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Qu'il ait en sa main un tonnerre.
Tremblez, humains! faites des vœux :
Voilà le maître de la terre. »

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de notre sculpteur, que Juvénal raconte dans sa x satire (vers 6164), en parlant de la statue de Séjan brisée par le peuple :

Jam stridunt ignes; jam follibus atque caminis
Ardet adoratum populo caput, et crepat ingens
Sejanus; deinde ex facie toto orbe secunda
Fiunt urceoli, pelves, sartago, patellæ.

3. Artisan, dans l'ancien sens d'artiste, à rapprocher du mot faber, d'Horace (ci-dessus, note 1), et d'ouvrier (vers 13), qui avait également une signification moins restreinte qu'à présent, aussi étendue qu'ouvrage, que nous employons fort bien, aujourd'hui de même qu'autrefois, à côté d'art, comme fait la Fontaine au vers 110 du Discours à Mme de la Sablière, à la suite de ce livre IX. Comparez les vers i de la fable xx1 du livre I; 2 et 9 de la fable x du livre III; et voyez les Lexiques de Malherbe, de Corneille, de la Bruyère.

4. Ne le céda guère; ne resta guère au-dessous de sa folle illusion et de sa pusillanimité. Métaphore familière, elliptique, tirée de l'idée de comptes comparés, d'infériorité d'un compte à un autre, de dettes réciproques: voyez les nombreux exemples cités par Littré à DEVOIR, 1o, et, parmi eux, un de notre auteur autre que celui-ci (Joconde, conte i de la I" partie, vers 18). — Au commencement du vers, poëte, de deux syllabes, comme dans la

Des dieux dont il fut l'inventeur
Craignant la haine et la colère *.

Il étoit enfant en ceci;

Les enfants n'ont l'âme occupée
Que du continuel souci

Qu'on ne fâche point leur poupée®.

Le cœur suit aisément l'esprit':

De cette source est descendue

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fable xvi du livre VIII, vers 44 : voyez la note 20 de la page 294, à laquelle on peut ajouter divers exemples qui se rencontrent dans l'édition M.-L., aux tomes III, p. 433-434, et V, p. 102-103, 190, 193. Nous le trouvons deux fois de trois syllabes au tome IV, p. 234 et 258, dans la comédie de Ragotin. On voit clairement que le fabuliste n'a ici en vue aucun poëte en particulier, mais les poëtes en général, considérés par lui comme les inventeurs de la mythologie et les créateurs des Dieux. C'est au genre humain tout entier que Lucrèce, interprète d'Épicure, s'en prend de cette invention, avec de tout autres sentiments que les prophètes cités plus haut, dans son fameux morceau du livre V, vers 1160-1239, où il est parlé, comme ici, vers 20, de « la colère » (iras acerbas) prêtée par l'homme aux créatures de son imagination; puis, à satiété, de la crainte qu'elles excitent (horror, formido, pavor, timor); et, comme plus loin ici, vers 33-34, des songes tournés en réalités. Dans un brillant morceau de prose poétique qui termine le chapitre xxxi de la II' partie de son Essai historique sur les révolutions anciennes et modernes, Chateaubriand, cité par Solvet, fait, dans la création des Dieux, la part des passions des hommes et celle des Orphée, des Homère.

5. Par deux fois (versets 22 et 64), la lettre de Jérémie qui forme le chapitre vi de Baruch cité dans la notice, revient sur cette absurdité de la crainte de ces sortes de dieux: Sciatis et scientes.... quia non sunt dii, ne ergo timueritis eos.

6. C'est la comparaison d'Holckot (ci-dessus, p. 384) : Pueri.... insensati faciunt sibi puppas....

7. La Rochefoucauld intervertit les termes et dit avec son habituelle malignité : « L'esprit est toujours la dupe du cœur » (maxime CII, tome I, p. 75).

L'erreur païenne, qui se vit
Chez tant de peuples répandue.

Ils embrassoient violemment
Les intérêts de leur chimère":
Pygmalion devint amant

De la Vénus dont il fut père'.

Chacun tourne en réalités,

Autant qu'il peut, ses propres songes :
L'homme est de glace aux vérités;

Il est de feu pour les mensonges"

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8. Ils s'attachaient violemment à la divinité qu'ils avaient créée, à leur chimère, l'honorant et adorant, propageant et imposant son culte.

9. Pygmalion, statuaire de l'île de Chypre, qu'il ne faut pas confondre avec le roi de Tyr, frère de Didon, dont parle Virgile (Énéide, livre I, vers 346-352), devint, selon la fable, amoureux d'une statue de Galatée, qui était son propre ouvrage, et, ayant obtenu de Vénus qu'elle l'animât, il l'épousa. Son histoire est racontée par Ovide, dans ses Métamorphoses, livre X, vers 243297. Est-ce par erreur que la Fontaine a mis Vénus pour Galatée, ou faut-il entendre au figuré : « la beauté dont il fut père »? Voyez, au bas de la page, la fin de la note a.

10. Ces derniers vers sont devenus proverbe. Ils rendent la pensée par une figure si bien trouvée que beaucoup les citent sans en connaître l'auteur. Ce sont de ces maximes qui semblent avoir dû toujours exister.

a Comme fait, par exemple, Moréri : « Les poëtes ont feint, dit-il dans l'article du frère de Didon, que Pygmalion fut puni de la haine qu'il portoit aux femmes par l'amour qu'il eut pour une statue. » Il suit, en partie, une autre légende rapportée par Clément d'Alexandrie et Arnobe, d'après laquelle un Pygmalion, roi, non de Tyr, mais de Chypre, devint amoureux d'une statue de Vénus. Voyez aussi, dans le Dictionnaire de Bayle, les notes de l'article PYGMALION.

FABLE VII.

LA SOURIS MÉTAMORPHOSÉe en fille.

Livre des lumières, p. 279–281.

la Souris changée en Fille.

Bidpaï, tome II, p. 385-387, Saint Jérôme, Quæstiones supra Gene

sim, Paris, 1693, p. 1319. Marie de France, fab. LXIV, dou Muset (mot traduit par Suriz au vers 2) ki quist Fame, alias dou Muset qi ne pooit trover Fame à sun talent. Jacques de Lenda, Sermones latini, Paris, 1501, in-4°, fol. 41, col. 2 et 3. la Filosofia morale, fol. 77.

Doni,

Nous donnons à l'Appendice l'extrait du sermon de Jacques de Lenda où se trouve cette fable; car il y a des ressemblances frappantes entre le prédicateur et le fabuliste, jusque dans les détails: rencontres, et non emprunts, vu qu'il est plus que douteux que la Fontaine ait connu les sermons de Lenda. Ce n'est pas non plus aux traditions judaïques dont parle saint Jérôme, et qui sont rapportées par l'historien Josèphe (voyez Robert, tome I, p. ccxvii), qu'il doit son sujet, mais au Livre des lumières, à Bidpaï : le vers 58 en contient l'aveu.

Sa fable est tout à fait conforme à celles de David Sahid et de Bidpaï, mais non à la fable sanscrite originale. « En effet, dans le Pantchatantra [édition Lancereau, no 13], la Souris changée en Fille par un Brahmane trouve des objections à tous les partis qu'on lui propose, jusqu'au moment où elle aperçoit un Rat; alors le naturel la porte à prier son père adoptif de le lui donner en mariage. En lisant la fable de la Fontaine, on verra quels sont les détails étrangers que le rédacteur de l'ancienne version persane a introduits dans l'apologue original; et, ce qui mérite d'être remarqué, c'est que ces modifications dérivent d'une source indienne : on en retrouve l'idée dans un chapitre du grand poëme indien intitulé Hariva sa [voyez la traduction de Langlois, tome II, p. 180]. » (Loiseleur Deslongchamps, p. 49-50.) Comparez Benfey, Pantschatantra, Introduction, tome I, p. 373-378; et M. Lancereau, p. 378. On peut voir dans Basnage, qui rapporte ce conte (Histoire des

Juifs, la Haye, 1716, citée par Robert, tome I, p. ccxvii-ccxvIII), ce qu'il est devenu dans la littérature rabbinique : il en emprunte, dit-il, les traits au rabbin Ben Adda. Enfin, non comme source, mais comme curieux rapprochement, nous noterons encore, dans le recueil indien Hitopadesa (livre IV, no 5, édition Lancereau), la série de métamorphoses d'un Rat opérées par le merveilleux pouvoir d'un solitaire, et dont le dogme de la métempsycose, sur lequel va disserter le fabuliste, donnait si naturellement l'idée.

Dans la version de Marie de France il n'y a point de métamorphose; c'est l'orgueil seul qui enhardit le Souriceau à demander femme, tour à tour, au Soleil, à la Nue, au Vent, à la Tour de pierre:

Marier se veut hautement.

<< Tu n'as pas besoin d'aller si loin, lui dit la Tour; car, pour trouver la femme qui te convient le mieux, tu n'as qu'à prendre la petite Souris.

Jà ne sauras si lung aler,

Que tu puisses fame truuer

Qui miex soit à tun oës (besoin, intérét) eslite
Que la Sorisete petite. >>

M. Cosquin, dans ses Contes populaires lorrains (9o partie, p. 450), cite un conte curieux de l'île de Zanzibar où se trouve la même gradation de puissance que dans nos vers 24-42, du Soleil au Rat avec addition, après le Rat, de huit degrés de plus.

Nodier et la plupart des commentateurs se sont montrés sévères pour cet apologue. Mais n'est-ce point parce que Chamfort leur avait donné l'exemple, et se sont-ils vraiment appliqués à contrôler son jugement? « Je n'ai pas le courage, dit Chamfort, de faire des notes sur une si méchante fable, qui rentre d'ailleurs dans le même fond que celui de la fable xvIII du livre II [la Chatte métamorphosée en Femme]. C'est un fort mauvais présent que Pilpai a fait à la Fontaine. » Tel n'est pas le sentiment de Saint-Marc Girardin, et nous nous rangeons volontiers de son côté : « La fable de la Souris métamorphosée en Fille, dit-il, est à la fois un des récits les plus poétiques de la Fontaine et une de ces dissertations philosophiques qu'il aimait tant, qu'il faisait si bien, couvrant toujours le sérieux du fond sous l'agrément de la forme » (xIx leçon, tome II, p. 146-147). Voyez ensuite comment l'éminent critique développe et commente le récit et l'argumentation du poëte (p. 148–152).

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