prêté au sergent-major Maters; on remarqua aussi qu'il avait sur lui de l'argent, qu'il en dépensait dans les cabarets de Grembergen, quoiqu'il n'en gagnât pas en travaillant. >> Ce fut environ six semaines après le 24 mai 1817, qu'après une dispute très-vive entre la cinquième accusée et Charles Claus, celui-ci, craignant l'indiscrétion d'Isabelle Roels, qui lui avait reproché l'assassinat de Maters, se rendit à la fosse où était enterré ce sergent-major il était accompagné de la troisième et de la quatrième accusées, et en leur présence, il déterra le sac contenant les restes de la victime. Il fut remarqué que la toile du sac était déjà en pourriture; mais le premier accusé, qui s'était muni d'un autre sac et d'un couperet, rassembla les débris du malheureux Maters et alla les porter à l'Escaut par un chemin appelé Broekstraet. En revenant, le premier accusé dit à la troisième et à la quatrième accusées qu'il avait morcelé encore ces restes et les avait jetés dans l'Escaut, ajoutant que cette s.... p..... de Roels ne le trahirait plus. Se méfiant sans doute aussi de l'indiscrétion des troisième et quatrième accusées, il leur fit faire serment de se taire sur ce qu'elles avaient vu. » Malgré ces précautions, le souvenir d'aussi grands crimes persécutait surtout le premier accusé. Un jour qu'il avait beaucoup bu, et que la cinquième accusée se trouvait avec lui dans la maison où l'assassinat fut commis, il s'écria: Je suis au désespoir de l'avoir fait, oui, je l'ai assassiné. >> Dans d'autres instants, il disait hautement qu'il avait commis une mauvaise action, qu'il ne voyait que des spectres autour de lui et sous la table; et pour éloigner ces visions, enfants des remords, Charles Claus chargea Isabelle Roels, présente à ces scènes, de lui acheter à Termonde une livre de chandelles, qu'il alluma, après que la cinquième accusée les avait été quérir. C'est devant ces chandelles brûlantes que le premier accusé s'agénouilla ayant les bras étendus en croix et qu'il resta prier pendant une demiheure. >> Mais on se tromperait grandement si l'on inférait de ces marques extérieures de piété, que le premier accusé avait un repentir sincère de ses fautes; car aussitôt la prière finie, il prit un pistolet et sortit, sans que l'on sache précisément quel était son dessein ou ce qu'il fit pendant son absence. » Les cris d'un homme, attaqué dans Grembergen, furent bientôt entendus; un étranger dépouillé et se plaignant d'avoir été maltraité, entra, en effet, un jour dans un cabaret de Grembergen, mais les époques ne sont pas précisées, et quoique l'étranger paraissait être de la commune d'Appels, les recherches faites n'ont pas suffi pour le découvrir, de sorte que la manière étrange et brusque, dont le premier accusé interrompit sa prière pour sortir armé d'un pistolet, n'est rapportée ici que pour donner une idée de sa manière habituelle de se conduire. » Ce fut pendant cette courte absence du premier accusé, que la cinquième accusée trouva dans un coffre non fermé, la montre d'argent, les boucles de souliers que le premier accusé avait déclaré lui avoir été emportés par le sergent-major Maters. Elle y vit aussi des boucles d'oreilles et une grande vessie à tabac, dans laquelle il y avait beaucoup d'argent en espèces. >> On vient de voir que l'assassinat de Maters n'avait pas éloigné de Charles Claus la cinquième accusée, et que dès la nuit même du crime, la troisième accusée n'avait pas eu d'horreur de rester près de cet assassin. Depuis et le 22 octobre 1817, cette même troisième accusée épousa Charles Claus, dont le frère Jacques, ici deuxième accusé, s'était marié le 20 février 1817, avant d'entrer au service militaire. » Pendant l'instruction, et sur les indications de la cinquième accusée, des fouilles furent faites à l'endroit où avaient été inhumés les restes du sergentmajor Maters; et à la profondeur de quatre à cinq pieds, on trouva trois os, que le chirurgien Troch, appelé au moment même, déclara être deux parties supérieures de deux os fémoraux et une partie supérieure de l'os tibial : après un examen plus exact de ces ossements, le même chirurgien déclara qu'ils appartenaient à l'espèce humaine, mais à deux individus différents; il reconnut que ces parties supérieures de fémur et de tibia étaient détachées des, parties inférieures avec lesquelles elles avaient formé un tout, et il remarqua plusieurs entailles faites avec l'instrument tranchant à l'aide duquel ces os avaient été brisés; enfin, il observa que, sur le col d'un des fémurs, il se trouvait une tache noire, qui paraissait occasionnée par une brûlure. » Cependant ces pièces de conviction donnèrent ensuite lieu à un incident qu'il faut bien rapporter ici les troisième et quatrième accusées, s'étant imaginées que les deux premiers accusés, alors seuls détenus, ne pouvaient être punis que pour autant que des restes du sergent-major Maters leur pourraient être produits, inventèrent un moyen de faire envisager les pièces de conviction comme étrangères à cette poursuite et aux crimes qui y ont donné lieu. Elles déclarèrent donc que les ossements trouvés auraient été déposés par elles dans le lieu même où Maters avait été enterré par les assassins; et entrant dans les détails de cette opération, les troisième et quatrième accusées indiquèrent non seulement le charnier d'une chapelle où elles auraient été prendre ces trois os, mais elles prétendirent encore qu'elles avaient été accompagnées dans cette course par Isabelle Roels, ici cinquième accusée. >> Celle-ci nia le fait et soutint sa dénégation en présence des troisième et quatrième accusées, qui furent enfin confondues, lorsqu'on exigea de chacune d'elles et séparément de montrer le chemin qui avait été suivi soit en allant soit en revenant du charnier. >> Confondues ainsi, les troisième et quatrième accusées convinrent qu'elles avaient concerté ensemble cette ruse, et elles avouèrent leur imposture sans pouvoir alléguer une raison plausible de cette conduite. » Devant le juge d'instruction, le premier accusé a constamment nié les crimes dont il est accusé; mais il est convenu que le sergent-major Maters était entré chez les Claus à Grembergen, le 23 mai 1817, vers neuf heures du soir. » Le second accusé, qui avait d'abord embrassé le système d'une dénégation entière, est convenu de la plupart des circonstances de la scène horrible dans laquelle Maters perdit la vie; mais il prétend n'avoir ni posé les genoux sur la poitrine du sergent-major expirant, ni pris part au dépecement de son cadavre il soutient aussi n'avoir pas su ce qui est arrivé avant le moment où le crime a été commis. » La troisième accusée a avoué également la plupart des faits ci-dessus détaillés; mais elle prétend n'avoir pas su les intentions des assassins, n'avoir pu ni prévenir le crime, ni défendre celui qui en a été la victime. Elle soutient avoir été forcée de demeurer avec le premier accusé soit dans la petite chambre immédiatement après l'assassinat, soit au moment de l'enterrement du cadavre, soit en rentrant dans la maison, soit en se couchant avec l'assassin, soit enfin, en y retournant le lendemain afin d'assister au regal pour lequel de la viande avait été achetée de l'argent volé à Maters. » La quatrième accusée, qui avait à plusieurs reprises avoué ce qu'elle savait des circonstances rapportées ci-dessus, et qui s'était bornée à prétendre aussi que tout s'était passé sans qu'elle y eût pris part ou qu'elle l'eût pu prévenir en rien, finit par rétracter tout ce qu'elle avait dit antérieurement, et déclara n'avoir fait ces déclarations si circonstanciées, si multipliées et si étrangement mêlées de restrictions et de mensonges, que dans l'espoir de pouvoir s'en retourner chez elle. » La cinquième accusée n'a guère varié dans ses déclarations; on lui doit la connaissance de la vérité. Elle a soutenu ses dires avec fermeté et persévérance, et toujours ils ont été vérifiés lorsqu'elle eut pris le parti d'être sincère. Elle prétend n'avoir rien su d'avance des projets des assassins; elle soutient n'avoir pu prévenir le crime, et avoir été forcée de demeurer avec ceux qui l'ont commis, et même n'avoir pu s'empêcher de participer ensuite au regal fait avec l'argent volé à Maters. Et persistant dans ses déclarations par un dernier interrogatoire, elle a dit n'être demeurée qu'un instant dans la maison des Claus après l'assassinat commis, et n'avoir gardé le silence aussi longtemps sur cette horrible action, que parce qu'elle ignorait que le silence aurait pu la compromettre. >> En conséquence, Charles Claus, Jacques Claus, tous deux fils de Liévin, Amelbergue Michiels, épouse de Charles Claus; Marie-Grisilde Claus, fille de Liévin et épouse de Séraphin Waegenaere; et Isabelle Roels, plus amplement désignés ci-dessus, sont tous les cinq accusés de s'être rendus coupables de l'assassinat du sergent-major Maters dans la nuit du 23 au 24 mai 1817, et des vols commis à la suite de cet assassinat, soit comme auteurs, soit comme complices, pour avoir avec connaissance aidé ou assisté les auteurs ou l'auteur de ces crimes dans les faits qui les ont facilités ou préparés ou dans ceux qui les ont consommés; ou pour avoir sciemment recélé en tout ou en partie, enlevé, détourné ou obtenu les objets, effets ou argent provenus desdits crimes; ce qui constitue les crimes prévus par les articles 59, 60, 62, 295, 296, 297, 302 et 382 du code pénal. >> Sur quoi la cour d'assises de la province de la Flandre orientale aura à prononcer. >> Fait au parquet de la Cour supérieure de justice, séant à Bruxelles, ce 2 septembre 1819, » VAN DER FOSSE. » (Pour être continué.) A. N. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Conférences de Notre-Dame de Paris, par le révérend père HENRI-DOMINIQUE LACORDAIRE. Louvain, chez C.-J. Fonteyn, libraire-éditeur. Jamais publication n'eut plus le mérite de l'à propos que celle dont nous venons de transcrire le titre : c'est au moment où la Belgique entière accourt à Liége aux conférences de l'illustre prédicateur, que M. Fonteyn fournit au lecteur avide celles prêchées à Notre-Dame de Paris de 1835 à 1843, et publiées par M. Lacordaire lui-même. Le volume que nous avons sous les yeux contient vingt conférences qui embrassent trois points principaux : 1o De l'Église'; 2o De la doctrine de l'Église en général et de ses sources; 3° Des effets de la doctrine catholique sur l'esprit. Nous n'essayerons pas d'analyser ces chefs-d'œuvre de logique et d'éloquence; nous nous bornerons à indiquer, d'après le R. P. Lacordaire luimême, le but pratique de ses conférences : « Quel est, a-t-on dit, le but de » cette parole singulière, moitié religieuse, moitié philosophique, qui affirme » et qui débat, et qui semble se jouer sur les confins de la terre et du ciel ? » Son but, son but unique, quoique souvent elle ait atteint par-delà, c'est » de préparer les âmes à la foi, parce que la foi est le principe de l'espérance, » de la charité et du salut, et que ce principe, affaibli en France par soixante >> ans d'une littérature corrompue, aspire à y renaître et ne demande que » l'ébranlement d'une parole amie, d'une parole qui supplie plus qu'elle » ne frappe, qui entr'ouvre l'horizon plus qu'elle ne le déchire, qui traite » enfin avec l'intelligence et lui ménage la lumière comme on ménage la vie » à un être malade et tendrement aimé. Si ce but n'est pas pratique, qu'est-ce >> qui le sera sur la terre ? » Les merveilles que les prédications du savant Dominicain ont déjà opérées au profit de la foi, ont dû le convaincre de l'excellence du but qu'il s'est proposé; il se félicite déjà de la pensée d'avoir pu semer, mais qu'il se réjouisse, il a fait plus : il a fait mûrir l'épi, il lui a été donné de le cueillir. Et comment serait-il possible qu'il n'en fût ainsi? Comme le dit fort bien une de ses biographies, « la vie intime qui anime l'éloquence du P. Lacor» daire, c'est cette foi qui se mêle à tout; c'est la religion pénétrant non » seulement tous les rapports de l'homme et de Dieu, mais tous les rapports » de l'homme avec ses semblables, avec sa famille, avec la société, avec son » pays, avec tous les êtres d'ordre inférieur ou supérieur; c'est cette même |