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c'est-à-dire qu'on ne peut pas affirmer d'après eux, que Brest fut plutôt Gesocribate que Saliocanos. La supériorité de Brest au point de vue de la marine militaire moderne, sur les autres. ports de l'Armorique, ne fait rien au sujet de la préférence à attribuer; d'ailleurs les navires des Gaulois n'étaient pas grands ni nombreux et n'avaient pas besoin de vastes ports ni d'eaux profondes, ils étaient solides et très appropriés, dit César, à cette mer dure et à ces côtes dangereuses, étant construits en chêne, à fonds plats pour pouvoir les échouer pendant les marées basses; leurs voiles étaient faites de peaux d'animaux cousues ensemble et leurs ancres garnies de chaînes en fer, afin de résister aux fonds de roches qui eussent ragué et coupé des câbles de chanvre. Il est même à remarquer que les Armoricains avaient devancé de de dix-neuf siècles les modernes dans l'usage des câbles en fer, car il y a cinquante ans j'ai navigué sur des frégates qui n'en étaient pas encore pourvues.

Je ne veux pas terminer sans rappeler que le vainqueur des Vénètes, bien qu'il ait été implacable envers eux, a rendu une éclatante justice à l'habileté, à la ténacité et au courage qu'ont déployés leurs marins dans la défense de leurs côtes et oppida.

En résumé, je crois que c'était à l'extrémité du Finistère, à la presqu'île de Kermorvan du port du Conquet située à cent kilomètres de Carhaix - Vorgium que se trouvait Gesocribate marqué à XLV lieues gauloises de Vorgium; et que Brest était le port de Saliocanos mentionné par Ptolémée le géographe dans le IIe siècle.

NOTE

SUR QUELQUES MONNAIES ROMAINES

TROUVÉES A MONTAUBAN (ILLE-ET-VILAINE)

Dans sa séance d'avril dernier, la Société archéologique d'Illeet-Vilaine a reçu communication de quatre médailles de petit bronze, trouvées à Montauban (Ille-et-Vilaine) : l'une est fruste, deux autres appartiennent bien clairement à Maximien-Hercule et la quatrième à Constantin.

Le propriétaire, M. de Villers, a bien voulu me confier ces trois dernières pendant quelques jours, afin que je pusse les examiner à loisir. Celles de Maximien ont, au revers, une figure debout, portant la patère des libations et une corne d'abondance, avec l'exergue Genio pop(uli) rom(ani), très facile à lire sur l'une d'elles et par suite à restituer sur l'autre, où elle est moins bien conservée. Sur la première, l'exergue du droit est un peu plus développée que sur l'autre; elle porte: D(omino) N(ostro) Maximiano Pio Felici S(acrum?). Je restitue ce dernier mot, dont le monument ne porte que l'initiale, à cause de l'emploi exceptionnel du datif, lequel m'induit à penser que nous avons sous les yeux une médaille proprement dite plutôt qu'une monnaie. Il ne me semble pas d'ailleurs qu'à cette époque de transition entre le principat et la monarchie, la présence d'un génie du peuple romain ait rien de bien remarquable; aussi ne m'arrêterai-je pas davantage sur ces deux petits monuments.

Il n'en est pas de même de l'autre pièce, portant au droit, avec

le portrait de l'empereur, l'exergue Imp(erator) Constantinus Pius) F(elix) AVG(ustus), ce dernier mot peu lisible. Au revers est une figure debout, portant la couronne radiée, à peine vêtue d'une chlamyde et levant la main droite, qui tient un fouet. Dans la main gauche est un objet que je n'ai pu bien reconnaître; peut-être est-ce simplement un pan de la chlamyde, mais ce pourrait être un bouquet d'épis. Ici l'exergue porte ces mots : Soli Invicto Comiti; et c'est précisément cette formule qui m'a donné la pensée de faire de cette médaille l'objet d'une communication.

La pièce de Constantin le Grand, avec une figure radiée au revers et l'exergue Soli Invicto n'est pas une exception bien rare (1). La figure du revers, en buste ou en pied, est toujours radiée en ce cas. A l'épithète invicto est joint une fois le mot æterno (n° 510), quatre fois le mot comiti (511-14); on lit aussi Comiti Domini) N(ostri) (509), et pour les métaux précieux (100, 101, 102). De même on lit sur un Maximien : Herculi Comiti Augg. et Caess. NN. (38), et ailleurs Hercule avec d'autres épithètes (40, 46, 47, 48); on en trouve aussi avec la tête radiée de l'empereur (128, 253, 261). Constance-Chlore a de même la tête radiée aux nos 84, 85, 175 des médailles qui lui appartiennent. Que ce soit là un symbole solaire personne ne le conteste, mais il est aussi incontestable à mes yeux que M. Cohen, dans son explication des médailles de Constantin, n'a pas exprimé toute la pensée du modèle, ou du moins sa valeur ordinaire, quand il s'est borné à donner le nom de soleil à la figure du revers.

Sol invictus, en épigraphie (je ne dis pas seulement en numismatique) a une signification spéciale bien déterminée il signifie le dieu oriental Mithra, dieu bienfaisant, dieu de la lumière, mais bien distinct du soleil dans l'Avesta. Le

(1) Cohen, Description historique des monnaies frappées sous l'Empire romain, VIII® volume, édition de 1888, nos 507-47 de Constantin; nos 457-74 d'une édition antérieure (VIe volume).

Vendidad l'appelle Mithra aux vastes campagnes (Fargard III, 5), épithète répétée plusieurs fois dans le Vispered (I, 24; II, 26; VII, 12; XI, 18), et aussi dans le Yaçna (I, 11; IV, 15; VI, 6; VII, 15; XV, 27; XXII, 25; XXV, 13). Enfin, si nous remontons à l'ancien Yaçna, aux Gâthas, nous y lisons : « Vénération à Mithra, qui s'étend au loin sur les campagnes, » et immédiatement après « Vénération au soleil aux chevaux rapides (1). »

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Une composition plus récente, mais ancienne encore, le Yesht des Fravashis (2), prononce cette bénédiction: « Que désormais Mithra aux vastes campagnes développe tous les biens principaux des contrées et réjouisse celles qui s'unissent, » ou, comme l'ajoute en note Mgr de Harlez, « les extrémités, ce qui est le plus en avant » Mithra est le génie de la concorde. Une autre bénédiction, énoncée dans le XXIIIe Yesht, contient ces mots : « Sois possesseur de chevaux rapides comme (l'est) le soleil; sois brillant comme la lune, étincelant comme le feu, perçant comme Mithra. » Perçant, ajoute en note le même traducteur, c'est-à-dire atteignant les ennemis.

Enfin et surtout, pour nous rendre bien compte de ce qu'on entendait par Mithra aux temps avancés du mazdéisme, lorsque ce culte pénétrait en Europe, nous devons étudier le X Yesht, qui porte spécialement le nom de Yesht de Mithra, Mihir Yest dans la langue déformée. Je me garderai bien ici d'analyser en entier cette pièce dont la traduction remplit vingt-quatre pages in-4o, mais il est facile d'en reconnaître les pensées dominantes et nous allons voir l'usage qu'on en peut faire ici.

Mgr de Harlez regarde ce Yesht comme très antique, mais retouché ultérieurement (p. 42). - Mithra n'est pas considéré comme le dieu suprême : ce caractère incommunicable demeure celui d'Ahura-Mazda, comme à toutes les époques du mazdéisme; c'est Ahura-Mazda qui « a constitué Mithra le soutien et le

(1) Yaçna, chap. LXVII, 60-61.

(2) Yesht, XIII, 95.

directeur de tout être terrestre (M. Y., § 103). » Mais par cela même Mithra opère, en tout ordre de choses, l'action providentielle à l'égard du genre humain. Il conserve, dans ce morceau, l'épithète << aux vastes campagnes » qu'il avait ailleurs, nous l'avons vu (1); mais elle est ici expliquée par ces mots : « qui s'étend au loin sur les campagnes (§ 3); qui règne sur les campagnes (2); sa demeure est étendue sur l'immense étendue de la terre (§ 44). Il marche devant le soleil (3); il est porté sur un char (4); il s'élève dans le firmament (§ 25); il donne la victoire à ses fidèles (5); il est gardien habile et soutien habile de toutes les créatures (§ 54). Mithra aux mille oreilles, aux dix mille yeux (6); il voit de dix mille côtés (§§ 27, 46); il a pour attribut essentiel une vigilance que n'interrompt jamais le sommeil (7); il est bienfaisant, véridique et sage (§§ 6-7); il met les eaux en mouvement et il écoute les invocations, il fait couler les eaux et croître les plantes (§ 61); il est le rapide des rapides, le généreux des généreux, le fort des forts, le sage des sages; c'est lui qui donne les troupeaux, qui donne la puissance, qui donne la progéniture, qui donne la vie, qui donne le bien-être et qui donne la pureté (§ 65). » Ses attributs et ses dons ne se bornent pas, comme on le voit par ce dernier mot, aux choses terrestres. L'auteur de l'hymne, énumérant les bienfaits de Mithra, nomme tour à tour la joie, le pardon, la guérison, la victoire, la pureté (8). Il est plein de force, favorisant la loi, noble, aux vertus pures, incarnation de la loi, guerrier aux bras vigoureux (§ 25). Il est, dans l'excellence de son être, auteur de bonnes pensées, de bonnes paroles et de bonnes actions (§ 106), c'est-à-dire du bien sous les trois formes essentielles que lui

(1) Voyez prélude et §§ 1, 52, 93, 113, 115, 120-122, 146.

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(6) Prélude et §§ 81, 91, 146. Et passim, dans une formule souvent répétée. (7) §§ 7, 103; cf. 52, 61.

(8) §§ 5 et aussi 33, où sont désignés surtout des bienfaits intellectuels et moraux.

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