JEUNES FILLES. Unus odorflori et fronti, color unus et unus VALERIANO ad Rosinam. Voyez comme elle est belle et comme son œil brille! - Ce que j'adore en vous, c'est votre air de mystère... Un éphod d'Orient vous drape en ses replis; Surtout, j'aime à vous voir, quand déjà le soir tombe, Pensives, côtoyer la lisière des bois, Et fléchir vos genoux sur une tiède tombe Dont l'hôte gémissant dit tout bas : C'est sa voix !... La nuit d'été, votre œil, aux sphères constellées Se fixe, et réfléchit les étoiles des cieux, La lune irradiant les ombreuses allées Et l'hiver, vous causez, les lèvres moitié closes, C'est le pâle lilas, la rose de carmin... Le ciel est donc toujours tout doré sur vos têtes, Pour fuir le vent brûlant qui souffle sur ma vie ! Oui, l'été radieux daigne aussi me sourire... Je regarde, le soir, à travers ma fenêtre, Je songe au pèlerin, au pauvre sans asile, Et je soulève en moi de sombres questions. Quand la Vertu les offre en pacte à la Beauté ! Sans la vertu, l'amour fait trop chérir la vie, JAMES VAN OVERSTRATEN. FERNANDE DE NARJÈS. I. Ferdinand, Roi d'Aragon, venait de mourir, après avoir déclaré son petitfils, l'archiduc Charles, héritier de tous ses États, et après avoir confié la régence de Castille à Ximenès, archevêque de Tolède. La Reine Jeanne qui, depuis la mort de son mari, avait complétement perdu la raison, ne paraissait plus en public et n'admettait plus guère auprès d'elle qu'une jeune fille d'honneur, la duchesse Fernande de Narjès. C'est une triste histoire que celle de la jeunesse de Fernande. Le jour où elle vint au monde, elle perdit sa mère. Quand elle put comprendre ce grand malheur, le premier de tous, elle comprit aussi combien était imminente la ruine de sa maison. Elle vit partir pièce par pièce, s'échapper lambeau par lambeau les vastes possessions qui firent la gloire et la puissance de son antique famille. Toutes les choses que la jeune duchesse aimait le mieux de l'héritage maternel, la consolation à donner aux malheureux, le soulagement des pauvres, l'aumône qui se déguise avec délicatesse, ce pain de l'Évangile qui, donné par la charité, se dérobe à la reconnaissance, lui échappaient chaque jour. Chaque jour aussi, pendant qu'elle grandissait, d'autres pertes se préparaient, plus rudes à supporter. On aurait dit que Dieu eût mesuré sur les années de cette enfant les peines qu'il voulait lui envoyer. L'abandon des voisins, le délaissement du monde, l'orgueil des compétiteurs qui se réjouit à l'aspect d'une vieille gloire éclipsée, la trahison domestique, nulle de ces tortures ne lui fut épargnée, et quand son caractère eut reçu la trempe de l'adversité, une dernière catastrophe l'attendait son père mourut. Tout sert dans la vie, tout est épreuve pour l'âme. Celle de Fernande grandissait avec le malheur. Puis, une circonstance particulière contribua à lui donner du courage. Un parent à qui elle avait été fiancée dans son enfance, lui était resté fidèle et dévoué. Ce parent, c'était le cousin de Fernande, Alonzo de Sédoval, jeune homme au cœur noble, non moins timide devant un gai et gracieux visage qui lui sourit, qu'intrépide en face de dix épées qui le menacent. Alonzo n'a jamais, même du regard, osé dire à Fernande: Je t'aime! et pourtant Fernande a compris qu'elle était aimée; et, du fond de son âme, elle s'est promise d'accepter la main de celui qui n'osait la demander ni de la bouche ni des yeux. Alonzo, forcé de quitter Madrid pour se rendre à Bruxelles auprès de l'archiduc, avait recommandé sa jeune cousine aux bontés de la Reine Jeanne, qui avait bien voulu l'admettre au nombre de ses filles d'honneur. Fernande fut logée au palais. Mais le malheur est persévérant; il se lasse moins vite que le bonheur. La jeune duchesse était d'une beauté rare. Ses cheveux avaient le reflet de l'ébène, sa bouche était meublée de dents blanches comme le lait, les tons de sa peau étaient si diaphanes que l'on pouvait y prendre sur le fait le phénomène de la circulation. Ses attitudes avaient un charme de grâce, d'abandon, de candeur et de jeunesse que rien ne saurait rendre; tout en elle annonçait au plus haut degré la douceur et la bonté. L'expression un peu mélancolique de sa physionomie ne tenait pas moins à sa santé délicate qu'à l'habitude qu'elle avait de vivre avec des personnes d'un caractère plus altier, plus impérieux que le sien. La beauté de Fernande éveilla bientôt dans l'âme de l'infant don Ferdinand une passion violente, que le jeune prince ne se donnait pas la peine de cacher, mais pour laquelle il n'obtenait en retour que de froids témoignages de respect. Irrité du peu de prix que l'on attachait à son amour, et devinant la cause de cette indifférence, il avait d'abord envoyé secrètement auprès de son frère Charles un de ses plus fidèles agents, Gonzalès Scorpo, en le chargeant de perdre Alonzo dans l'esprit de l'archiduc. Bientôt le dépit toujours croissant qu'il éprouvait devint si violent, qu'il ne put s'empêcher de montrer, même en public, envers la jeune duchesse une aigreur dont quelques-uns ne tardèrent pas à deviner les motifs. Dès ce moment, Fernande fut délaissée par tous les courtisans, qui n'avaient pu d'ailleurs lui pardonner la faveur dont elle jouissait auprès de la Reine Jeanne. De grandes fêtes eurent lieu à Madrid pour célébrer l'avènement de l'archiduc Charles. Ces fêtes devaient être couronnées par un bal donné dans la grande salle de l'Escurial. Dès la nuit tombante, cette vaste salle était comble. Il ne restait pas un seul gradin inoccupé. Toute cette enceinte, avec ses innombrables nuées de têtes, ressemblait à une immense et magnifique corbeille de fleurs. L'infant don Ferdinand, entouré des jeunes gens qui for |