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FABLE XII.

LE CIERGE.

Fables ésopiques de Camerarius, fab. 320, Cera. - Abstemius, fab. 54, de Cera duritiam appetente. fab. 113, de la Cire appetant durté. khard Waldis, livre II, fab. 81.

Mythologia sopica Neveleti, p. 557.

Haudent, 2 partie, Comparez l'Esopus de Bur

<< Autre mauvaise fable, dit Chamfort. Quelle bizarre idée de prêter à un cierge la fantaisie de devenir immortel, et pour cela de ɛe jeter au feu ! »

« Il est fâcheux, dit Nodier, que de si jolis vers se trouvent dans une si mauvaise fable. Comment se fait-il que la Fontaine, qui a le bon esprit de douter qu'une montagne ait été en mal d'enfant (livre V, fable x, vers 7-9), attribue des idées à un cierge ? » Le reproche est plus spécieux que fondé. D'abord notre auteur n'a pas inventé le sujet. L'accepter de ses devanciers, parce qu'il sent qu'il lui inspire « de si jolis vers », est-il plus choquant que d'avoir, ainsi qu'Horace, emprunté à la Sagesse, comme l'on dit, des nations, la susdite fable de la Montagne? Dans le vaste champ des personnifications allégoriques, l'imagination du peuple, les caprices du génie se donnent, et en ont le droit, libre carrière. « Il n'y a point en ces fictions, dit très-bien M. Moland (tome II de son édition de la Fontaine, p. 201), à tracer de règle absolue. » Et il transcrit un apologue du moyen âge tout à fait analogue à celui-ci : du Charbon qui voulut ardoir (brûler) la mer, « où il ne.... semble pas que l'esprit soit choqué, quoiqu'on y prête un mouvement volontaire aux choses inanimées. » - M. Taine (p. 310-311) cite les premiers vers de cette fable, pour montrer comment la Fontaine, dans l'expression, aime à rassembler les contrastes, se plaît « à tomber du ciel en terre, et à prendre le langage d'un marchand après celui de Virgile.... Les écrivains du siècle, ajoute-t-il, sont soutenus; ils gardent le même ton, noble ou plaisant. Ils sont partout d'accord avec eux-mêmes, parce qu'ils sont raisonnables. La Fontaine est

cet être « ailé, léger, sacré, papillon du Parnasse, » dont le vol capricieux monte et descend au gré de son imagination mobile [voyez les vers 66-70 du second Discours à Mme de la Sablière, 1684]. »

C'est du séjour des Dieux que les Abeilles viennent'.
Les premières, dit-on, s'en allèrent loger

Au mont Hymette2, et se gorger

Des trésors qu'en ce lieu les zéphyrs entretiennent.
Quand on eut des palais de ces filles du Ciel
Enlevé l'ambroisie en leurs chambres enclose,

I.

His quidam signis, atque hæc exempla secuti,
Esse apibus partem divinæ mentis et haustus
Etherios dixere.

(VIRGILE, Géorgiques, livre IV, vers 219-221.)

5

2. « Hymette étoit une montagne célébrée par les poëtes, située dans l'Attique [au sud-est d'Athènes], et où les Grecs recueilloient [et recueillent encore] d'excellent miel. » (Note de la Fontaine.) — Dans la fable de l'Ane juge donnée en appendice par M. MartyLaveaux, au tome V, p. 255, le miel est nommé

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Le trésor doré des filles de l'Hymette.

3. L'édition de 1679 porte bien des trésors, mais, dans les exemplaires que nous avons vus, l's est très-peu marquée, à peine visible; le contrefacteur (de 1692) a lu et imprimé de trésors, faute qui est aussi dans les éditions de 1688 et de 1709; celles de 1682, 1708, 29 donnent, comme le texte original, des trésors.

4. Métaphore continuée, au vers suivant, par le mot chambres, puis expliquée par ruches.

5. Telle est bien l'orthographe du mot dans toutes les anciennes éditions; celle de 1708 donne ambrosie, transcription fidèle, d'usage antérieur, des formes grecque et latine, qu'on peut voir dans les Lexiques de Corneille, de Racine, au vers 1884 (acte III, scène 1x) de l'Amphitryon de Molière, et que Littré a eu tort de changer en ambrosie dans les exemples qu'il cite de Regnier (vers 213 de la satire v et 179 de la satire xiv). La vieille forme ambrosie est la seule que donnent Richelet et Furetière. Notre auteur luimême l'a employée, en vers, dans Galatée (tome IV M.-L., p. 222 et 223), et en prose, au livre I de Psyché (p. 55 du texte original); puis, en vers, à la page 20 du même écrit, nous avons ambroisie, J. DE LA FONTAINE, 11

27

L

Ou, pour dire en françois la chose,
Après que les ruches sans miel

N'eurent plus que la cire, on fit mainte bougie;
Maint cierge aussi fut façonné.

Un d'eux voyant la terre en brique au feu durcie
Vaincre l'effort des ans, il eut la même envie R;
Et, nouvel Empedocle' aux flammes condamné
Par sa propre et pure folie,

Il se lança dedans.

Ce fut mal raisonné :

Ce Cierge ne savoit grain de philosophie.

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comme ici. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est ambrosie rimant avec choisie, dans le Songe de Vaux (tome III M.-L., p. 202). Dans le conte i de la IV partie, le vers 62 se termine par ambroise, au même sens, rimant avec villageoise et noise.

6. Littré distingue ainsi les deux mots bougie et cierge : « BOUGIE, chandelle de cire. CIERGE, grande chandelle de cire, à l'usage

des églises.

7. A remarquer le pléonasme d'il après un premier sujet. 8. Dans la fable citée de Burkhard, le Cierge motive son envie dans un long et dolent monologue.

9. « Empedocle étoit un philosophe ancien, qui, ne pouvant comprendre les merveilles du mont Etna, se jeta dedans par une vanité ridicule, et, trouvant l'action belle, de peur d'en perdre le fruit, et que la postérité ne l'ignorât, laissa ses pantoufles au pied du mont. » (Note de la Fontaine.)- Horace attribue de même à un désir de vaine gloire la mort volontaire d'Empédocle :

Deus immortalis haberi

Dum cupit Empedocles, ardentem frigidus Ætnam
Insiluit....

(Art poétique, vers 464–466.)

Mais, quoi qu'en disent les deux poëtes, et l'historien que cite Diogène de Laërte (Empédocle, $69), et qui dit également qu'il voulut passer pour être devenu un dieu, mais qu'une de ses pantoufles (il les portait d'airain) fut rejetée par le volcan, ne peut-on supposer que le philosophe fut plutôt victime de sa curiosité scientifique ? Voyez, dans le Dictionnaire des sciences philosophiques, l'article de M. Hauréau sur Empédocle et ses doctrines.

Tout en tout est divers: ôtez-vous de l'esprit
Qu'aucun être ait été composé sur le vôtre.
L'Empedocle de cire 10 au brasier se fondit :

Il n'étoit pas plus fou que l'autre11.

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10. « Que la Fontaine, dit Chamfort, adopte ce conte ridicule sur Empedocle, on peut le lui passer; mais comment lui pardonner l'Empedocle de cire? On s'est moqué de la Motte pour avoir appelé une grosse rave un phénomène potager, » dans la fable xix du livre V, vers 6. Cette fantaisie de style de notre auteur passe peutêtre les bornes du bon comique, mais elle n'a nulle ressemblance avec la métaphore de la Motte, et, si peut-être elle blesse aussi un peu le goût, c'est de tout autre façon.

11. Hac admonemur fabula, ne appetamus quod est nobis natura denegatum. (ABSTEMIUS.) C'est aussi le sens de la morale de Camerarius, et de l'épilogue d'Haudent:

Par le moral on peult extraire
Que folle est une creature
Laquelle appette effect contraire
Directement à sa nature.

FABLE XIII.

JUPITER ET LE PASSAGER.

Ésope, fab. 15, Αδύνατα ἐπαγγελλόμενος; fab. 18, Φεναξ; fab. 47, Οδοιπόρος et Οδοιπόρος καὶ Ἑρμῆς (Coray, p. 11, 12, 30, 188, 189, 305, sous six formes). Poggii Facetiæ (1513, fol. 177 vo), de Quodam qui vovit candelam Virgini Mariæ. P. Candidus, fab. 45 et 50, Viator vovens; Navigans vovet. pitres XVIII-XXIV.

et des Larrons.

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Rabelais, le quart livre, chaHaudent, 2° partie, fab. 14, d'un Poure Homme

Mythologia sopica Neveleti, p. 99, p. 102, p. 129.

Dans les Facéties du Pogge, un capitaine de vaisseau, près de faire naufrage, voue à la Vierge un cierge gros comme un mât. On se récrie : « Bah! répond-il, si nous échappons, il faudra bien qu'elle se contente d'un petit cierge. »> Il y a même vœu d'un tel cierge à saint Nicolas dans la fable L1 du livre III de Burkhard Waldis, qui, avant cette version chrétienne du sujet, en donne, dans la même pièce, une autre païenne, d'un vœu à Jupiter. — Dans le premier des deux apologues cités de Candidus, le Voyageur égaré fait à Mercure la promesse éventuelle de lui offrir, s'il le remet dans sa voie, la moitié de ce qu'il pourra lui arriver de trouver chemin faisant. Il trouve un petit sac de dattes et d'amandes, mange les fruits et, se raillant du Dieu, dépose sur son autel les noyaux des uns et les écorces des autres : part égale et semblable, externa et intima. · Chez Rabelais, Panurge, pendant la tempête (chapitre xix du livre cité, tome II, p. 341), promet à saint Nicolas de lui édifier « une belle grande petite chappelle, ou deux. » Puis, quand la tempête est passée : « Escoutez, beaulx amys, dit-il (ibidem, chapitre xxiv, p. 357). Ie proteste dauant la noble compaignie, que de la chappelle vouée à Monsieur saint Nicolas..., i'entends que sera une chappelle d'eau rose 1. — Voyla, dist Eusthenes, le guallant; voyla le guallant: guallant et demy.

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1. Chappelle, alambic: il joue sur le mot, dont un des sens est encore aujourd'hui (Littré, 8o) couvercle d'alambic.

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