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L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits.
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne;
C'est toujours même note et pareil entretien;
On dit qu'on est inconsolable;

On le dit, mais il n'en est rien,
Comme on verra par cette fable,
Ou plutôt par la vérité.

L'époux d'une jeune beauté

Partoit pour l'autre monde. A ses côtés, sa femme
Lui crioit «< Attends-moi, je te suis; et mon âme,
:
Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. »
Le mari fait seul le voyage.

La belle avoit un père, homme prudent et sage;
Il laissa le torrent couler.

A la fin, pour la consoler :

«Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes :
Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes'?
Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l'heure

Une condition meilleure

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Change en des noces ces transports;

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5. Dans les deux premières éditions, 1668 in-4° et in-12, ainsi que dans celles de 1679 Amsterdam, de 1682 et de 1729, on lit fit; c'est aussi la leçon du manuscrit dont il est parlé dans la note 1. Les deux textes de 1678 ont fait, que reproduisent ceux de la Haye 1688, et de Londres 1708.

6. Noyez, sans i, dans les anciennes éditions.

7.

Solane perpetua mærens carpere juventa...?
Id cinerem aut Manes credis curare sepultos?

dit Anna à Didon, sa sœur, au IVe livre de l'Énéide, vers 32 et 34. 8. Sur l'heure, à l'instant même. Voyez livre I, fable x, ver♥ 2; livre VII, fable 11, vers 36; livre VIII, fable 1, vers 22.

Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose " Que le défunt. Ah! dit-elle aussitôt,

Un cloître est l'époux qu'il me faut ".

Le père lui laissa digérer sa disgrâce".

Un mois de la sorte se passe ;

L'autre mois, on l'emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure :
Le deuil enfin sert13 de parure1,

En attendant d'autres atours;
Toute la bande des Amours

Revient au colombier 15; les jeux, les ris, la danse,

Ont aussi leur tour à la fin :

9. Dans le Cid, le Roi dit à Chimène :

Prends un an, si tu veux, pour essuyer tes larmes;

et un peu plus loin, s'adressant à Rodrigue:

Pour vaincre un point d'honneur qui combat contre toi,
Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.

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(Acte V, scène dernière, vers 1821, 1839 et 1840.) 10. L'édition de 1682 a toute autre chose; c'est la seule qui donne cette leçon, plus conforme pourtant au vieil usage en ce sens même de tout autre.

11. La Fontaine a dit ailleurs :

Comme vos yeux alloient tout embraser,

Il fut conclu par votre parentage

Qu'on vous feroit un couvent épouser.

(Lettre à Mme de C[oucy], vers 61-63.)

- Dans Sophocle, Antigone, sur le point de mourir, se sert d'une figure analogue: 'Axépovti vuμpeúow (Antigone, vers 816).

12. Littré, à l'article DISGRÂCE, 2o, donne de nombreux exemples de ce mot dans cette acception de « malheur ».

13. Le deuil sert enfin. (1679 Amsterdam.)

14. Ce vers est cité et appliqué par Mme de Sévigné, tome III, p. 355, lettre du 8 janvier 1674.

15. L'édition de 1668 in-12 a au coulombier; celle de 1682 : aux colombiers, faute évidente. Pour cette gracieuse image, voyez,

On se plonge soir et matin

Dans la fontaine de Jouvence 16.

Le père ne craint plus ce défunt tant chéri 17; Mais comme il ne parloit de rien à notre belle : « Où donc est le jeune mari

Que vous m'avez promis? » dit-elle 18.

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dans la Fille (fable v du livre VII, note 9, p. 116), le rapprochement fait par Nodier de l'image contraire, celle du départ, de l'abandon des Ris, des Jeux et de l'Amour. - J.-B. Rousseau, qui a imité ces vers, n'en a pas retrouvé la légèreté (Allégorie iv du livre I, vers 27-31) :

En ce lieu donc Amours de tout plumage....

De toutes parts viennent se rallier,

Tels que pigeons volants au colombier.

16. C'est-à-dire, on revient entièrement à la vie, à l'esprit, à la joie de la jeunesse.

17. Paulatim abolere Sychæum

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Incipit, et vivo tentat prævertere amore

Jam pridem resides animos desuetaque corda.

(Énéide, livre I, vers 720-722.)

18. L'édition de 1679 (Amsterdam) a de plus ici les huit fables suivantes, sous les nos xxII-XXIX: le Lion, le Loup et le Renard (livre VIII, fable ); le Coche et la Mouche (livre VII, fable 1x); le Trésor et les deux Hommes (livre IX, fable xvi); le Rat et l'Huitre (livre VIII, fable 1x); le Singe et le Chat (livre IX, fable xvII); du Gland et de la Citrouille (sic, livre IX, fable Iv); le Milan et le Rossignol (livre IX, fable xvIII); l'Huitre et les Plaideurs (livre IX, fable 1x). A la suite le même éditeur met encore deux épigrammes, deux épitaphes, et un rondeau redoublé.

ÉPILOGUE.

Bornons ici cette carrière :

Les longs ouvrages me font peur.
Loin d'épuiser une matière,
On n'en doit prendre que la fleur1.
Il s'en va temps que je reprenne
Un peu de forces et d'haleine
Pour fournir à d'autres projets.
Amour, ce tyran de ma vie,

Veut que je change de sujets :

Il faut contenter son envie.

Retournons à Psyché 3. Damon", vous m'exhortez

I.

Adhuc supersunt multa que possim loqui,

Et copiosa abundat rerum varietas;

Sed temperatæ suaves sunt argutiæ,

Immodica offendunt.

(PHÈDRE, livre IV, Épilogue, vers 1-4.)

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L'Épilogue final de Florian reproduit d'abord, par une autre figure, le début de la Fontaine, puis y ajoute celui de Phèdre :

C'est assez, suspendons ma lyre,

Terminons ici mes travaux :
Sur nos vices, sur nos défauts,
J'aurais encor beaucoup à dire;

Mais un autre le dira mieux.

2. « Tournure un peu gauloise, dit Chamfort, mais qui n'est pas sans grâce, pour dire : Il est bien temps. »

3. On voit que la Fontaine travaillait alors à son roman de Psyché, ou plutôt que, après l'avoir commencé, il l'avait interrompu pour publier des fables. Cet épilogue fut composé au plus tard à la fin de mars 1668, et c'est dix mois après la publication de ce premier recueil de fables, c'est-à-dire à la fin de janvier 1669, que Psyché parut pour la première fois.

4. Il est difficile de deviner qui ce nom doit désigner. Dans

A peindre ses malheurs et ses félicités :
J'y consens; peut-être ma veine

En sa faveur s'échauffera.

Heureux si ce travail est la dernière peine

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Que son époux me causera!

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Psyché, la Fontaine se peint lui-même sous le nom de Polyphile; il appelle un de ses trois amis du nom de Gélaste, qui s'applique à Molière ou à Chapelle. Les deux autres, Racine et Boileau, sont appelés Acante et Ariste dans le roman; mais rien n'empêche de croire qu'ici il ait donné à l'un des trois cet autre nom de Damon'. Cependant la Fontaine avait un ami plus intime encore, Maucroix, auquel la postérité songe moins, mais auquel il a bien pu adresser ce souvenir. Notons encore, sans en pouvoir rien conclure, qu'une Épitre de Maucroix à Damon est accompagnée de cet avis dans le manuscrit de Reims, où M. Louis Paris l'a trouvée : « Damon, c'est des Réaux. » Voyez les OEuvres diverses de Maucroix, publiées par M. Louis Paris, tome I, p. 79.

5. L'époux de Psyché, l'Amour.

Comparez les derniers vers

de la fable II du livre IX, les Deux Pigeons.

a Voyez la Notice biographique en tête du tome I, p. xcn et xcn. b Avant de donner à Racine le nom poétique d'Acante, il se l'était donné à lui-même dans le Songe de Vaux et dans la comédie de Clymène, publiés en 1671 (après Psyché), mais composés bien antérieurement. Dans les fragments du Songe de Vaux, le nom d'Ariste désigne probablement Pellisson; pour traduire celui de Gélaste, qui paraît aussi dans ces fragments, et qui là caractérise seul, sans rien de plus, le personnage qui le porte, nous ne voyons pas sur quoi pourraient se fonder les conjectures.

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