limites acceptées par le baron d'Anethan.

D. O.

QUELQUES RÉFLEXIONS

AU SUJET DES DERNIÈRES ÉLECTIONS COMMUNALES DE BRUXELLES.

Dès le commencement de notre Revue, nous avons annoncé sans hésiter la dissolution future de l'alliance illibérale. L'événement est venu confirmer nos paroles plus tôt même que nous n'y comptions. Il n'en pouvait être qu'ainsi. Une ligue, formée de coalisés, réunis par le seul lien d'une haine commune, sans aucune similitude de principes et, au fond, hostiles les uns aux autres, par l'opposition des intérêts particuliers, devait se rompre dans un avenir assez rapproché. Là, où il n'y a pas de cause prédominante, les ambitions individuelles sont tout et ne comportent aucun sacrifice. Aussi, il a suffi que deux influences vinssent en contact pour que la discorde entrât au camp sans attendre que le but spécial de la coalition fût atteint.

Cette rupture, qui n'était plus douteuse depuis l'élection de Soignies, s'est manifestée par la levée de boucliers des dissidents de l'Alliance. En vain les politiques de l'Association libérale ont-ils essayé de donner le change, au mois de janvier dernier, en prenant spontanément le vice-président de la société rivale pour leur candidat au Sénat. Leur élu s'est empressé de les renier et s'est déclaré le candidat de l'Alliance. Ce pauvre expédient n'a donc fait que révéler leur timidité et trahir davantage la distance qui sépare les deux partis. Sont, depuis, survenues des élections communales à Bruxelles. L'impossibilité où les chefs de l'Association se trouvaient de recourir une seconde fois à un faux-fuyant qui ne leur a valu qu'un affront, et qui, réitéré, leur aurait ôté toute force morale, les a contraints d'opposer liste à liste et de constater aux

yeux de tous, par leurs propres actes, la division qu'on voulait pallier et même nier.

Ce n'est évidemment pas à la composition des listes, à la valeur personnelle des candidats que l'on peut attribuer ce fractionnement du faux libéralisme. Il serait impossible d'assigner un motif plausible, pris dans l'ordre des intérêts administratifs, dont au fond on s'inquiète fort peu, ou dans celui des intérêts, maintenant dits politiques, qui ait pu valoir aux candidats, admis d'une part, la répulsion qu'ils ont trouvée de l'autre côté. Nous ne dirons rien de M. Demeure, dont le nom est à peine connu dans Bruxelles, au dehors de son quartier; mais en quoi M. le procureur-général De Bavay est-il moins digne que MM. De Brouckere et Van Meenen des suffrages de l'Alliance? Leurs opinions connues en matières gouvernementales comme en affaires de partis, nous semblent assez identiques. Ce qu'il y a de plus singulier, c'est que ceux qui ont refusé leurs votes à M. De Bavay pour le conseil communal, l'admettaient, il n'y a pas plus d'un an, comme membre d'un cabinet dont l'avènement aurait, disaient-ils, réalisé leurs espérances. Le mandat au parlement de la commune exige-t-il plus de garanties, une solidité politique plus éprouvée que la gestion d'un ministère ? Nous aurions cru le contraire. Il nous semblait que les considérations administratives obtenaient ici une prépondérance incontestable.

Il ne serait pas plus facile d'assigner un motif analogue à l'antipathie que MM. Ch. De Brouckere et Van Meenen inspirent, sans doute à leur grand étonnement, aux organes de l'Association libérale. Les raisons qu'on en donne ont l'air d'une mauvaise plaisanterie.

Au conseil communal, dit-on, « on parle plus qu'on n'agit....; les idées » individuelles y entravent la solution des questions, même les plus urgentes, » soit par une opposition systématique, (!) soit par une intempérance d'ini» tiative. » Le parlement de la commune n'est plus un champ d'exercice où l'on se forme à des luttes plus sérieuses. « Les considérations politiques » doivent ici céder le pas aux considérations locales. Il faut des administra» teurs intègres, calmes, modérés, indépendants (1).... qui ne se laissent » pas envahir par ce cosmopolitisme d'idées que la haute ambition inspire » et que la vie publique surexcite: réunion difficile, où la modération des » idées et des goûts doit s'associer au développement des lumières. » C'est pour ces causes que l'Association libérale repoussait MM. Ch. De Brouckere et Van Meenen. Au premier, on reprochait à mots couverts la loquacité et, ouvertement, « l'instabilité de son humeur.... l'irritabilité de son caractère. » Il ne possède, disait-on, « ni une grande suite dans les idées........ ni un esprit

(1) Il nous semble à nous, hommes inintelligents, que ces qualités ne seraient pas moins nécessaires aux membres de la Chambre des Représentants.

» de conciliation (1). » On lui objectait « son ardeur juvenile (2)...... et ses >> formes un peu vives, un peu acerbes parfois, qui ne pourraient qu'enve» nimer et prolonger les discussions du conseil.... Il a toutes les qualités, » excepté, peut-être, celles qui sont indispensables à un conseiller communal, » dont les fonctions exigent de la patience, de la persévérance et une modé» ration de vues incompatibles avec la fougue de M. Ch. De Brouckere. »

D

Pour M. Van Meenen, il est aussi « trop jeune » sous le rapport des sentiments. Trop absorbé dans les questions de haute philosophie, il serait par cela même « singulièrement déplacé au milieu d'une assemblée qui n'a à » traiter que des questions matérielles très-secondaires (3). » On lui a dit, avec le plus de politesse possible, mais très-clairement, que, perdu dans les espaces imaginaires, il doit laisser à d'autres le domaine étroit des faits réels, des détails précis, des affaires quotidiennes.

Nous sommes loin de vouloir combattre des maximes qui sont les nôtres, et que nous serions agréablement surpris de trouver dans les colonnes de l'Indépendance et de l'Observateur, si l'intérêt de parti ne donnait le mot de l'énigme mais nous demanderons si ces journaux et leurs adeptes ont bonne grâce à professer aujourd'hui ces maximes, qu'ils ont méconnues sans vergogne, jusqu'à ce qu'elles leur soient devenues utiles.

A la Chambre des Représentants, comme au conseil communal de Bruxelles, ne parle-t-on pas trop et plus qu'on n'agit? N'y voit-on pas également (pour continuer à nous servir de leurs propres termes,) les idées individuelles y entraver la solution des questions même les plus urgentes, soit par une opposition systématique, soit par une intempérance d'initiative, qui se manifeste en amendements, en interpellations, en débats oiseux? Qui a, cependant, rempli la Chambre de ces impitoyables parleurs; qui leur applaudit; qui les impose comme candidats aux vassaux de l'Alliance ou de la contre-alliance? Nul plus que MM. de l'Indépendance ou de l'Observateur n'est à même de résoudre ces questions.

On parle trop au conseil communal de Bruxelles et plus qu'on n'y agit.

(1) C'est l'Indépendance qui exige « l'esprit de conciliation! » Et, dans son No du 12 mai 1846, elle nous faisait un grief de soutenir « la prétendue politique de conciliation? » E semprè benè.

(2) M. Castiau trouve nos représentants et lui-même beaucoup trop vieux pour représenter utilement le pays. Il nous donnerait, s'il en était le maître, une Chambre qu'il faudrait peut-être commencer par faire émanciper. Et M. Castiau est porté aux nues par l'Observateur qui reproche à M. De Brouckere « son ardeur juvenile! » Accordez-vous, MM. les homogènes.

(5) Puisque, de votre propre aveu, le conseil communal ne doit traiter que des questions matérielles très-secondaires, pourquoi en exclure naguère des hommes intègres et très-capables, uniquement par rapport à leurs opinions morales?

D'accord mais, encore une fois, qui donc a éliminé des membres utiles du conseil pour y faire entrer ces discoureurs dont on se plaint tant aujourd'hui? Par hasard, les membres de l'Association libérale auraient-ils refusé leurs votes à ces derniers ? Nous croyons tout le contraire. La politique doit rester étrangère aux élections communales. C'est la thèse que les journaux conservateurs soutenaient, il n'y a pas longtemps, précisément contre les organes de l'Association libérale. Ce sont les membres de cette association, alors réunis à ceux de l'Alliance, qui ont formulé et mis en pratique le principe contraire. Ce sont eux qui, pour mieux exprimer leur pensée et pour dissimuler la fausseté des idées par le prestige des mots, ont imaginé d'appeler le conseil, le parlement de la commune. Ce sont eux qui, à Bruxelles, ont concouru à faire éliminer des hommes honorables, justement estimés comme administrateurs et comme individus, notamment M. Everard-Goffin, sans même prétexter une autre cause que la politique, réduite au point de vue de leur parti et complétement étrangère aux affaires de l'État ou de la commune. Ce sont encore eux qui ont connivé et applaudi à pareille aberration dans plusieurs autres localités, et qui ont voulu faire de ce succès (il leur semblait tel alors,) le marche-pied de leur grandeur. Et, aujourd'hui, ces mêmes hommes viennent nous parler de sobriété dans les discours, de solution nécessaire des questions pendantes, de prépondérance due aux considérations locales sur les considérations politiques, de calme, de modération, d'esprit conciliateur. Dérision! Vraiment ce langage leur sied bien! Il est parfaitement juste, mais, dans leur bouche, il paraîtrait une ironie, s'il n'était évidemment dicté par l'intérêt du moment.

L'Association libérale ne peut pas réclamer pour elle seule des principes dont la vérité est la même pour tous et dont elle refuse, la première, le béné– fice aux autres. Elle les objecte sans droit à MM. Ch. De Brouckere et Van Meenen, et, droit à part, elle les leur oppose très-mal à propos.

Nous n'avons aucune envie de louer l'attitude prise par M. Van Meenen; mais ses sacrifices à l'opinion soi-disant libérale ne nous empêcheront pas de lui rendre une justice méritée. Prétendre que les études abstraites de M. Van Meenen l'empêchent de siéger utilement au conseil de la commune, tandis qu'elles ne l'ont pas empêché de siéger avec distinction au Congrès et à la Chambre des Représentants, ni de présider avec honneur, depuis quatorze ans, une chambre de notre premier corps judiciaire, c'est se moquer des gens, sans même essayer de sauver les formes. Nous croyons que M. Van Meenen trouvera fort peu d'égaux dans ce conseil communal de Bruxelles, dont l'inintelligence a produit des résultats que nous connaissons pour les avoir payés à beaux deniers comptants.

Nous ne comptons pas non plus M. Ch. De Brouckere au nombre de nos amis politiques; mais nous ne laissons pas pour cela de reconnaître et de dire qu'on lui fait ici une véritable querelle d'allemand. Ce n'est pas une loquacité

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