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Se plaindre de leur destinée

Les citoyennes des étangs*.

Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants? Dirent-elles au Sort: un seul Soleil à peine

« Se peut souffrir; une demi-douzaine

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<< Mettra la mer à sec et tous ses habitants.
« Adieu joncs et marais : notre race est détruite;
« Bientôt on la verra réduite

« A l'eau du Styx *. » Pour un pauvre animal”, Grenouilles, à mon sens, ne raisonnoient pas mal.

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4. Stagni incola, dit Phèdre, au singulier (vers 6). Dans sa fable et dans les grecques la foule des Grenouilles ne se plaint pas, mais se réjouit ; c'est l'une d'elles seulement, plus sage que les autres, qui prévoit la conséquence fatale. Chez Babrius (vers 4), c'est un Crapaud (ppɔ̃vos) qui joue ce rôle de rabat-joie.

5. Dans la plupart des autres fables, on ne prévoit qu'un fils. Phèdre, sans déterminer plaisamment le nombre comme la Fontaine, dit au pluriel: liberos.

6. De cette périphrase, si bien appropriée aux personnages, on peut rapprocher le vers 18 de la fable xx du livre XII, non moins justement appliqué à des arbres mutilés par la serpe :

Ils iront assez tôt border le noir rivage.

Comparez encore, comme expression mythologique de la mort (descente aux Enfers), les vers 23-24 des Vautours et les Pigeons (fable vi du livre VII) :

Tout élément remplit de citoyens

Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres.

7. Avec Grenouilles, qui suit, le pluriel animaux, en toute rigueur de grammaire, serait, comme dit l'abbé Guillon, plus correct; mais cette licence en vue de la rime n'a rien qui choque et laisse le sens parfaitement clair.

8. « Voici une de ces vérités épineuses qui ne veulent être dites qu'avec finesse et avec mesure. La Fontaine y en met beaucoup; et ce dernier vers, malgré son apparente simplicité, laisse entrevoir tout ce qu'il ne dit pas. Cela vaut mieux que (livre VI, fable vin, vers 15):

Notre ennemi, c'est notre maître. »
(CHAMFORT.)

FABLE XIII.

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT,

Ésope, fab. 170, Tswpyòs xal "Opis (Coray, p. 104 et 105, sous deux formes); Οδοιπόρος καὶ Ἔχις, Εχις καὶ Ἀνήρ (Coray, p. 357). Phèdre, livre IV, fab. 18, Homo et Colubra. - Romulus, livre I, fab. 10, même titre. Anonyme de Nevelet, fab. 10, de Rustico et Colubro. Gilberti Cognati Narrationum sylva, p. 42, même titre. Corrozet, fab. 7, du Rusticque et de la Couleuure. Haudent, Ire partie, fab. 118, d'un Rusticque et d'une Couleuure. — Le Noble, conte 13, du Paysan et du Serpent. L'ingratitude.

Mythologia sopica Neveleti, p. 230, p. 379, p. 438, p. 492.

Ce sujet est encore traité dans les Balades de Moralitez d'Eustache Deschamps (édition Didot, 1878, tome I, p. 120 et 121); et, comme l'indique M. Soullié (p. 170), dans le poëme du moyen âge intitulé le Castoiement, traduction ou plutôt imitation en vers français du Disciplina clericalis de Pierre Alphonse (conte Iv, tome II, p. 73, du recueil de Barbazan et Méon). — Dans le Pantschatantra indien il y a un récit tout différent (le 4o du livre V, tome II de M. Benfey, p. 332-334), d'où se déduit la même morale. Ce sont des Brahmanes qui, par leur puissance magique, rendent la vie à un lion mort, lequel, à peine ranimé, les met en pièces. - En outre, pour la morale, l'abbé Guillon rapproche justement du Villageois et le Serpent les fables ésopiques 117 et 273, la Poule et l'Hirondelle, et le Berger et les Louveteaux (Coray, p. 64 et 323, "Opviç xal Xeλidwv; p. 180, Пony xal Auxidɛîs; Nevelet, p. 183, p. 307).

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paysan: voyez livre I, fable vi, vers 8.

Aperçut un Serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile rendu3,

N'ayant pas à vivre un quart d'heure.

Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure;
Et, sans considérer quel sera le loyer'
D'une action de ce mérite,

Il l'étend le long du foyer*,

Le réchauffe, le ressuscite.

L'animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère;
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt";
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père'.

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2. Il y a une virgule entre immobile et rendu dans l'impression de 1729; quelques éditeurs modernes ont reproduit cette ponctuation. 3. La récompense, le salaire, comme il est dit plus bas, au vers 18. 4. Dans les fables anciennes, il est encore plus charitable et moins sage: il le réchauffe dans son sein. Sinuque fovit, dit Phèdre (vers 3), et il ajoute : contra se ipse misericors.

5. La vie, le souffle, anima. Le mot a évidemment le même sens dans ce passage d'une des élégies de notre auteur à Clymène (tome V de M. Marty-Laveaux, p. 88):

Je respire à regret, l'âme m'est inutile;
J'aimerois autant être une cendre infertile,

Que d'enfermer un cœur par vos traits méprisé.

Geruzez voit dans ce vers une transposition d'idées : « C'est la colère, dit-il, qui lui revient avec l'âme. » Mais avec s'explique fort bien sans transposition : « l'âme accompagnée de la colère qui lui est habituelle et comme inherente. » Αναλαβὼν τὴν ἰδίαν φύσιν, « reprenant sa nature propre, » dit l'une des fables grecques.

6. Le Noble, dans le distique latin qui précède sa fable française, peint de même le reptile :

Sibilat ereptus morti, mortemque minatur
Serpens....

7. Bienfaicteur, dans l'édition de 1679 Amsterdam.

8. Solvet trouve que ce dernier terme de la gradation « dit peutêtre un peu trop. » Il ne lui avait pas donné, mais redonné la vie.

Ingrat, dit le Manant, voilà donc mon salaire! Tu mourras! >> A ces mots, plein d'un juste courroux, Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête '; Il fait trois serpents de deux coups,

Un tronçon, la queue, et la tête.

L'insecte 10 sautillant cherche à se réunir,

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9. Dans les fables d'Ésope et de Phèdre, et de même dans la fable x d'Ysopet I, citée par Robert (tome II, p. 33 et 34), le Serpent, au lieu d'être tué, mord et tue le Villageois qui, chez Ésope, dit en mourant : « Je souffre justement, pour avoir eu pitié du pervers. » — Phèdre (vers 6) a eu l'idée singulière de mettre la morale dans la bouche du reptile; un autre serpent lui demandant la cause de ce méfait : « C'est, répondit-il, pour qu'on n'apprenne pas à faire du bien aux méchants, »>

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Dans une fable du Livre des lumières, imitée par la Fontaine dans l'une de ses plus belles (la première du livre X, sous le titre de l'Homme et la Couleuvre), le Serpent sauvé par l'homme, et prêt, comme ici, à se jeter sur son bienfaiteur, allègue du moins de sa rage un motif plus naturel (p. 205): « Je ne ferai en cela, dit-il, que ce que vous-mêmes exercez tous les jours. » — Chez Lessing", qui a tiré de cette fable une fable toute nouvelle, en y associant une idée prise de l'apologue du Lion abattu par l'Homme, un Serpent à qui on reproche ce même crime d'ingratitude, commis par l'un de ses ancêtres, l'en justifie pleinement le fait a été dénaturé par les hommes; il s'en réfère aux traditions, aux historiens de sa propre race; la vérité est que le prétendu sauveur croyait le Serpent mort et avait envie de sa peau. Et l'ingénieux fabuliste fait entendre que ce récit ne mérite pas non plus peut-être une foi entière; car quel ingrat a jamais été embarrassé de trouver une excuse? Cependant, ajoute-t-il, on peut croire que de véritables bienfaiteurs (voyez ci-après la note 12) n'ont que rarement obligé des ingrats; et s'il en est qui placent leurs bienfaits à intérêt, ceuxlà méritent bien de n'être payés que d'ingratitude.

10. Les Dictionnaires de Furetière et de Trévoux admettent cette extension de sens du mot insecte. « On a aussi appelé insectes, » dit Furetière (1690), et Trévoux l'a copié, « les animaux qui vivent

a Voyez la fable m de son livre II, le Jeune Garçon et le Serpent.

b Fable x de notre livre III.

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après qu'ils sont coupés en plusieurs parties, comme la grenouille, qui vit sans cœur et sans tête, les lézards, serpents, vipères, etc. >>

11. Voyez la fin de la note 13.

12. L'abbé Guillon rappelle à propos le verset 1 du chapitre XII de l'Ecclésiastique : Si benefeceris, scito cui feceris...; et Solvet le vers d'Ennius, cité par Cicéron au livre II, chapitre xvш, du traité des Devoirs: Benefacta male locata male facta arbitror.

13. Voyez la fable 1, citée plus haut (note 9), du livre X, Homme et la Couleuvre, vers 12 et 13. L'apologue a, comme l'on voit, une double morale. Chamfort dit au sujet de la première : « Voilà ce qu'il fallait peut-être développer. Il fallait faire voir que la bienfaisance qui peut tourner contre nous-mêmes ou contre la société est souvent un mal plutôt qu'un bien; que pour être louable, elle a besoin d'être éclairée. C'était là la matière d'un bon prologue; la Fontaine en a fait de charmants sur des sujets moins heureux. Au reste, il n'y a rien à dire à l'exécution de cet apologue, Le tableau du Serpent qui se redresse, le vers:

Il fait trois serpents de deux coups,

-

mettent la chose sous les yeux. On pourrait peut-être critiquer cherche à se réunir, pour dire à réunir les trois portions de son corps; mais la Fontaine a cherché la précision. » - Et il l'a trouvée, ce nous semble, sans être incorrect les trois serpents n'en font qu'un; le singulier peut donc très-bien se concilier avec l'idée de pluralité qu'implique réunir.

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