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Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui;

Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles,
Vous verrez que Perrin" tire l'argent à lui,

Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles 15. 25

gardes) pour son fils, et il l'obtint. Ainsi il mangea l'huitre dont le Roucy et M. de Lorge n'eurent que les écailles, que je trouvai toutes deux fort dures. » Il s'en trouve une autre au tome II, p. 173, même édition. · Pour l'ordre de s'en aller « en paix », grugés et contents, on peut rapprocher cette phrase du libre et franc sermonnaire Menot: ... Quando essemus in processu, isti grossi rosores (rongeurs) comederent nos et post infinitas pœnas et discursus et vagationes dicerent nobis : « Concordetis vos simul. » (Sermon pour le samedi des cendres, sabbato cinerum, fol. 79, col. 3-4.)

14. Ici, c'est bien comme nom de juge, plutôt que d'arbitre de rencontre, que le mot revient.

15. C'est-à-dire ne leur laisse rien. Le sac, sans l'argent, les quilles, sans la boule, ne sont d'aucun usage; à moins que le sac ne signifie ici le sac où étaient les informations, les papiers relatifs au procès voyez Rabelais, le quart livre, chapitre xã, tome II, p. 313. Littré, au mot SAC, 11°, explique par « proprement prendre l'argent du jeu et ne laisser aux autres que les quilles et leur sac. » Molière nous donne, dans les Fourberies de Scapin (acte II, scène v), le commentaire animé de ces quatre vers: voyez tome VIII de ses OEuvres, p. 460-464, et les notes. Mme de Sévigné (tome IX, p. 551-552), dans une lettre du mois de juillet 1690, applique au duc de Savoie la morale de l'apologue, ou, pour mieux dire, une des vérités qu'il fait ressortir : « J'en chanterois bien un (Te Deum) de tout mon cœur pour le retour de la raison de Monsieur de Savoie; mais ce qui est fâcheux, c'est qu'il ne sera plus le maître de la paix quand il le voudra. C'est la fable de l'Huitre, comme vous dites: il sera gobe par le plus fort. »

FABLE X.

LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE.

Ésope, fab. 35, Kúwv xal Aúxes (Coray, p. 23 et p. 296, sous

deux formes).

-

Faërne, fab. 28, Canis et Lupus.

2o partie, fab. 26, d'un Loup et d'un Chien. l'Esopus de Burkhard Waldis, fab. 63.

Mythologia sopica Neveleti, p. 118.

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Robert rapproche aussi une fable latine extraite par lui (tome II, p. 547-548) du même recueil manuscrit que les fables mentionnées, d'après lui, ci-dessus, p. 128 et 222; et de celle-ci il renvoie à la fable 94 de Marie de France, dou Bues1 et dou Leu. Dans toutes deux, identiques de fond l'une avec l'autre, le sot glouton est dupé de tout autre manière. Un Bœuf, surpris dans une vallée par un Loup, le conjure de le laisser gravir la montagne voisine, pour y faire sa dernière prière; mais, arrivé au sommet, il pousse un tel rugissement que les bergers accourent, avec leurs chiens qui déchirent le Loup.

Benserade, dans son quatrain cxxvi, résume ainsi la fable:

Sous la patte d'un Loup plutôt friand qu'avide,

Un Chien dit : « Attendez, je suis maigre et suis vuide;
Je m'en vais à la noce, et j'en reviendrai gras. >>

Le Loup y consentit ; le Chien ne revint pas.

:

« Après l'apologue précédent, dont la moralité est si étendue, dit Chamfort, en voici un où elle est très-étroite et très-bornée. Elle rentre même dans celle d'une autre fable (voyez la note 2), comme la Fontaine nous le dit dans son petit prologue, assez médiocre. » Pourquoi cette dernière épithète? Le début est fort bien approprié à ce morceau d'élégante et toute simple brièveté.

Autrefois Carpillon fretin

Eut beau prêcher, il eut beau dire,

1. Roquefort écrit ainsi au titre; ailleurs, aussi, Bous et Buef.

On le mit dans la poêle à frire2.

Je fis voir que lâcher ce qu'on a dans la main,
Sous espoir de grosse aventure3,

Est imprudence toute pure.

Le Pêcheur eut raison; Carpillon' n'eut pas tort :
Chacun dit ce qu'il peut pour défendre sa vie.
Maintenant il faut que j'appuie

Ce que j'avançai lors, de quelque trait encor3.

Certain Loup, aussi sot que le Pêcheur fut sage,

5

10

2. Voyez livre V, fable 1, le Petit Poisson et le Pécheur, et, cidessus, pour fretin, la note 11 de la page 250.

3. Terme de négoce : sous espoir de gros bénéfice, mais avec beaucoup de mauvaises chances à courir. L'expression, au sens propre, rappelle la jolie fable du Berger et la Mer (11° du livre IV). Ailleurs (livre VIII, fable xxiv, vers 10), dans un autre sens, avec une autre épithète :

--

....

ayant couru mainte haute aventure.

4. Le fabuliste fait ici un nom propre du nom commun de la bête, de même qu'au livre X, fable 111, vers 13:

Cormoran vit une écrevisse,

sans qu'il y ait, ce qui est son usage plus ordinaire, une épithète ou une apposition, soit après, comme au vers 1 : « Carpillon fretin ; à la fable citée, vers 36 : « Cormoran, le bon apôtre »; à la fable 1 du livre XI, vers 10: « Lionceau, mon voisin »; soit avant: « voisin Grillon » (V, 1v, 13); « son ami Bouc » (III, v, 2), etc., etc. Il est vraiment curieux de voir, et l'on a vu et verra, en maint endroit, combien il varie cette manière d'individualiser et humaniser; il fait précéder les noms de prénoms, de titres d'honneur, comme Seigneur, Messire, Messer, Monsieur, Maitre, Capitaine, Dom, etc., etc., même avec la particule de noblesse : « Monsieur du Corbeau » (I, 11, 5, et XII, xv, 128), « Ce Monseigneur du Lion-là » (VII, VII, 26).

5. Chamfort gourmande ridiculement le poëte pour cette assonance de lors et d'encor, cette rime entre hémistiches qui est toujours violation de l'usage, donc licence vu les règles, mais non pourtant choquante en soi : « Il est impardonnable, s'écrie-t-il, d'être si négligent. »

Trouvant un Chien hors du village,

S'en alloit l'emporter. Le Chien représenta

Sa maigreur : « Jà' ne plaise à votre Seigneurie
De me prendre en cet état-là;
Attendez mon maître marie

Sa fille unique, et vous jugez

Qu'étant de noce, il faut, malgré moi, que j'engraisse. Le Loup le croit, le Loup le laisse.

Le Loup', quelques jours écoulés,

15

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20

Revient voir si son Chien 10 n'est point meilleur à prendre; Mais le drôle étoit au logis.

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:

Il dit au Loup par un treillis11
Ami, je vais sortir; et, si tu veux attendre,
Le portier du logis et moi

Nous serons tout à l'heure 12 à toi.

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25

6. A remarquer l'addition s'en à cette périphrase verbale où aller joue simplement le rôle d'auxiliaire pour marquer le futur.

7. Abréviation du latin jam : déjà, dès ce moment. Voyez le conte vir de la II° partie, vers 227, et passim.

8. Dans les deux fables d'Ésope et dans celle de Faërne, il s'agit également de noce. Dans Haudent, le Chien annonce seulement

Que son maistre fera

Banquet auquel, s'il n'est bien prez tenu,

Abondamment adonc s'engressera.

9. Ce redoublement du nom fait plaisamment ressortir le redoublement de sottise: triple sot de le croire, de le laisser, de revenir.

10. Nodier dit, au sujet de ce son, plein de malice et de bonhomie : « Cela rappelle ce joli trait de la fable de l'Ours et les deux Compagnons (livre V, fable xx, vers 9-10):

Dindenaut prisoit moins ses moutons qu'eux leur Ours :
Leur, à leur compte, et non à celui de la bête, »

11. Dans la fable d'Ésope et dans celle de Faërne, le Loup aperçoit le Chien couché sur le toit de la maison, d'où il cherche en

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Ce portier du logis étoit un chien énorme,
Expédiant les loups en forme1.
Celui-ci s'en douta. « Serviteur au portier,
Dit-il; et de courir 15. Il étoit fort agile;

Mais il n'étoit pas fort habile :

«

Ce Loup ne savoit pas encor bien son métier 1.

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premier article d'ÊTRE, 6°. Nous avons vu, avec une légère nuance d'acception, au vers 23 de la fable xv du livre II:

Ils vont vite et seront dans un moment à nous.

- Signalons un autre emploi, vif et elliptique, de la préposition à, trois vers plus loin.

13. Des, dans les deux textes de 1679 Paris; au vers 31, ils omettent fort; l'Errata corrige en les et rétablit l'adverbe. L'édition de 1682 reproduit la seconde faute, sans tenir compte de la correction.

14. En bonne forme, selon les règles. Mème verbe et même nom, avec l'adjectif commune, au livre XII, fable vi, vers 6-7. 15. Voyez ci-dessus la note 20 de la page 261.

16. Comparez plus haut, p. 319 et note 3.

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