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Et c'est pourquoi

Je t'aime, moi,

Je t'aime en ton déclin, comme la digne fille,
D'un sang et généreux et beau,

Comme le plus riche joyau

Dont notre riche Flandre et se pare et scintille;
Oui, je t'aime au milieu de ces fleurs où tu ris,
Et tu fais mon orgueil, ô berceau de mes fils!

Mais quel danger
Font présager

Ces secrètes rumeurs à ta honte semées ?
On dit qu'un piége est sous tes pas,
Qu'aveugle, tu ne le vois pas,

Que des plants vénéneux sont tes fleurs bien-aimées,
Et que tu cours rieuse à l'abîme nouveau.
Dieu protecteur de Gand, détourne ce fléau.

As-tu grandi

Dans le Midi?

Non, le Nord t'engendra, fille robuste et blonde !
Et tu chéris, dit-on, ce vent

Au souffle doux et décevant,

Qui, puisant dans le Sud sa tiédeur inféconde,
De tes champs plantureux brûle le frais gazon,
Et de foudre et d'éclairs charge ton horizon.

Oui, trop souvent,
Frivole enfant,

Tu te berces, dit-on, de ces légers caprices
Éclos dans l'inconstant Paris;

Tu t'abreuves de ses écrits,

Et de ses faux plaisirs, hélas! et de ses vices.
A ce joug asservie, écho de ton vainqueur,
Tu t'armes contre nous de son rire moqueur.

Et puis, dit-on,

Triste abandon !

Ta langue aux sons virils languit répudiée;
Tes savants et les magistrats

Parlent, et tu n'en rougis pas,

Une langue sans nerfs, en France mendiée.
La tienne! à peine encore elle prie au saint lieu,
Où prêche, humble instrument, la parole de Dieu.

Oh! se peut-il

Que, faible ou vil,

L'enfant d'un libre sol appelle l'esclavage,
Et, souriant à l'étranger,

De ses fers aime à se charger,

Quand le commandement est son vieil apanage!
Se peut-il qu'il abjure, apostat imprudent,
Sa langue, premier bien d'un peuple indépendant?

Funeste erreur!

Honte et malheur

Au peuple suicide, au pays qui s'abdique!
Aux imitateurs lourds et vains

Et leur modèle et leurs voisins

Lancent en traits poignants leur mépris ironique;
A ces nains renégats l'esclavage est prédit,
Et chez leurs descendants leur nom traîne maudit.

Les dons natifs

Brillent plus vifs.

Aux roses, des rubis faut-il donc la parure?
Des roses, aux prés verdoyants?

Au cygne argenté, l'or des paons?

Au monarque des bois, l'hermine blanche pure?
Gantois, brille et grandis, de tes vertus paré,
Et plus d'atours menteurs à ce corps torturé.

Car sache bien

Que ce lien

Où t'enlace le Sud, et t'étouffe et te mine;
Que tu suffis à ton bonheur,

Que tu suffis à ta grandeur;

Que ton brillant passé de gloire s'illumine;
Que ta langue prenait un poétique essor,
Quand le jargon du Sud rampait informe encor.

Au solennel

Et saint appel

De tout ce qui t'entoure, ô Gand, prête l'oreille! Sois flamande en tes souvenirs,

Tes mœurs, ta langue, tes plaisirs;

Oui, que flamande en tout la cité se réveille,
Et qu'au front des Gantois, à l'honneur rappelés,
Rayonne encor l'éclat des siècles écoulés !

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Allons, debout!

Renais en tout.

Alors, tous t'aimeront comme la digne fille

D'un sang et généreux et beau,

Comme le plus riche joyau

Dont notre riche Flandre et se pare et scintille; Reine alors, au milieu de ces fleurs où tu ris, Tu resteras la joie et l'orgueil de tes fils.

DE L'ÉTAT PRÉSENT

DES ÉTUDES SUR LE BOUDDHISME

ET DE LEUR APPLICATION. *

§ III.

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Des jugements équitables de l'opinion sur la nature et les conséquences du Bouddhisme; des devoirs de l'Europe civilisée à l'égard des peuples Bouddhistes. L'histoire mieux connue du Bouddhisme, puissante auxiliaire des prédicateurs chrétiens arguments contre la métempsychose, principes et moyens d'une polémique efficace réfutant l'idéalisme des ascètes orientaux. Étude préalable de quelques institutions bouddhiques en vue des tentatives du prosélytisme européen et du succès d'une controverse scientifique. — La confession publique; sa place dans la vie religieuse des Bhikschous; son antiquité dans l'Inde. Les dix préceptes, fondements de la loi morale; des devoirs et des pratiques du sacerdoce bouddhique: faits qui caractérisent l'ignorance grossière et la superstition matérielle; maux communs à la masse des populations de l'Asie bouddhique; les roues à prières, mécanisme d'un culte artificiel succédant aux excès de la contemplation. Étude des sources de ces plaies séculaires, dans le but d'en chercher la genèse complète et d'en trouver les remèdes; nouvelles révélations dues à la prochaine publication de grands travaux d'érudition orientale; la science prétant son secours à la charité apostolique : instructions qu'elle met au service des missionnaires du Catholicisme. Le monde bouddhique, héritage futur de l'Église.

La connaissance des faits que nous avons rapportés jusqu'ici touchant la nature et les conséquences du système bouddhique, et que nous avons accompagnés de leurs preuves et de leurs autorités, ne peut manquer de produire sur les bons esprits l'impression pénible qui se manifeste avec tant de force et

(*) Fin. Voir tome 1er, 10 livraison, page 457, 11 livr., p. 527.

de vérité dans les paroles citées en dernier lieu. Mais il ne suffit pas que des jugements aussi sévères soient acceptés et proclamés par les organes de la science la plus avancée; il est juste qu'ils trouvent un retentissement bien plus grand qu'au sein des écoles et des académies, et qu'ils reçoivent de l'opinion publique une sanction qui produise bientôt d'heureux fruits: l'Opinion serait-elle aujourd'hui moins puissante qu'au XVIe siècle, alors qu'elle était appelée la Reine du monde? L'honneur des peuples civilisés est ici hautement engagé; car de longues crises politiques et religieuses n'ont pu détruire au milieu d'eux la notion du bon et du juste, qui demeure après tout la règle de l'utile et qui doit survivre à la prédominance exagérée ou, si l'on veut, mal comprise des intérêts matériels. Les sociétés européennes sont devenues de fait les maîtresses et les arbitres du reste du monde, et elles se sont rendues en quelque sorte présentes partout, et même nécessaires partout, grâce à leur industrie et à leur marine ne jugeront-elles pas qu'il y aurait lâcheté de leur part à laisser les immenses populations des Bouddhistes soumises à tant d'horribles misères, à de si longues et de si poignantes angoisses? Ne proclamerontelles pas qu'il y aurait inhumanité à ne voir dans ces populations que des tributaires et des esclaves, à qui on ne doit autre chose que les bienfaits du régime administratif? Mais la pensée du prosélytisme doit aller plus loin que les préoccupations du commerce ou de la bureaucratie: l'Europe doit gagner à elle les âmes qui renient tous les dons de l'intelligence humaine pour invoquer la destruction; elle doit donner beaucoup à ceux qui n'ont rien; c'est en vain qu'elle appellerait des milliers d'Asiatiques à la jouissance de ses arts et de ses industries, si elle ne leur communique sa foi, si elle ne les fait passer des ténèbres de l'idéalisme à la religion du Christ.

Cependant, les Gouvernements eux-mêmes sont trop portés à subordonner sans cesse aux intérêts momentanés de leur politique ces tentatives si glorieuses de rénovation sociale et religieuse, qui seraient dignes surtout des peuples libres de l'Occident: longtemps encore, les puissances qui pressent de toutes parts les débris des monarchies asiatiques seront indifférentes et même hostiles à un système de lentes et pacifiques conquêtes, entreprises et poursuivies en esprit de désintéressement et de charité. Cet esprit ne s'est jamais éteint au sein de l'Église universelle, dépositaire de l'enseignement et de l'interprétation des vérités révélées; c'est à ses mains qu'est remis le salut des peuples encore << assis dans l'ombre de la mort; » cette figure des Livres saints est ici comme ailleurs d'une effrayante vérité, mais peut-elle mieux s'appliquer qu'à l'état de froide immobilité dans lequel sont restés plongés jusqu'aujourd'hui les peuples bouddhistes? Les missionnaires catholiques ont à combattre le même ennemi dans les solitudes immenses de la Haute-Asie, à la Chine, au Japon, dans les royaumes de l'Inde transgangétique: ils ont intérêt à bien connaître leur adversaire qui s'est multiplié sous tant de formes, mais dont l'histoire est sur le point d'être suffisamment connue cet habile Protée, moraliste, mendiant, métaphysicien, enchanteur, ne pourra pas toujours échapper aux étreintes de l'intelligence européenne. Il n'est pas douteux que les ouvrages récemment publiés n'éclairent les prédicateurs de l'Évangile sur l'esprit des peuples qu'ils vont chercher, sur la nature de leurs erreurs, sur les causes de

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